Les récents coups d’Etat en Afrique, dont le dernier en date au Gabon le 26 30 août dernier, ont mis en lumière une nouvelle génération de putschistes avec des bouleversements politiques importants sur le continent. Loin des putschs sanglants des années 60 à 90, ces événements présentent des caractéristiques différentes et intrigantes. San effusion de sang pour la plupart des cas, ces forfaits contre la démocratie et l’Etat de droit interpellent.
Une transition de la violence à la rétention
L’une des distinctions majeures réside dans le changement de tactique. Aujourd’hui, fort heureusement, on ne tue plus les présidents déchus. Au lieu de cela, les présidents civils renversés sont placés en résidence surveillée pour une période plus ou moins longue, en fonction du pays et des négociations en cours. On se souvient du cas du président Ibrahim Boubacar Kéita au Mali, qui est resté sous surveillance jusqu’à sa mort. De même, le président Bazoum au Niger est actuellement séquestré, tandis qu’Alpha Condé de la Guinée a choisi l’exil.
Un discours plus populiste et révolutionnaire
Une autre différence frappante réside dans le discours entourant ces événements. Alors que les coups d’Etat d’antan se contentaient souvent de proclamations de prise de pouvoir sans véritable stratégie d’adhésion, la nouvelle génération accorde une importance cruciale au recours systématique à un langage de quasi-révolution populaire, axé sur le rejet de la présence occidentale et française. Ce discours vise à mobiliser les capitales urbaines et à créer un sentiment de soutien populaire.
Le scénario de la refondation de l’Etat
Le scénario qui suit ces coups d’Etat est remarquablement similaire dans les différentes capitales africaines touchées. Il comprend généralement la convocation d’un dialogue national inclusif, une transition militaro-civile de trois ans ou plus, ainsi que la promesse d’une refondation de l’Etat. Ces événements sont désormais plus sophistiqués qu’autrefois, tenant compte de l’évolution des mentalités et des pressions internationales.
Le déficit d’adhésion aux valeurs républicaines
Pourtant, au-delà de ces différences, une inquiétude majeure demeure : le déficit d’adhésion des officiers supérieurs aux valeurs républicaines. Bien que formés aux impératifs modernes des armées, leur rôle de protection de l’Etat et des institutions est compromis. Ces valeurs républicaines impliquent que l’armée doit être apolitique et sous les ordres des gouvernements élus. Malheureusement, le ralliement des soldats aux putschistes plutôt qu’au gouvernement témoigne d’un manque de loyauté envers ces valeurs.
Une menace pour tous les pays de la région
Enfin, la question de savoir si tous les pays d’Afrique de l’Ouest sont soumis à la même menace demeure complexe. Les pays côtiers, moins touchés par l’insécurité que leurs homologues de l’intérieur, sont-ils également menacés ? Il est difficile de prévoir les intentions des forces armées. Les présidents récemment renversés pensaient qu’avec leurs armées, ils étaient désormais à l’abri des coups d’Etat, mais l’histoire a prouvé le contraire.
En somme, cette nouvelle génération de coups d’État en Afrique pose des défis complexes et changeants. Les acteurs internationaux et les leaders africains devront s’adapter à ces évolutions pour garantir la stabilité politique et la primauté des valeurs républicaines dans la région.
Etienne Fakaba Sissoko
Professeur d’économie à la Faculté des sciences économiques et de gestion
Centre de recherche et d’analyses politiques, économiques et sociales du Mali