Elle se déclare incompétente aux fins de constater l’inconstitutionnalité du décret portant suspension des activités des partis politiques…
La Cour constitutionnelle a également rendu publics deux autres arrêts dont le premier enregistré sous le n°2024-02/CC du 25 avril 2024 relatif aux requêtes en date du 27 mars 2024 aux fins de constatation de vide institutionnel au Mali pour vacance de la présidence de la transition militaire et déchéances de ses organes et de mise en place d’une transition civile de mission et du 5 avril 2024 aux fins d’intervention volontaire ainsi que le second arrêt sous le n°2024-03/CC du 25 avril 2024 relatif à la requête en date du 15 avril 2024 aux fins de déclarer inconstitutionnel le décret n°2024-0230/PT-RM du 10 avril 2024 portant suspension des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations. Après analyse, la Cour a déclaré irrecevables les requête aux fins de constatation de vide institutionnel au Mali et s’est déclarée incompétente aux fins de constater l’inconstitutionnalité du décret portant suspension des activités des partis politiques en renvoyant le requérant à mieux se pourvoir.
S’agissant de l’arrêt n°2024-02/CC du 25 avril 2024, la Cour constitutionnelle se prononçant sur la recevabilité de la requête en date du 27 mars 2024, enregistrée au courrier arrivée de la Cour constitutionnelle le 28 mars 2024 sous le n°00126 de Cheick Mohamed Chérif Koné agissant au nom et pour le compte de la Référence syndicale des magistrats (Refsyma) et de l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) avait saisi la Cour constitutionnelle à l’effet de constater un vide institutionnel résultant de la vacance de la présidence de la Transition ainsi que la déchéance de tous ses organes. Selon la Cour, le requérant sollicite en conséquence l’ouverture et la mise en place d’une nouvelle transition avec comme mission l’organisation des élections inclusives et véritablement démocratiques en vue du retour à l’ordre constitutionnel. Aussi, elle ajoutera que par requête aux fins d’intervention volontaire, le Mouvement reconstruire-Baara Ni Yiriwa, association politique, représenté par son président, Dr. Mahamadou Konaté, intervient au soutien de la requête ci-dessus tendant à la constatation de la vacance de la présidence de la Transition.
Avant de rappeler que l’article 7 nouveau de la Charte de la transition indique : “En cas de vacance de la présidence de la Transition pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif du président de la Transition pour quelque cause que ce soit, constaté par la Cour constitutionnelle saisie par le président du Conseil national de transition et le Premier ministre, les fonctions du président de la Transition sont exercées par le président du Conseil national de transition jusqu’à la fin de la Transition”. Donc, elle n’a pas été saisie par le président du Conseil national de transition et le Premier ministre pour constater une vacance de la présidence de la Transition.
Aux dires de la Cour, Cheick Mohamed Chérif Koné, a agi en qualité de magistrat-président de la Référence syndicale des magistrats (Refsyma) qui est un regroupement syndical de professionnels, en particulier de magistrats où son adhésion suppose que le candidat puisse justifier de sa qualité de magistrat. Alors que, poursuit la Cour, l’article 1er du décret n°2023-0578/PTRM du 3 octobre 2023 dit : “Monsieur Cheick Mohamed Chérif Koné, n° Mlle 797-85 G, magistrat de grade exceptionnel, est révoqué de la magistrature sans suppression de droit à pension” et qu’en matière d’excès de pouvoir une décision administrative produit ses effets tant qu’une décision d’annulation n’a été prononcée sur la base d’une saisine du juge de l’excès de pouvoir.
Cependant, la Cour estime que les effets de ladite décision peuvent être suspendus par une décision de sursis à exécution prononcée par le juge compétent sur la base d’une requête en sursis à exécution accompagnée d’une copie de la requête en annulation. Avant de faire savoir que dans l’instruction de ce dossier, la Cour de céans a saisi la Cour suprême qui, par lettre n°0985/PSA-CS du 23 avril 2024, précise qu’il n’existe aucun recours aux fins de sursis à exécution contre ledit décret mais bien un recours en annulation non encore vidé. Donc, en l’absence d’une décision de sursis à exécution ce décret produit ses pleins et entiers effets qui suppose que Cheick Mohamed Chérif Koné n’étant plus magistrat, il n’a pas qualité pour être, même, membre de la Refsyma, à fortiori en être le président et agir en cette qualité en son nom.
