Le Mali a célébré, samedi 14 janvier, le premier anniversaire de la souveraineté retrouvée. Il a été marqué par la montée des couleurs, des leçons modèles dans les écoles, des conférences débats sur l’ensemble du territoire national. Par cette journée, le gouvernement entend rendre hommage à la grande mobilisation des Maliens, le 14 janvier 2022, contre les sanctions illégales, illégitimes et inhumaines de la CEDEAO, décrétées le 9 janvier 2022 contre notre pays. Au-delà de ces manifestations, il y a lieu de s’interroger sur ce nouveau concept de divertissement du peuple malien.
Soyons sérieux. L’arbre ne doit pas cacher la forêt. Le Mali est loin de célébrer une journée de souveraineté retrouvée. Certes, le gouvernement de la transition a posé des actes dans le sens de rétablir l’honneur et la dignité du peuple malien, bafoués par la gestion désastreuse des femmes et des hommes assoiffés de pouvoir et dont la seule ambition était de se faire une santé financière sous le couvert d’une démocratie aux antipodes de nos valeurs sociétales, mais de là à instituer une journée de manifestations pour célébrer cette souveraineté retrouvée, il y a lieu de s’interroger sur les motivations réelles des hommes du pouvoir à Bamako.
Indépendant depuis le 22 septembre 1960, le Mali a été confronté et est toujours confronté à d’énormes défis qui n’ont jamais trouvé de réponses appropriées pour abréger la souffrance du peuple malien. Ils ont pour nom : la faim, la famine, le manque de soins adéquats, de logements décents, un système éducatif en crise permanente. Et au moment où on célèbre avec fanfare la journée de la souveraineté retrouvée, ils sont des millions de Maliens qui n’arrivent pas à manger à leur faim et des milliers de chefs de familles qui peinent à assurer les trois repas réguliers de la journée aux membres de leurs familles. Des milliers d’enfants qui ne partent pas à l’école, faute d’infrastructures.
On ne saurait amuser la galerie tant que ces problèmes récurrents n’ont pas trouvé de solutions. La vraie souveraineté passe d’abord par l’auto- suffisante alimentaire qui n’a jamais été assurée aux Maliens. Alors que l’atteinte de cet objectif est à portée de main. Il suffit d’une volonté politique pour mettre en valeur nos immenses terres agricoles et aménageables (Office du Niger, Taoussa, le système lacustre, la vallée du Serpent, etc.). Il est inimaginable qu’un pays comme le nôtre célèbre une souveraineté dite retrouvée alors que 73% de ce que sa population mange, viennent de l’extérieur. Et si les autorités de la transition souhaitent assurer une réelle souveraineté au peuple malien, il est important qu’elles jettent dès maintenant les bases d’une sécurité alimentaire, gage de tout progrès et de développement durable. Sinon, la durée de vie de la célébration d’un slogan trompeur ne garantira jamais de lendemain meilleur à un peuple affamé.
En ce qui concerne l’école, haut lieu de formation d’une conscience nationale et des citoyens de demain, elle est dans l’agonie depuis l’avènement de la fameuse démocratie, un système politique qui n’a profité qu’à ses animateurs aux dépens d’un peuple dont ils défendaient hypocritement sa cause contre le régime du général feu Moussa Traoré. Les pseudo-démocrates l’ont sacrifiée sur l’autel de leurs intérêts personnels et égoïstes. Ils ont donné un coup d’arrêt au système éducatif malien dont le produit était compétitif sur le marché mondial en le transformant en un champ d’expérimentation des systèmes qui ont échoué ailleurs. Ce qui était essentiel pour eux, c’était de profiter des milliards de F CFA qui finançaient la descende aux enfers de l’école et non de la qualité des ressources humaines qui y sortaient. Ils ont inventé la Nouvelle école fondamentale (NEM), la pédagogie convergente, le Programme décennal pour le développement de l’éducation et autres projets à coût des milliards pour faire plaire aux bailleurs de fonds. La suite est connue de tous. Au lieu de redresser cette barre pour une formation de qualité répondant aux besoins du pays, les autorités de la transition continuent à cheminer dans la même voie que leurs prédécesseurs, responsables de tous les maux de notre pays. Tout est financé de l’extérieur : construction de salles de classes, formation des enseignants, financement des innovations pédagogiques.
L’on ne saurait pas parler de souveraineté retrouvée lorsque ces piliers qui donnent une fierté nationale à un pays se trouvent contrôlés par d’autres puissances extérieures. Le gouvernement de la transition, en proclamant la date du 14 janvier comme la journée de souveraineté retrouvée, vend du vent au peuple malien par certains de ses actes d’éclat qui ont d’ailleurs rétabli l’honneur et la dignité du peuple malien sur la scène internationale. Il s’agit de l’expulsion des ambassadeurs de France, de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de la fermeture des médias français (RFI, France 24) de la haine, de la désinformation, du départ des forces d’occupation françaises de la Barkhane, de la suspension des activités des Organisation non-gouvernementales (ONG) financés par la France, etc. Il y a aussi l’adoption par notre pays de trois principes qui dictent désormais la politique extérieure du Mali, à savoir: le respect de la souveraineté du Mali, le respect des choix stratégiques opérés par le Mali et les partenaires, la défense des intérêts du peuple malien dans les décisions prises. Rien n’à dire sur ce point.
Derrière cette célébration de la souveraineté retrouvée se cacherait des motivations politiciennes. Elle sert d’appât entre les mains de certains hommes de la transition pour narguer un peuple qui crie changement, mais en réalité qui ne veut pas qu’on opère aucun changement véritable pour mettre le pays sur les rails de l’émergence. Il a tellement pris goût au désordre, il s’oppose à toute idée qui va dans le sens de son bien-être. Ces fins politiciens (civils, militaires tapis dans les rouages de l’administration publique, ayant pris goût aux délices du pouvoir et aux honneurs, ne veulent pas respecter leur engagement d’un retour à l’ordre constitutionnel. Et tous les moyens sont bons pour faire avaler au peuple malien des slogans creux comme celui de la célébration de la journée de la souveraineté retrouvée. Qui sème le vent, récolte la tempête, dit-on.
Yoro SOW