Une délégation de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest est actuellement à Niamey pour négocier avec les putschistes. L’organisation leur a donné jusqu’au 6 août pour rétablir le président Mohamed Bazoum au pouvoir, sans exclure l’éventualité d’un recours à la force.
La solution pour restituer l’ordre démocratique au Niger est-elle à chercher du côté des Etats ouest-africains ? Depuis mercredi, une délégation de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se trouve à Niamey pour négocier avec les putschistes nigériens, une semaine après le coup d’Etat militaire qui a renversé le président Mohamed Bazoum, qui refuse de démissionner. En parallèle, les chefs d’état-major des Etats membres de la Cédéao se sont réunis à Abuja, capitale du Nigeria. L’organisation a donné jusqu’au dimanche 6 août aux putschistes pour restaurer «l’ordre constitutionnel» et rétablir l’ancien président, sans exclure un recours à la force si ces demandes n’étaient pas satisfaites à temps. Les doutes demeurent cependant quant à la marge de manœuvre réelle de la Cédéao, dont la crédibilité a pu être entachée par sa gestion des précédents coups d’Etat dans la région.
Qu’est-ce que la Cédéao ?
Créée en 1975, la Cédéao regroupe quinze Etats d’Afrique de l’Ouest, dont le Niger, le Nigeria, la Côte d’Ivoire ou encore le Sénégal. Cette organisation intergouvernementale entend renforcer la coopération économique entre ses membres et promouvoir leur indépendance vis-à-vis des pays extérieurs. Parmi ses grands projets, la Cédéao a longtemps œuvré à la création d’une monnaie unique pour toute l’Afrique de l’Ouest, en remplacement du controversé franc CFA. Initialement prévue pour 2020, la mise en place de cette monnaie est finalement reportée à 2027. L’organisation est actuellement présidée par le chef d’Etat de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló.
Quels leviers économiques la Cédéao a-t-elle activés pour faire plier les putschistes ?
La Cédéao a adopté dès le 30 juillet une batterie de sanctions économiques à l’encontre du Niger et des putschistes. L’organisation a notamment suspendu toutes les transactions commerciales et financières entre ses Etats membres et le Niger. Le pays ne peut également plus bénéficier d’assistance financière de la part d’institutions comme la Banque d’investissement et de développement de la Cédéao et la Banque ouest-africaine de développement. Malgré une croissance moyenne supérieure à celle de l’ensemble de la Communauté (5,7 % contre 4,5 % sur la période 2014-2019), le Niger reste l’un des Etats les plus pauvres du monde et compte sur l’aide de ses partenaires étrangers dans de nombreux domaines. La Cédéao a aussi décidé de geler les avoirs des officiers militaires impliqués dans le putsch et de leurs familles.
La Cédéao a-t-elle réellement les moyens d’intervenir militairement au Niger ?
Depuis le coup d’Etat, la Cédéao agite le spectre d’une intervention militaire, en vertu de ses principes fondamentaux de «maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionales» et de promotion de la démocratie. Le recours à la force serait «la toute dernière option sur la table» pour restaurer l’ordre constitutionnel au Niger, «mais nous devons nous préparer à cette éventualité», a déclaré mercredi le commissaire de la Cédéao chargé des Affaires politiques et de la Sécurité, Abdel-Fatau Musah.
Dans les faits, le poids militaire de la Communauté reste incertain. L’organisation se dote pour la première fois d’un bras armé en 1990, en réponse à la guerre civile au Liberia. C’est la naissance de l’Ecomog, le groupe de surveillance de cessez-le-feu de la Cédéao. Cette force intervient dans plusieurs conflits de la zone dans les années 1990, dont les guerres civiles en Sierra Leone et en Guinée-Bissau. Malgré tout, l’Ecomog n’est pas une véritable armée, en témoigne son surnom, les «casques blancs», en référence aux casques bleus onusiens. Son rôle est en effet de faire respecter les cessez-le-feu et de maintenir la paix plutôt que de combattre. Devenue la Force en attente de la Cédéao (FAC) en 2004, ses capacités militaires sont aujourd’hui estimées à 2 500 soldats, issus de contingents des Etats membres.
Selon la chercheuse Niagalé Bagayoko, autrice d’un rapport sur le multilatéralisme sécuritaire africain au Sahel, la Cédéao a davantage fait ses preuves au niveau diplomatique, et ses capacités de mobilisation d’une force militaire sont restées fragiles dans le passé. Si l’organisation n’a pas mobilisé de soldats lors des coups d’Etat au Mali, au Burkina Faso et en Guinée ces dernières années, une intervention au Niger se justifierait car «c’est le coup de trop», a estimé jeudi la ministre sénégalaise des Affaires étrangères, Aïssata Tall Sall. Dans le cas où l’option militaire serait retenue, le Sénégal a déjà confirmé l’envoi de ses soldats.