Présidente de la Coordination des Femmes Solidaires et Autonomes du Mali qui est membre de la FORSAT Civile, notre consœur Aïché Baba Kéita de l’ORTM n’est plus une femme à présenter au Mali. Son engagement sans faille n’a d’égale que sa détermination à pouvoir apporter sa pierre à l’édifice du Malikoura au nom de toutes les femmes du Mali. La célébration du 8 Mars, journée internationale des droits de la femme nous a offerte l’occasion de pouvoir s’entretenir avec elle. Au détour d’une interview à bâtons rompus, elle a détaillé les missions de leur coordination et ses aspirations les plus profondes pour l’atteinte des droits des femmes au Mali. Lisez plutôt.
Le Sursaut : Vous êtes Présidente de la Coordination des Femmes Solidaires et Autonomes du Mali qui est membre de la FORSAT Civile. Pouvez-vous nous dire deux mots sur cette importante Coordination des femmes du Mali ?
Aïché Baba Kéita : Je vous remercie pour l’intérêt que le Journal Sursaut accorde à notre organisation. En fait, la Coordination des Femmes Solidaires et Autonomes est une fédération de plusieurs dizaines d’associations et d’organisations féminines. Celles-ci regroupent des milliers de femmes maliennes, sur pratiquement toute l’étendue du territoire national, sans aucune exclusive régionale ou de conditions. Ces différents regroupements de femmes sont organisés le plus souvent autour d’activités ou de secteurs d’intérêts, etc. Toutefois, toutes ces organisations ont en commun des identités d’objectifs avec au centre une commune préoccupation qui est la Femme Malienne et, in fine la Famille malienne, pour sa promotion socio-économique, en un mot l’épanouissement de la Femme malienne.
Avec mes sœurs et aînées des différentes associations, nous avons décidé de fédérer nos différents regroupements, de mutualiser nos efforts afin de pouvoir mieux atteindre nos objectifs. C’est à cet effet que nous avons créé cette Coordination pour organiser cet ensemble disparate en une structure plus dynamique et mieux à même de répondre aux attentes des Femmes du Mali, devenues plus Solidaires afin d’atteindre l’autonomisation. Nous souhaitons ainsi faire jouer pleinement à la Femme malienne tout son rôle de pivot de l’éducation et véritable socle de la Famille, voire de la société malienne.
Bien évidemment, en ma qualité de Présidente de la FORSAT Civile, il allait de soi que les Femmes Solidaires soient aux avant-postes lorsque nous avons créé cette autre fédération des structures de la société civile soutenant les actions de la Transition.
Nous avons estimé que le Malikoura ne saurait être bâti sans les Femmes maliennes, en tant qu’actrices de premier plan de l’édification de la nouvelle société malienne plus juste et plus égalitaire sur les fondements solides de nos valeurs culturelles et morales, mais aussi d’union et de solidarité entre les communautés nationales et de repères entre les générations.
Au regard du contexte particulier de notre pays, les hautes autorités invitent chaque Malien à jouer sa partition. Que pouvez-vous nous dire par rapport à certaines actions phares menées d’abord par la FORSAT Civile particulièrement et de manière générale par la Coordination des Femmes Solidaires et Autonomes du Mali, dans cette optique ou dynamique ?
ABK : Comme je viens de le souligner, la FORSAT Civile est, tout comme la Coordination des Femmes Solidaires, une fédération de regroupements et associations de la société civile, résolument dédiée et engagée au soutien de la Transition, en appui aux efforts et actions entrepris par les plus hautes autorités du pays.
Là aussi, nous avons une identité commune d’objectifs qui est d’apporter notre contribution à l’édification du Malikoura. Pour cela, nous entreprenons, et ce depuis les premières heures, des actions de sensibilisation, d’informations auprès de nos membres et vers l’ensemble des communautés nationales. Nous portons en relais les messages des responsables du pays pour amener le peuple à comprendre, adhérer et surtout accompagner les efforts engagés pour remettre le pays sur la voie de la souveraineté retrouvée, la restauration de la sécurité afin de renouer avec le vivre ensemble qui a toujours été le ciment et la force de la Nation malienne.
Vous comprendrez donc que cela ne saurait se faire sans les Femmes maliennes, et donc sans les Femmes Solidaires dont la vocation est justement d’œuvrer à l’avènement de l’amélioration des conditions de vie et à la promotion de la Famille malienne dans un cadre de paix et de concorde pour davantage d’épanouissement social. Nous croyons fermement que c’est l’objectif de cette Transition, et donc celui de notre Coordination et la raison d’être de notre Fédération.
Depuis l’avènement de la Transition, vous avez fait preuve d’une présence active sur plusieurs fronts. Si l’on vous demande de faire un bilan de votre engagement personnel, êtes-vous satisfaite ? Pensez vous que le chantier est vaste ? Ou le chemin reste encore long ?
ABK : Tout engagement comporte son lot d’épreuves et de sacrifices. Ces épreuves, ce sont celles de tous les maliens, sans exception. A l’unisson de nos autorités, nous estimons que la réappropriation de notre destin national, jusque-là extraverti, la prise en charge de nos préoccupations et l’implémentation de solutions désormais endogènes, ne sauraient aller sans payer le prix fort. La nouvelle démarche pour le plein exercice de notre indépendance de pensées et d’actions, en un mot la jouissance de notre souveraineté pleine et entière ne peut manquer de susciter des réflexes pour endiguer une orientation qui peut être perçue comme une menace à certaines pratiques établies. C’est tout l’enjeu de cette période déterminante pour notre Nation et sa survie dans un environnement qui ne peut être que quelque peu hostile.
