S’il y a un cauchemar qui perturbe les Maliens aujourd’hui, aussi bien dans leur sommeil qu’à l’état de veille, les coupures d’électricité occupent une place de choix, même si elles arrivent loin derrière le terrorisme. Comme la lutte contre le terrorisme, la fourniture d’électricité révèle des faces cachées que le ministre des Mines de l’Energie et de l’Eau a révélées vendredi dernier lors d’un entretien avec le directeur de la télévision nationale, Sidiki Dembélé. La demande croissante de l’électricité qui pointe jusqu’à 500 Megawatts, la vétusté des équipements et les difficultés financières importantes que connaît notre pays, ne font pas bon menage. Le ministre a choisi de dire dans sa cruauté, la réalité qui fâche, le problème étant structurel, et qui ne va pas s’évaporer par un coup de baguette magique. Il faut regarder la réalité en face et aborder des solutions réalistes: à long terme, investir dans les équipements; à court terme, assurer l’approvisionnement régulier de la production d’énergie (thermique), faire prendre en charge rapidement les pannes par des équipes mobiles.
Répondant aux questions de l’ORTM sur les raisons des perturbations dans la fourniture d’électricité à Bamako et à l’intérieur du pays, le ministre en charge de l’Energie, Lamine Seydou Traoré a jugé nécessaire de présenter au nom de l’ensemble du gouvernement, les excuses de la Société Energie du Mali (EDM) et de tous les travailleurs du département de l’Energie et d’EDM «au peuple malien pour les désagréments subis par rapport à ces perturbations dans la fourniture des services publics de l’électricité».
Sans les justifier, le ministre a expliqué les raisons de la forte perturbation dans la fourniture de l’électricité, ces derniers jours. Selon lui, certains défis du secteur de l’électricité remontent à trois ans et demeurent toujours actuels. Ainsi on dénombre depuis 2020, trois problèmes majeurs qui sont : une forte croissance de la demande; une insuffisance de production d’énergie et des difficultés financières importantes qu’éprouvait et qu’éprouve la Société EDM. Le ministre Lamine Seydou Traoré a souligné que l’insuffisance de la production d’énergie avait entraîné une dépendance de notre pays vis-à-vis des pays étrangers dans la fourniture de l’électricité.
Le ministre en charge de l’Energie explique qu’arrivé aux affaires ses premières décisions ont été de diagnostiquer les cause de la perturbation dans la fourniture de l’électricité. Ces causes identifiées sont au nombre de trois dont la première était financière et qui perturbe l’approvisionnement régulier des centrales de production. La deuxième cause des coupures est la vétusté des équipements qu’il fallait rénover, le secteur ayant été confronté ces dernières années à une insuffisance d’investissement. La troisième cause de la perturbation des fourniture d’électricité a trait à la question tarifaire. Le ministre a rappelé que le prix de l’électricité au Mali est largement inférieur au coût de production. Ce qui fait que la société EDM se trouve dans des difficultés structurelles de financement.
Vers une augmentation du prix de l’électricité ?
En terme de solutions, le gouvernement a travaillé sur deux variantes, du court et du long terme, selon le ministre Lamine Seydou Traoré. La première variante était de mener des actions à court termes pour diminuer la souffrance des populations en réduisant les coupures. «Pour faire face à la hausse permanente de la demande, l’Etat était obligé d’investir dans des solutions d’urgence, parce qu’il n’y a pas eu d’investissement structurant permettant de faire face à la demande. Ces solutions d’urgence concernent des centrales thermiques qui consomment des hydrocarbures dont le prix est en hausse permanente en raison du contexte actuel», explique-t-il. Pour preuve, dit-il, le prix des hydrocarbures est passé de 400 FCFA en 2021 à 875 FCFA en 2022 en raison de la crise Russo-ukrainienne. «L’Etat se trouve ainsi obligé de subventionner régulièrement le secteur de l’électricité. Cela veut dire que le coût de production d’1 Kwh tourne entre 160 et 200 FCFA, quand le prix de vente est de 90 FCFA pour les Maliens. Chaque fois qu’un citoyen a payé 100 000 FCFA pour sa facture, l’Etat a payé aussi l’équivalent pour le subventionner. Ce qui fait qu’EDM est structurellement déficitaire», explique Lamine Seydou Traoré.
