Elle tient bien sa réputation de centre des affaires. La commune du Plateau est le point névralgique d’Abidjan du fait de la concentration des bureaux, des sièges sociaux d’entreprises et surtout de l’administration ivoirienne. Immersion.
Tel un dynamo, Xavier (nom d’emprunt) s’active avec une aisance mécanique pour guider les automobilistes cherchant à se garer sur le parvis de la majestueuse cathédrale Saint-Paul. « Il faut garer ici », conseille-t-il aux conducteurs en leur indiquant les places libres. Toutes les 15 secondes, tel un métronome urbain, Xavier répète les mêmes manœuvres avec une énergie inépuisable. Il incarne ce que l’on désigne localement comme un « Djocer de Nama », un virtuose de l’orientation aux talents multiples.
D’une part, il facilite le stationnement pour les centaines d’individus motorisés qui convergent quotidiennement vers le plateau pour une variété d’activités. Étant donné les coûts parfois exorbitants des taxis, ce lieu devient un point de rendez-vous pour ceux souhaitant se rendre dans les communes avoisinantes en optant pour des « taxis partagés », offrant des tarifs allant de 200 Fcfa à 500 Fcfa. Xavier, secondé par l’un de ses collègues, joue le rôle de médiateur dans cette mise en relation.
En ce qui concerne la rétribution, le Djocer de Nama révèle modestement ne pas percevoir une somme conséquente, ses revenus provenant parfois de la générosité spontanée de ceux satisfaits du service d’orientation et de surveillance de leurs véhicules. Des points d’assistance comme celui-ci fleurissent en plusieurs endroits du Plateau, répondant à une nécessité impérieuse pour mener ses activités dans cette commune où le stationnement anarchique est tout bonnement impossible.
La Tour F, un imposant joyau
L’un des joyaux les plus saisissants de cette localité est la cathédrale Saint-Paul. Érigé majestueusement en bordure de la célèbre Lagune Ebrié, cet édifice imposant, d’une hauteur de 70 mètres et d’une valeur estimée à 4 milliards de Fcfa, capte incontestablement l’attention. Conçu par l’architecte italien Aldo Spirito, l’architecture de la cathédrale suscite une double interprétation. D’une part, elle évoque l’image d’un pape ouvrant les bras, et d’autre part, elle suggère la tête de la mascotte emblématique de la Côte d’Ivoire, l’éléphant, avec sa trompe fièrement dressée vers le ciel.
À quelques pas de cette merveille architecturale, trône un édifice encore plus majestueux : la Tour F. Avec ses 400 mètres de hauteur, cette tour en phase finale de construction se compose de 72 étages de bureaux. Elle revendique déjà le titre de la tour la plus haute d’Afrique. La lettre F associée à cette imposante structure témoigne de son statut en tant que sixième du genre au sein de la cité administrative de la commune.
Comme souligné précédemment, le Plateau est l’épicentre des activités administratives du pays. À proximité immédiate de la Tour F se dressent les tours A, B, C (actuellement en rénovation), D et E, formant un ensemble architectural imposant. Face à l’entrée de cette cité administrative s’élève le centre des examens et concours, ajoutant une dimension académique à cette enclave dynamique.
Poursuivant notre déambulation à travers ces grandes artères animées, nous découvrons le Musée des Civilisations de Côte d’Ivoire. Un lieu qui prouve à suffisance la richesse culturelle et historique de la région.
Attractivité artisanale au coeur de la cité administrative
Pour répondre aux exigences de la 34e édition de la Coupe d’Afrique des Nations, un village a été érigé, abritant une télévision fixée sur un fromager. Afin de tirer parti de l’affluence probable de cet espace, des artisans ont mis en place une foire. Sur les lieux, des commerçants provenant d’horizons divers sont présents, qu’ils viennent de l’Inde, du Bénin ou du Sénégal. Par proximité affective, nous nous orientons d’abord vers le stand de Sokhna, la directrice de Dichou Design. Son espace est une représentation miniature du Sénégal en mode. « Nous proposons des Bine-Bine (perles pour femmes), des robes, des foulards, des éventails, des bracelets… », énumère-t-elle avec fierté. Pour l’instant, ce n’est pas encore l’effervescence totale.
