Pour faire la politique, il faut de l’argent et l’argent n’est pas à la portée de tous les candidats. Des faiseurs de présidents sont aux aguets à chaque élection présidentielle. Alpha Oumar Konaré doit son second mandat à un fonctionnaire, chef d’un projet financé par la Banque mondiale. La campagne présidentielle d’Amadou Toumani Touré (ATT) fut financée par un groupe d’opérateurs économiques dirigé par Afourou Dao. Celle d’Ibrahim Boubacar Keïta par un autre groupe d’opérateurs économiques connu sous l’appellation de sept (07) milliardaires. Concernant la transition, on susurre le nom d’un opérateur économique des routes.
Les auteurs de pratiques de la corruption se recrutent exclusivement dans certaines couches sociales privilégiées et minoritaires: fonctionnaires, magistrats, agents des Forces armées et de sécurité (FAS), membres des professions libérales, commerçants, industriels, notabilités traditionnelles ou religieuses. Il ressort des analyses que ce sont les mêmes couches qui occupent aussi le champ politique. On a besoin d’argent pour faire la politique, et en faisant la politique on peut se faire beaucoup d’argent.
D’un côté, l’argent sale accumulé en détournant des fonds publics ou en attribuant complaisamment des marchés publics est un des concours précieux pour se faire une place au soleil dans l’arène politique par le système du patronage fortement ancré dans les habitudes des Maliens.
De l’autre côté, l’obtention d’un mandat électif ou la nomination à de hautes fonctions de l’État offre une certaine couverture, voire une certaine impunité pour entretenir divers réseaux d’accumulation et de fructification de l’argent sale.
Depuis quelque temps, certains fonctionnaires de l’État et certains opérateurs économiques accusés de détournements de fonds publics ou d’escroquerie ont trouvé refuge au Conseil national de transition (CNT), dans le gouvernement et dans le cabinet du président de la transition. La corruption et les malversations financières ont démoli la confiance entre gouvernés et gouvernants. L’État est devenu un «État prédateur». Les chiffres de l’indice de perception de la corruption publiés par l’Organisation Transparency International confirment, pour ainsi dire l’existence du phénomène.
Pour illustrer notre argument voici des exemples frappants. Les Maliens seraient de fins calculateurs en politique. Ceux-là qui disent qu’ils sont pour le Mali se comptent au bout des doigts. La quasi-totalité des Maliens roulent pour leur propre intérêt personnel. De la candidature de Amadou Toumani Touré, candidat indépendant à la présidence de la République en passant par celui d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) pour aboutir à la transition de Goïta, les exemples de corruption du pouvoir foisonnent.
Lorsqu’en 2002, l’Alliance pour la démocratie au Mali- Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ), qui a dirigé le Mali durant dix ans, s’était rassuré de l’élection du général ATT à la présidentielle, il s’est d’abord scindé dans un premier temps pour sortir sept (07) candidatures, ensuite, on a vu dix (10) barons du parti soutenir la candidature du général ATT pour éviter la prison, ont-ils souligné.
En 2013, quand les hommes politiques, des opérateurs économiques savaient la direction du vent l’élection présidentielle, ils ont tous couru pour se liguer derrière IBK et son parti le Rassemblement pour le Mali (RPM).
Pour la petite histoire, sept (07) opérateurs économiques tous des milliardaires étaient parmi les financiers de la campagne du candidat Ibrahim Boubacar Keïta. La suite ! Un des régimes le plus corrompu de ruche deux (02). Le parti du Rassemblement pour le Mali (RPM) transforma le Mali en État-marmite avec la montée en puissance des religieux.
Autre exemple, lorsque Karim Keïta a annoncé sa candidature pour les élections législatives en Commune II du district de Bamako, certains opérateurs économiques de la place n’ont pas hésité à lui apporter leur appui financier. Ainsi, un jeune opérateur économique diawambé lui a offert une grosse cylindrée toute neuve en provenance des États-Unis d’Amérique. Son domicile, à la Cité du Niger, s’était transformé en un quartier général de campagne. Des opérateurs économiques milliardaires se bousculaient à sa porte. Elu député en Commune II, en 2013, Karim Keïta devenait l’otage de ses financiers. Ses financiers de campagne lui réclamèrent les bénéfices de leur capital.
L’honorable Karim Keïta était obligé de satisfaire aux nombreuses doléances de ses financiers. Marchés, monopoles, exonérations, baux leur étaient accordés. L’honorable Karim Keïta céda à ses amis milliardaires des biens immobiliers de l’État. Lorsqu’intervint le coup d’État du 19 août 2020, il a pris la poudre d’escampette en laissant son trésor de guerre dans les mains de ses financiers. Ils ont fructifié leur commerce en brassant des milliards. Karim Keïta a tout perdu.
Sous la transition d’Assimi Goita, après le putsch et son redressement, les mêmes prémices de corruption sont perceptibles. Les politiques sont aux aguets. Pour les hommes politiques très futés, la nomination de gouverneurs militaires dans les dix-huit (18) régions du Mali est un signal fort. Puis, la nomination par le président de la transition de cinq membres à l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) prouve à suffisance que la messe est déjà dite.
Ensuite, le fait de donner plein pouvoir aux autorités traditionnelles prouve que les élections à venir seront sous contrôle militaire. Les récentes distributions de médailles rentrent dans le cadre des échéances à venir.
Safounè KOUMBA