Composé de huit régions dont trois au nord, le Mali est un vaste pays avec une superficie de 1 241 238 km2 pour une population de plus de 22 millions d’habitants en 2023, selon une enquête menée par l’Institut National de Statistique du Mali (RGPH5). Frappé par une crise multidimensionnelle et multiforme depuis 2012, le pays croupit, sous le faix du terrorisme qui s’est graduellement répandu de par tout le pays. En raison des conflits armés, une grande partie notamment le Nord et le Centre du pays, était menacée dans son existence. Les problèmes se sont intensifiés mettant à mal la paix et le Vivre Ensemble qui demeurent le soubassement de tout pays aspirant au développement. Les filles et fils du pays ne soufflent plus dans la même trompette. Les liens d’amitié, de cousinage et de parenté s’étiolent de jour en jour. Le Vivre Ensemble reste l’une des préoccupations majeure de la résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui reconnait l’impact de la participation des femmes et des filles aux processus de paix et de Vivre Ensemble. En revanche, une enquête menée en 2022 par le Projet 《 Arbres à Palabres 》 sur Femmes, Crise et Transition » prouve que les femmes nordistes ainsi que les femmes rurales sont marginalisées aux processus de la consolidation de la Paix et le Vivre Ensemble au Mali. De ces points d’opposition nait la pertinence de notre reportage auprès des femmes qui ont vécu ce triste sort de marginalisation.
La lutte contre la marginalisation des femmes poursuit son trajet au Mali grâce à l’engagement des autorités maliennes et leurs partenaires même s’il s’agit d’une lutte de longue haleine. L’Etat du Mali a entrepris des démarches et stratégies pour regrouper tout le peuple du Mali autour de la table. Parmi ces démarches, il faut noter l’organisation du Dialogue National Inclusif (DNI), des Assises Nationales de Refondation (ANR), le Dialogue Inter-maliens (DIM), et tout récemment le dialogue Inter-Kidalois. A ces dialogues s’ajoutent tant d’autres activités dont l’organisation des évènements sportifs et culturels partout au pays, la célébration de la Journée Mondiale du Vivre Ensemble en paix. Si nous faisons un regard rétrospectif sur les textes nationaux et internationaux relatifs aux droits des femmes en général, nous nous permettons de dire que les femmes jouent un rôle crucial dans les processus de paix et de réconciliation au monde. Elles doivent être consultées, incluses dans toutes les grandes décisions des législateurs nationaux et internationaux. Mais le constat est tout autre au Mali où les femmes nordistes, qui sont pourtant nécessaires à la consolidation de la paix et le Vivre Ensemble, sont mises à l’écart. Pour donner plus de conformité à notre plume, nous avons rencontré deux femmes célèbres qui n’ont pas voulu exposer leur identité.
LES TEMOIGNAGES
A Wallet, une femme leader, mère de quatre enfants, vivant avec son époux à Tombouctou. Elle nous confie : 《 Le nord du pays fait environ 60 % du territoire national et est situé dans le désert ou dans la zone du Sahel. À cause de la sécheresse, nous les femmes ne pouvons entreprendre aucune activités génératrice de revenus si l’État n’y met pas du sien avec l’aide de ses partenaires en creusant beaucoup de forages pour nous. Les femmes d’autres parties du Mali se débrouillent un peu grâce aux conditions favorables de leurs zones. Elles peuvent, même si elles ne sont pas allées à l’école, faire des petites activités maraîchères leur permettant de joindre les deux bouts. Ce qui n’est pas le cas chez nous dont le climat est défavorable à une telle activité. Nous pouvons seulement sortir de cette condition misérable si l’État songe un peu à nous et à nos enfants. Au lieu de diriger un tel projet vers le nord, on le détourne vers sikasso ou Kayes 》. Elle a estimé que l’État fait des efforts dans la sécurisation des personnes et de leurs biens et a tout de même saluer les forces de sécurité maliennes ajoutant que même si beaucoup restent à faire 》.
Pour Mme K O M, une mamam d’environ 55 ans vivant à Gao. À l’en croire, les femmes nordistes se font rares dans les sevices étatiques. D’après notre interlocutrice, celles qui ont eu la chance d’être embauchées quelque part ne cessent d’assener les propos de haine et de stigmatisation de la part d’autres Maliens. À l’entendre, une de ses connaissances a dû abandonner son post à cause de ces actes discriminatoire proférés à son encontre.《 Nous entendons souvent que des femmes sont nommées dans les gouvernements et dans certains organes de décision à l’échelle régionale et locale. Nous félicitons cela même si nous ne savons pas les circonstances et les procédures de ces nominations. L’État du Mali a tendance à nous oublier au moment des recrutements 》, a-t-elle lamenté avant d’ajouter que les gens font fi de la résolution 1325 tout en stigmatisant les femmes nordistes, en les insultant, les traitant de rebelles. Elle a également affirmé que certaines femmes nordistes sont exclues de la mise en œuvre de ladite résolution, car les femmes leaders de Bamako s’approprient les places et les projets en leur nom. Mme K O M concède en conclusion que l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger dont le contenu n’est compris que par quelques villes du nord seulement. 《 Dieu merci, l’Etat vient d’abroger cet accord 》, s’est-elle réjouie.
Au terme de notre analyse, il convient de dire que certaines femmes du nord du Mali se retrouvent sciemment ou inconsciemment dans les erreurs du casting de l’Etat (mauvaise attribution des postes) car elles ne bénéficient pas pleinement de leurs droits. Les autorités maliennes ne doivent pas rester de marbre face à ce problème, elles doivent se servir d’une politique rigoureuse de communication et de sensibilisation comme hache de guerre pour frayer la voie à l’égalité du genre au Mali et consolider le Vivre Ensemble partout au Mali.
YOUBA DOUMBIA