“Dieu, préserve-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge“, disait le sage. Cet adage sied bien à la situation politique actuelle de notre pays.
Depuis le renversement du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (paix à son âme), une certaine classe politique et non des moindres, constituée en grande partie, de ce que nous pouvons appeler les barons du régime défunt, ne sait plus où se cacher la tête. Après une trentaine d’années de règne de la démocratie, les militaires semblent réussir là où ces politiques ont échoué. Sans pourtant se donner la peine d’en énumérer, les faits parlent d’eux-mêmes. Cela ne justifierait-il pas d’ailleurs un certain désaveu des politiques par une grande majorité de la population ?
Les deux (02) années de présidence du colonel Assimi Goïta, à la tête de l’État, semble donner aux Maliens l’occasion de faire un bilan comparatif d’avec les trente ans passés de démocratie. Nombreux sont-ils à déduire l’échec généralisé de la classe politique d’alors. Pour beaucoup, les espoirs fondés sur la démocratie, acquise au prix du sang, certes, n’ont pas été comblés. Pire, ces trente ans de gestion démocratique furent surtout marqués par la corruption généralisée, la gabegie, la délinquance financière sous toutes ses formes, le détournement des deniers publics, nous en oublions volontiers. La démocratie a été confisquée, utilisée non pas pour les intérêts généraux du peuple malien mais au profit d’une minorité de privilégiés. La mauvaise gouvernance, l’affairisme, le clientélisme furent le lot du quotidien du Malien durant ces trente dernières années de démocratie. La crise socio-politico économique a provoqué une paupérisation généralisée de la population. Toute chose qui a rendu les hommes politiques de plus en plus incrédibles et réfutés par un grand nombre de nos concitoyens.
Alors, comment redresser la barre ? Autrement dit, comment redorer leur blason et corriger cette image de politiciens corrompus et malpropres qui leur sont désormais collée ? Voilà toute la problématique posée à cette classe politique et à laquelle elle cherche désespérément la solution.
Pour ce faire, elle se permet tous les moyens, voire tous les coups pour satisfaire sa sale besogne.
Les prouesses réalisées en ces deux années de transition militaire leur jettent la douche froide qu’ils cherchent par tous les moyens à les occulter. Mais peut-on cacher l’éclat du soleil avec les mains ? Pour y réussir, aucune tentative n’est de trop mais au final, rien apparemment ne leur a réussi.
D’abord, ils ont cherché à opposer une fin de non-participation aux Assises nationales de la refondation (ANR), pire, cherché par tous les moyens à empêcher la tenue de ces assises. Peine perdue. Ces assises se sont bel et bien déroulées et dans les conditions les plus acceptables avec une participation record. Premier échec.
Ensuite, ils se sont opposés à la nomination du docteur Choguel Kokalla Maïga à la primature sous prétexte qu’il n’est pas rassembleur, il est clivant, il est chef de parti politique. Là aussi, peine perdue. Il est resté à sa place.
Ensuite, ils ont voulu créer une division entre les cinq (5) colonels en passant par le Conseil national de transition (CNT), en rejetant le projet de code électoral porté par le gouvernement. Là aussi, l’objectif visé n’a pas été atteint. Pire, ils sont tombés eux-mêmes dans leur propre piège. Car, en rejetant le projet de loi électorale proposé par le gouvernement dirigé par Dr Maïga. Concernant la nomination des membres de l’organe unique de gestion des élections, dénommé Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), ils se sont embourbés dans les critères de sélection des membres qui doivent la composer, rendant plus difficile le choix de ses membres jusqu’à ce que le gouvernement fut obligé de passer par le tirage au sort pour choisir à leur place leurs représentants.
