La négation de la démocratie n’a jamais été aussi encensée en Afrique de l’Ouest depuis 2021. Après le Mali et la Guinée, c’est le Burkina Faso et le Niger qui ont brutalement basculé sous des régimes militaires. Même si les putschistes sortent un trésor d’arguments pour justifier leur coup de force, il n’en demeure pas moins que la démocratie a été mise sous l’éteignoir dans ces pays.
Affrontements armés à Freetown
Cet appétit des militaires pour le pouvoir dans l’espace Cedeao a commencé par inquiéter les autres chefs d’État jusqu’ici épargnés. Même s’ils ne l’avouent pas publiquement, leurs déclarations laissent transparaître cette « angoisse ». Il faut juste s’attarder sur l’actualité en Sierra Leone et en Guinée-Bissau pour s’en rendre compte.
Le 26 novembre 2023, des affrontements armés ont éclaté à Freetown après une tentative avortée de forcer une armurerie militaire.
Treize militaires et un civil suspectés d’être impliqués dans ces évènements meurtriers sont arrêtés. Deux jours plus tard, les autorités sierra-léonaises se fendent d’un communiqué pour annoncer que ces affrontements n’étaient en réalité qu’une « tentative avortée de coup d’État ».
En Guinée-Bissau, c’est la même rengaine
Plus récemment, en Guinée-Bissau, on a également assisté à des échanges de tirs entre l’armée bissau-guinéenne et un groupe d’éléments des forces de sécurité.
Dans la foulée, le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo a pris la parole pour dénoncer une « tentative de coup d’État » qui aura de « lourdes conséquences ».
Cet empressement des autorités de ces deux pays à crier au putsch, montre, semble-t-il, une phobie à peine voilée des coups d’État en vogue actuellement dans l’espace Cedeao.
Un contexte qui s’y prête
En Sierra Leone, le Président Julius Maada Bio a été réélu lors d’un scrutin contesté en juin dernier. Quant à Umaro Embalo Sissoco, il a perdu les élections législatives au cours du même mois de juin. Ce qui l’avait contraint à former un gouvernement dominé par l’opposition, vainqueure du scrutin.
Ce lundi 4 décembre 2023, il a pris une décision forte. Celle de dissoudre le Parlement. L’homme d’État avance comme raison, la « complicité » entre la Garde nationale, le corps impliqué dans les affrontements, et « certains intérêts politiques au sein même de l’appareil d’État ».
L’enseignement de Denys l’Ancien, tyran de Syracuse à Damoclès
L’actualité dans ces deux pays, en l’occurrence la Sierra Leone et la Guinée-Bissau, témoigne non seulement d’une phobie des putschs, mais aussi de la fragilité du pouvoir. Comme l’enseignait le tyran de Syracuse (colonie grecque), Denys l’Ancien à son courtisan Damoclès, le pouvoir est délicat. Pour s’assurer que Damoclès a bien compris la leçon, il l’invita un jour à un banquet et fit suspendre au-dessus de sa tête une épée. Cette épée n’était retenue que par un crin de cheval.