De plus en plus, le délestage est en train d’ouvrir la porte de la pauvreté dans plusieurs ménages. Plusieurs chefs de familles n’arrivent plus à joindre les deux bouts à cause des coupures d’électricité devenue à limite sauvage. Au même moment, les malades des hôpitaux et ceux dans les familles s’en remettent à Dieu.
Depuis plus de 8 mois, les maliens vivent dans une situation de délestage insoutenable. Pour une fois, l’écrasante majorité de nos concitoyens expriment leur ras-le-bol face aux coupures intempestives.
Il n’y a plus de moment pour qu’EDM-SA exécute le plan de délestage à elle soumis par ses responsables. Si la cause du délestage semble connue (problème d’argent pour acheter le carburant), les autorités de la transition n’arrivent pas à nous proposer une solution ; à nous dire quand est ce que le délestage prendra fin. En effet, les annonces faites aux maliens par l’ancien ministre de l’Energie, Lamine Seydou Traoré qui promettait la fin du délestage au 30 septembre 2023, son successeur Bintou Camara qui a annoncé un « léger mieux » le lendemain (de sa sortie) sont passées comme du vent. Rien de concret.
Pendant ce temps, c’est l’économie malienne qui a pris un sacré coup. Outre l’impact négatif du délestage sur les avoirs publics et privés, c’est le cas des ménages qui préoccupent de plus en plus. Faute d’avoir le courant dans les lieux de travail, plusieurs chefs de familles ont du mal à trouver de quoi donner à manger à leurs familles. C’est la consternation totale, la déception…
Un tour dans plusieurs ateliers de menuiserie métallique, dans des salons de couture, des ateliers de peinture pour voiture, dans des menuiseries sur bois à Bamako…, nous permettent de dire que les chefs de familles ont de plus en plus de la peine à joindre les deux bouts. « Notre peine, c’est le problème d’inaccessibilité à l’électricité», se plaignent-t-ils.
Travaillant tous avec le courant, les responsables desdits secteurs laissent entendre qu’avoir en ces temps-ci 3000 F relève de la chance. Or, ils pouvaient empocher plus de 20 000 F par jour.
Plus d’épargne
Soudeur de son état, Ismael Diassana affirme que « qu’avant ce délestage, je pouvais retourner à la maison avec 25 000 F CFA. Depuis 6 mois, je ne travaille presque pas. Je n’arrive plus à donner le prix de la popote et faire face aux autres dépenses familiales. Déjà à 8h du matin, nous n’avons plus de courant. La coupure peut durer jusque qu’à 15h. Au retour de l’électricité, à peine le travail commence, soit deux heures après, nous retombons dans l’inactivité. Pendant ce temps, à la fin du mois, l’agence immobilière qui gère nos maisons nous met la pression pour donner le loyer. Actuellement, ce n’est pas du tout facile. Il faut que les autorités trouvent une solution rapide sinon ce n’est pas bon ».
Maitre tailleur à Badalabougou, H. K, emploie trois employés. Depuis 4 mois, il est dans les difficultés financières pour pouvoir payer la location de son atelier et de sa maison (le tout à 90 000 F CFA) et subvenir aux besoins des enfants (les charges scolaires). « J’ai fait recours à mes économies dans une agence de micro finance. De 900 000 F CFA aujourd’hui, je n’ai plus rien dans mon compte. Ce n’est pas tout. Je suis envahi tous les jours par l’agent immobilier. Quand je lui dis que je ne travaille pas, il réplique que ce n’est pas son problème. Voyez-vous ? » Je suis à deux mois d’impayés. Le manque d’électricité pour pouvoir travailler est la cause à cette situation. A forte de ne pouvoir respecter les rendez-vous, tous mes clients se sont dirigés ailleurs », martèle t-il. Ailleurs, c’est ceux-là qui ont pu se procurer des groupes électrogènes. A cause du prix élevé du carburant, ces derniers font profile bas. « Si je dois mettre 5000 F CFA pour coudre un habit qui ne me rapporte pas la même somme, je préfère laisser », affirme H. Keita, couturier à Torokorobougou.
Assis derrière son comptoir dans une alimentation, M.T, est spécialisé dans la vente de produits laitiers, de jus et de viande. Il exprime son désarroi « Voyez vous même, il n’y a plus rien dans l’alimentation. Je prends juste ce que je peux écouler en quelques heures. Impossible de les conserver jusqu’au lendemain au risque de voir le stock avarié ». Et de poursuivre que son chiffre d’affaire a chuté de plus d’un million « Avant je pouvais faire un bénéfice de 200 000 F CFA par jour, aujourd’hui j’ai de la peine à avoir 30 000 F CFA. Quand il n y a pas d’électricité, il y a une paralysie totale dans notre secteur. Faire fonctionner le groupe, ne fait pas mon affaire. En le faisant, nous tournons à perte avec le prix élevé du carburant ». Très anxieux, il ne sait pas ce que demain lui réserve. Déjà en famille, il dit qu’il commence à avoir des incompréhensions avec sa seconde épouse parce que je donne plus assez d’argent pour la popote.
Des interventions repoussées dans les hôpitaux
Le cas des hôpitaux est pathétique. La plus part des interventions chirurgicales programmées font l’objet de report à cause du manque d’électricité. Que dire des personnes âgées malades de tensions qui passent des nuits blanches avec un risque d’aggravation de leur mal. « Mes deux parents souffrent de maladies liés à la tension. Les nuits, nous les transportons dehors même si ce n’est pas leur souhait. On se saisit des éventails pour les épargner des moustiques. Il arrive qu’on passe 5 à 6 heures dans ces conditions. Nous ne savons plus quoi faire », se désolent Fatouma Diakité et sa sœur Aminata, dans le quartier de Kalabancoura ACI.
A l’instar de ses intervenants, plusieurs autres secteurs d’activités connaissent une baisse drastique de leurs activités à cause du délestage.
En sommes, il faut dire que c’est des familles qui n’arrivent plus à se nourrir.
Mohamed Keita