Après avoir subi ce revers également, ils ont essayé de profiter de l’absence du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, mis en repos pour raisons de santé par ses médecins, pour jouer à l’hypocrisie en essayant, d’une part, de faire semblant de compatir à sa souffrance et, d’autre part, ils ont tout tenté pour empêcher son retour à la primature. À l’époque, nous nous souvenons de ces nombreux messages de félicitations adressés au colonel Abdoulaye Maïga, alors désigné pour assurer l’intérim tout en lui jetant des fleurs, question de lui faire monter à la tête le goût de la primature et au même moment se préparait une ébullition sociale afin de faire d’une pierre deux coups. Ainsi, des rencontres nocturnes se multipliaient, une vaste campagne de mobilisation s’était mise en place dans les médias et sur réseaux sociaux avec comme mots à la bouche “lutte contre la vie chère“, “lutte contre l’impunité“, “justice pour les morts et blessés des 11-12-13 juin“, etc. Comme si cela ne suffisait pas, ils soufflèrent la braise des revendications des syndicats et déjà sur la table des différents ministères se trouvaient bonder de préavis de grève. Mais, c’était sans compter sur le génie créateur du colonel président qui a su les contenir jusqu’au retour du stratège Premier ministre qui viendra tuer le poussin dans l’œuf et depuis, tous leurs stratagèmes et manigances vouèrent encore une fois à l’échec.
Une autre tentative, pour déstabiliser le pouvoir des colonels qui risquent de leur faire tomber dans les oubliettes de l’histoire, fut la fibre religieuse. Bien que conscients de la très grande sensibilité de la question religieuse, ils n’hésiteront pas à entrer dans le jeu de la manipulation de cette franche de notre société. Et les discours tenus lors du meeting de protestation contre les actes et propos blasphématoires venant d’un individu dont l’identité reste encore inconnue contre l’islam ne nous permettent pas d’affirmer le contraire. Ici, également, les résultats furent très loin de leur attente.
Après avoir pratiquement tout essayé sans succès dans leur désir inavoué de faire balayer la transition qu’ils se disent la soutenir, l’ultime occasion qui reste maintenant pour eux est le projet de révision constitutionnelle. Bien vrai qu’ils ont exigé l’inclusivité au départ comme condition de leur implication dans ce projet, exigence prise en compte par le colonel président avec la mise en place d’une commission de finalisation de l’avant de projet de révision de la Constitution, en y réservant des places pour toutes les corporations de notre société surtout les politiques, mais comme le dit l’adage: “Qui veut le tout, peu ne le suffirait pas“, ils y tournent carrément le dos et demandent purement et simplement l’abandon dudit projet. Sachant bien qu’à ce stade du projet, l’abandonner serait un suicide politique et un frein à tout le processus pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel qu’ils ne cessent eux-mêmes de réclamer. Mais, peu leur importe, puisque l’objectif visé ici, est, non pas de contribuer à une meilleure gestion de la transition, mais plutôt de trouver une occasion de créer une crise politique, qui, ajoutée aux difficultés sociales que traversent notre pays et dont les causes résultent d’ailleurs, ferait pousser les Maliens à se soulever contre le pouvoir des colonels. C’est ainsi, pour toucher le cœur d’un grand nombre de nos populations, ils mettront tout leur poids dans une vaste campagne d’intoxication. Pour manifester leur refus, d’aucuns parleront de la sacralité de cette Constitution de 1992 qu’il s’agit de renouveler en affirmant qu’elle est fut le fruit du sang des martyrs et que le changer serait une insulte à ces milliers de nos populations qui ont perdu leur vie pour qu’elle soit et aussi une insulte pour la démocratie. Pour d’autres, parce qu’elle prévoit en son article 30 la laïcité de l’État, cela suffirait pour la rejeter et d’autres diront tout simplement qu’une transition n’a pas le quitus du peuple pour changer sa Constitution.
Par-ci, par-là, des déclarations abondent et les arguments ne manquent pas pour mobiliser le peuple à se dresser contre ce projet de révision de la Constitution, dernière occasion pour eux pour faire plier les colonels. Mais, face à la détermination des colonels à mener cette réforme jusqu’au bout et soutenus par une grande majorité de la population, réussiront-ils leur coup? Seul le temps nous le dira.
Daouda DOUMBIA