Pressentie depuis plusieurs semaines par les vagues avant-coureuses de la crise électrique, la démission du ministre en charge des Mines et l’Energie est intervenue depuis mercredi et n’a état actée par le Gouvernement que quarante-huit heures après sa réception par les services du Premier Ministre. Le malaise d’une rupture latente entre la Transition et les usagers d’EDM est passé par-là et Lamine Seydou Traoré en a subi assez de pressions et de contrecoups pour ne pouvoir résister à la bourrasque d’une équation sans issue dans l’immédiat. Mais, en plus de choisir pour ce faire la porte de sortie moins disgracieuse du renoncement personnel à la fonction, le ministre tant décrié dans l’opinion se prévaut également d’un résultat assez éclatant pour ne pas raser les murs.
Dans la lettre de démission adressée au Premier ministre, c’est avec beaucoup de fierté qu’il présente son passage au gouvernement en exhibant notamment les initiatives et réalisations conduites sous sa férule. Le ministre démissionnaire énumère notamment le renforcement du contrôle de l’Etat sur le secteur minier, l’avènement d’une unité d’affinage certifiée, la lutte contre le l’exploitation anarchique et l’organisation de l’orpaillage artisanal, etc., auxquels s’ajoute la remise en route de la recherche pétrolière et l’affirmation de «la souveraineté de l’Etat sur nos ressources par la création d’une société d’Etat de recherche et d’exploitation des ressources minérales».
Le secteur de l’eau n’est pas en reste et le ministre compte à son actif une desserte plus qualitative des populations en eau potable, une mobilisation de l’investissement privé vers le secteur en vue d’en assurer l’équilibre financier ainsi que la reprise de la construction du barrage de Taoussa.
Décrié et accusé de toutes parts pour l’incapacité d’EDM SA à juguler les délestages et coupures électriques intempestives, Lamine Seydou Touré ne s’estime pas personnellement en deçà des attentes en rapport avec les missions à lui dévolues dans le secteur. Parmi ses acquis il retient le redressement financier de la société Energie du Mali et une politique de maîtrise des coûts et de revenue assurance, l’élaboration d’un plan de développement articulé autour des investissements structurants notamment dans les domaines du solaire, de l’éolien et de l’hydroélectricité ainsi que la transformation du mix énergétique de EDM SA. Ses initiatives n’auront pas suffi, toutefois, pour résoudre les équations d’un secteur énergétique qui se sont cristallisées dans le paroxysme de la crispation institutionnelle. C’est la description qu’il ressort des explications fournies par le ministre démissionnaire et qui tiennent lieu d’autant de justification des insuccès rencontré dans la gestion d’EDM.
«Dans la réalisation de ces différents chantiers, j’ai été confronté à des difficultés administratives révélateurs de dysfonctionnements institutionnels qui amenuisent considérablement ma capacité à relever les défis et/ou opérer les changements attendus par le peuple malien», mentionne-t-il dans sa correspondance, en prenant la plus haute autorité de l’Etat, le président de la Transition, pour responsable des écueils auxquels il s’est heurté et l’accuse probablement de parti pris en faveur d’autres acteurs et responsables du secteur en évoquant des sollicitations d’arbitrage restées lettre morte sur d’innombrables dossiers.
En tout cas, Lamine Seydou Traoré y dénonce implicitement l’indifférence voire le refus souverain du chef de l’Etat d’agréer ses propositions de remède aux problèmes d’EDM SA, qui passent à ses yeux par une réorganisation de l’entreprise, la substitution des énergies renouvelables au thermique. Autant de recettes auxquelles le chef de l’Etat est tacitement accusé d’avoir fait obstacle, de même qu’il aurait entretenu le blocage d’autres initiatives et ambitions du ministre en rapport avec des projets miniers et énergétiques majeurs dont le renforcement du contrôle de l’Etat sur le secteur minier, la relance de la recherche pétrolière et gazière, etc.
Quoi qu’il en soit, le ton du ministre des Mines et de l’Energie est révélateur d’un grand malaise au plus haut sommet de l’Etat ainsi que des tendances totalitaristes dans la gestion de la Transition et des frustrations susceptibles d’en découler. Il y a lieu de s’interroger, en définitive, sur les enlisements et retentissements possibles du malaise pour qui sait la solidité des connexions du ministre démissionnaire et pour qui se rappelle qui était au cœur d’un précédent écheveau dénoué aux dépens d’un secrétaire général de la présidence et peut-être même du prédécesseur d’Assimi Goita à Koulouba.
A. KEÏTA