Le respect des principes édictés par le chef de l’Etat Assimi Goïta
Si l’augmentation du prix de l’électricité est monnaie courante dans la sous-région, telle n’est pas à l’ordre du jour chez nous, car les Maliens confrontés au terrorisme et à un certain environnement international hostile, ont consenti trop de sacrifices pour ça. «Dans certains pays voisins, le prix de l’électricité est de 240 FCFA le Kwh, mais les plus hautes autorités du Mali ont dit: le peuple malien souffre déjà de la guerre asymétrique qui nous est imposée. Augmenter le tarifs des services sociaux de base n’est pas bien à propos. Malgré le contexte difficile de trésorerie, le gouvernement accepte de continuer à subventionner massivement le secteur de l’énergie pour que les populations maliennes puissent continuer de bénéficier de ce service à un tarif abordable», a annoncé le ministre en charge de l’Energie. On y trouve une application des principes édictés par le président Assimi Goïta, à savoir «la prise en compte des intérêts du peuple malien dans les décisions prises».
Par ailleurs, «en 2020, la demande maximum en période de pointe était de 400 Mw sur lesquels 100 Mw provenait de l’étranger, donc une dépendance de notre pays jusqu’à 25 % de notre consommation à un pays tiers. Aujourd’hui, malgré l’augmentation de cette demande qui est passée de 400 Mega en 2020 à 500 Megawatts en 2023, le problème de la production ne se pose pas, parce que l’Etat a investi dans les sources de production pour juguler et réduire notre dépendance vis-à vis de l’extérieur. L’Etat a investi dans les groupes électrogènes, dans les centrales thermiques. C’est vrai que les centrales consomment plus, mais il le fallait, c’était des solutions à court termes». Le ministre ne le dis pas, mais on voit clairement que la décision vise le respect de la souveraineté du Mali, cet autre principe exigé par le président Assimi Goïta aux décideurs.
L’arrivée des groupes électrogènes l’année dernière et l’espoir qu’ont suscité les installations de Siracoro n’ont pas permis de mettre les consommateurs à l’abri des coupures, qu’est ce qui n’a pas marché où sont passé les groupes, interroge l’excellent confrère.
La centrale de Siracoro, indique le ministre, est aujourd’hui en pleine capacité de production jusqu’à plus de 100 Mégas. «Ces centrales tournent aujourd’hui à plein régime et permettent de faire face à la demande. Mais il y a aussi le revers de la médaille, car étant thermiques ces centrales consomment plus de combustibles. Et aujourd’hui la difficulté réelle que nous éprouvons, c’est de pouvoir satisfaire à la demande, c’est arriver à approvisionner correctement les centrales, eu égard à toutes les dettes que la société EDM avait engrangé auprès de ses fournisseurs par le passé», reconnaît-il.
A moyens et long termes
Pour faire face à la vétusté des équipements, il n’y a pas de solution durable à court termes, elles sont plutôt à moyens et longs termes que le plan de développement doit prendre en compte, selon l’interlocuteur de Sidiki Dembélé. «Face à la vétusté des équipements, la solution à court terme peut consister à déployer des équipes mobiles, qui vont se relayer 24 heures sur 24 pour pouvoir relever rapidement les pannes. A court terme entre 2020 et 2022 sur fonds propres EDM, il a été investi un montant de plus de 50 milliards de FCFA pour pouvoir mettre à niveau, et soulager un peu. Aujourd’hui l’insuffisance de production est derrière nous», selon le ministre. Mais sait-on, c’est l’approvisionnement régulier qui fait défaut faute de moyens financiers. Pour faire face à la vétusté des équipements, il faut une solutions à long terme, c’est les investissements; une solution à court terme, c’est de renforcer les équipes de dépannage, a indiqué l’intervenant. En ce qui concerne la difficulté financière des efforts ont été faits par l’Etat. Pour la première fois depuis les années 2010, la subvention de l’Etat est passé de 30 à 45 milliards de FCFA, selon le ministre Lamine Seydou Traoré.
B. Daou