Les clients arrivent timidement, et les affaires progressent lentement. « Ça va un peu, un peu. Il n’y a pas encore beaucoup de monde. Mais, on espère que cela changera avec le temps », nous confie Taofik, propriétaire d’un stand d’art exposant des masques ivoiriens provenant de différentes ethnies.
Assis au cœur de ce village artisanal et de la CAN, Issouf Drabo est tranquillement installé sur une chaise, scrutant l’horizon, sa main soutenant sa tête. En raison de son statut de quartier des affaires, la question sur le coût de la vie dans cette commune s’impose. Issouf Drabo relativise : « Cette commune ne peut pas être comparée aux autres. C’est un lieu où se trouvent le président de la République, les ministres, les députés, le stade Félix Houphouët-Boigny… En raison de toutes ces attractions, la vie au Plateau ne peut pas avoir le même coût que dans les autres communes ».
L’histoire de la commune de Plateau
Dans un prochain article découverte, l’histoire sur ce musée des civilisations, abritant ces attractions, vous sera narrée. En attendant, Guy Stéphane Amangui, responsable des expositions de ce musée et par ailleurs guide touristique, maîtrise l’histoire du Plateau mieux que sa poche. Selon lui, l’on ne peut dissocier l’histoire de cette commune à celle d’Abidjan. C’est ainsi qu’il nous plonge dans la genèse de la capitale économique d’Abidjan. L’arrivée du colon européen en Côte d’Ivoire en 1893, focalisé sur Grand Bassam, a marqué le début d’une séquence d’événements qui a consacré la ville comme première capitale coloniale de la région.
Cette période est signalée par l’érection de structures clés telles que le premier port et la première banque commerciale d’Afrique en 1893, élevant Grand Bassam au statut de capitale. L’année 1899, cependant, porte le stigmate d’une tragédie marquante – une épidémie de fièvre jaune meurtrière qui a anéanti une grande partie de la population coloniale, conduisant à la fuite des colons vers Béziersville et l’abandon de Grand Bassam. Ce déplacement de la capitale a trouvé son nouveau refuge à Bingerville, bien que cette localité, perchée sur un plateau, se soit avérée être un compromis loin d’être idéal pour les besoins infrastructurels. La recherche d’un emplacement propice pour le chemin de fer et le port a conduit les colons à Abidjan, un site initialement sauvage.
Malheureusement, la colonisation d’Abidjan a déclenché une résistance locale, marquée par la confrontation entre les Ebriés et les colons. La pacification d’Abidjan a coïncidé avec le début des travaux. Le développement d’Abidjan s’est intensifié, avec l’émergence de quartiers clés comme Adjamé, et le Plateau. « Le quartier du ‘Chemin de Fer’ au Plateau, où s’installent les administrateurs, témoigne de l’impact du chemin de fer sur la croissance urbaine. À gauche, le quartier des industriels français, aujourd’hui appelé Paris Village, abrite la radio Nostalgie. Abidjan devient officiellement capitale en 1934, marquant une étape importante dans son évolution, » explique Guy Stéphane Amangui.
Au-delà du Plateau, l’émergence de Treichville, dévolu au port, et le développement ultérieur de Cocody, Marcory et Port-Bouët ont contribué à la croissance d’Abidjan. Une commune qui ne cesse de se développer infrastructurellement parlant avec notamment le 5e pont Alassane Dramane Ouattara et le Stade Félix Houphouët-Boigny dit Félicia. A noter aussi que de nombreuses entreprises privées et institutions internationales y ont également élu domicile.