Toutefois, dira la Cour, ce défaut de qualité de Cheick Mohamed Chérif Koné, n’affecte en rien l’existence et le fonctionnement de la Référence syndicale des magistrats (Refsyma). La Cour estime qu’à la différence de la Refsyma, les statuts de l’AMPP disposent, en son article 1er, qu’elle est une association professionnelle à caractère non lucratif, une organisation non gouvernementale, apolitique et l’article 1er prévoit que son adhésion est ouverte “à toute personne physique, notamment à tout magistrat ou praticien de droit dont l’activité professionnelle, passée ou présente, est en relation avec l’objet de l’association”, une disposition qui permet à Cheick Mohamed Chérif Koné d’être membre et président de cette association.
Pour la Cour, considérant que le Mouvement reconstruire-Baara Ni Yiriwa, association politique, représenté par son président Dr. Mahamadou Konaté, demande la constatation de la vacance de la présidence de la Transition, à l’instar de Cheick Mohamed Chérif Koné. Donc, la Cour considère qu’il y a lieu de considérer ses deux requêtes distinctes tendant aux mêmes fins. Et d’ajouter que les associations requérantes aux termes de l’article 7 nouveau de la Charte, n’ont pas qualité à saisir la Cour pour faire constater la vacance de la présidence de la Transition et en conséquence, elle estime qu’il y a lieu de les déclarer irrecevables.
Quant à l’arrêt n°2024-03/CC du 25 avril 2024, la Cour indique que par requête en date du 15 avril 2024 d’Abdoulaye Idrissa Maïga agissant au nom et pour le compte du Parti convention pour la République (Cre) qu’elle a été saisi d’un recours aux fins de déclarer inconstitutionnel le décret n°2024-0230/PT-RM en date du 10 avril 2024 portant suspension des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations. Et d’ajouter qu’au soutien de sa demande, le requérant indique que la Constitution du 22 juillet 2023 prévoit à son article 39 le rôle et le cadre d’intervention des partis politiques dans l’espace public ainsi que la Charte des partis politiques qui prévoit à son article 47 les conditions de leur sanction et de leur suspension.
Aussi, conformément aux dispositions de l’article 47 de la charte des partis politiques, la Convention pour la République (Cre), à l’instar de nombre de partis politiques, n’a commis aucune violation portant atteinte à l’ordre public ou qui aurait tendance à porter atteinte à la sécurité publique. Car, en tant que parti politique, il a été surpris de la suspension de leurs activités suivant le décret précité qu’il a décidé de soumettre la présente requête à la Cour de céans, aux fins de prononcer l’inconstitutionnalité dudit décret qui tend à faire disparaître la liberté d’agir et de penser. Alors que la Constitution garantit au citoyen libre, la qualité de juger de l’emploi qu’il fait, sans abus de sa liberté et que depuis près de trois ans d’activités, la Convention pour la République (Cre) s’emploie continûment avec patience et souffle à promouvoir les meilleures conditions d’une vie politique et sociale dans un Mali d’avenir.
Sur la compétence, la Cour déclare que la Constitution et la loi organique relative à l’organisation et au fonctionnement de la Cour constitutionnelle ont strictement limité ses compétences tant en matière de contrôle de constitutionnalité qu’en matière de contentieux relatif aux élections présidentielles, législatives et aux opérations référendaires.
En effet, conformément à une jurisprudence constamment établie de 1997 à 2023 par les arrêts CC-EP97-047 du 8 mai 1997, 2020-02/CC-EL du 6 mars 2020 et 2023-05/CC du 14 juin 2023, la Cour constitutionnelle est, exceptionnellement, compétente pour connaître la régularité du décret de convocation du collège électoral, sur le fondement des articles 149 et 150 de la Constitution du 22 juillet 2023, complétés par l’article 31 l’alinéa 1 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle : “Tout le contentieux relatif à l’élection du président de la République et des députés à l’Assemblée nationale relève de la compétence de la Cour constitutionnelle…”
Donc, estime la Cour, en dehors de ce seul cas, tout le contentieux des actes réglementaires, tels les décrets, relève de la compétence attributive de la Section Administrative de la Cour suprême. En plus, l’article 111 de la loi n°2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle dispose : “La Section administrative est compétente pour connaître en premier et dernier ressorts : des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décrets ; arrêtés ministériels ou interministériels et les actes des autorités administratives nationales ou indépendantes ; des recours dirigés contre les décisions rendues par les organismes administratifs à caractère juridictionnel…”
Par conséquence, la Cour considère qu’il y a lieu de se déclarer incompétente et de renvoyer le requérant à mieux se pourvoir.
Boubacar Païtao