Le contexte ne prête donc pas à l’autosatisfaction. Le Mali et son peuple sont engagés dans un challenge de longue haleine qui exige davantage d’efforts et de vigilance pour consolider les acquis et poursuivre les chantiers difficiles de la reconstruction du tissu national effiloché et de l’environnement économique désagrégé.
Non, nous ne saurons nous satisfaire en l’état de la situation, bien que nous ne reniions guère ce que nous avons, FORSAT Civile et Femmes Solidaires, accompli jusqu’ici en soutien aux actions de la Transition. Mieux, nous sommes fières du parcours jusque-là élogieux de cette Transition dans lequel nous prenons sans complexe toute notre part.
Mais pour nous, les mots d’ordre restent toujours Vigilance et Persévérance. Il y a encore du chemin à faire et nous comptons aller le plus loin possible. Au moins jusqu’à l’édification du Malikoura auquel aspire tant le peuple malien.
Toujours parlant de votre dynamisme, comment arrivez vous à concilier la vie professionnelle avec celle associative ? Y’a-t-il des difficultés ? D’où puisez-vous cette énergie qui vous caractérise ?
ABK : Je viens de le dire : tout engagement comporte des sacrifices indispensables. Le militantisme associatif a ses exigences et ne manque pas d’impacter sur le reste. Toutefois, on apprend à s’organiser, à éviter de s’éparpiller et à concilier l’énergie déployée pour plus de cohérence entre les différentes activités, qui sont parfois aux antipodes les unes des autres.
C’est la foi en ce que nous accomplissons aux services de la collectivité et de notre Nation qui fournit la force nécessaire de surmonter les multiples difficultés et d’avancer. La cause du Mali nouveau, vaut tous les sacrifices, car c’est pour nous, surtout en tant que Femmes Maliennes, que nous nous sommes engagées, pour nos enfants et pour nos familles.
Le weekend dernier le Mali à l’instar des autres pays du monde entier a célébré la journée mondiale de la femme. Dans quel contexte, placez-vous la célébration de cette date?
ABK : En tant que Femmes Solidaires et Autonomes, nous avons célébré cette journée mondiale dédiée à la Femme, comme les autres femmes partout ailleurs dans le monde. Dans mon adresse à mes sœurs de notre Coordination ainsi qu’à toutes les femmes d’ici et d’ailleurs, j’ai tenu à insister sur l’impératif de persévérer et la nécessité de « mutualiser nos efforts afin de relever ensemble les nombreux défis et surmonter les obstacles à l’épanouissement de la femme… ».
Plus particulièrement pour nous les femmes du Mali, nous avons estimé qu’autant cette journée célèbre la Femme, autant en dédiant une journée commémorative à la Femme, la communauté internationale nous mettait au défi de nous assumer pour nous approprier notre destin de femme dans les efforts collectifs d’édification d’une société égalitaire, plus juste, de paix et de solidarité.
La Femme Malienne est appelée à relever le challenge de son émancipation économique et sociale, à l’instar de toutes les autres femmes du monde et peut-être davantage compte tenu de la situation particulière de notre pays qui est confronté à des défis multiples.
Avez-vous un aperçu personnel sur les deux thèmes choisis cette année, à savoir : Le thème international : « Investir en faveur des femmes : accélérer le rythme » et le thème national : « le défi de la représentativité des femmes à la vie publique » ?
ABK : Loin d’être antinomiques, nous estimons au contraire que les deux thématiques sont complémentaires. L’impératif d’accélérer les investissements en faveur des femmes est une préoccupation au plan international où visiblement on pense que les efforts de transformation en ce sens ne vont ni assez vite, ni assez loin. C’est le signe que les objectifs fixés, au cours des différentes rencontres et foras consacrés à ce sujet, tardent à produire les effets escomptés. Il est donc encourageant que la communauté internationale prenne conscience des enjeux et insiste auprès des États pour davantage d’engagements, à la fois dans l’élaboration des cadres institutionnels que des politiques publiques en termes d’actions concrètes mises en œuvre ou à être engagées en faveur de l’autre moitié du monde, qu’est la Femme, considérée un peu trop souvent comme la cinquième roue du carrosse, c’est-à-dire comme quantité négligeable.
Pour ce qui concerne le thème national, je voudrais rappeler que c’est une invitation à l’application et au renforcement de la Loi n°2015-052 du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre. Il reste certes des obstacles quelque peu ataviques, résidus de quelques considérations culturelles. Cependant, loin de constituer une atteinte aux valeurs sociétales profondément ancrées et qui font la spécificité et la richesse de notre civilisation, la loi de promotion du genre a consacré une étape importante dans la participation de la femme malienne dans les instances et les processus de décision. Ce qui est une valeur ajoutée à la qualité des actions engagées dans le cadre du développement sur tous les plans et singulièrement dans l’amélioration de la gouvernance.
Noter comme défi la question de la représentativité des femmes à la gestion de la vie publique, comme l’ont fait cette année les pouvoirs publics, c’est considérer que l’application de la loi 052 et voir prospérer ses effets, est un challenge auquel s’attèlent les autorités comme un enjeu national majeur. C’est à la fois réconfortant et encourageant pour les femmes et les organisations dédiées à leur promotion.
Un appel aux femmes du Mali ?
ABK : Insister encore et toujours sur l’union dans l’effort collectif. Mettre en commun nos forces est le gage de pouvoir relever les défis et atteindre nos objectifs d’émancipation et d’épanouissement pour nous et surtout nos familles respectives. Car les femmes sont des mères et des compagnes. Enfin, je voudrais inviter mes mères, mes aînées et mes sœurs à toujours persévérer dans l’abnégation et l’esprit de sacrifice. C’est le prix de l’émancipation et de l’épanouissement collectifs. C’est ce que je pourrais lancer comme message à l’endroit des femmes maliennes !
Entretien réalisé par Fatoumata Coulibaly