Au moins neuf villageois ont été tués mardi dans une nouvelle attaque dans l’ouest du Cameroun attribuée par les autorités aux rebelles séparatistes anglophones, qui y affrontent l’armée depuis sept ans dans un conflit très meurtrier pour les civils.
A l’aube, les assaillants ont pris d’assaut le marché du village de Bamenyam, dans le département de Bamboutos. « Il y a neuf morts », a affirmé le préfet de Bamboutos, David Dibango, à la radio d’Etat CRTV.
« J’ai compté neuf morts », a confirmé au téléphone à l’AFP un officier de gendarmerie ayant requis l’anonymat et qui attribue la tuerie aux « sécessionnistes ».
Ce village de la région Ouest est situé à la lisière de celle du Nord-Ouest, peuplée par la minorité anglophone du Cameroun, vaste pays d’Afrique centrale majoritairement francophone.
Depuis fin 2016, un conflit meurtrier oppose, dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, des groupes armés indépendantistes aux forces de sécurité, chaque camp étant régulièrement accusé de crimes contre les civils par les ONG internationales et l’ONU.
Ces attaques sont relativement fréquentes dans les deux régions ou à la lisière, les rebelles accusant certains villageois de collaborer avec l’Etat.
Le 6 novembre, 25 civils, dont des femmes et un enfant, avaient été tués à Egbekaw, dans le Nord-Ouest, dans un assaut attribué par Yaoundé aux séparatistes, qui avaient exécuté certaines victimes et brûlé d’autres.
Selon la CRTV, une femme figure parmi les personnes tuées mardi à Bamenyam. Deux membres des forces de l’ordre qui ripostaient ont été blessés, selon ce média officiel et des boutiques ont été incendiées.
Les séparatistes armés « étaient entrés dans le village la veille sur des motos », a précisé l’officier de gendarmerie.
« Puis ils avaient fait circuler un message demandant aux populations de rester chez elles le lendemain. Mais apparemment, des personnes qui n’étaient pas au courant sont sorties et ont été victimes des sécessionnistes », a-t-il assuré.
Une association locale, le Comité de Développement de Bamenyam (Codeba), parle dans un communiqué de trois commerçants dont « un octogénaire » parmi une « dizaine de personnes abattues ».
-Accusés de « collaborer »-
Le conflit avait éclaté fin 2016 après que le président Paul Biya, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 41 ans, eut fait réprimer violemment des manifestations pacifiques d’anglophones dans les deux régions, qui s’estimaient ostracisés et marginalisés par le pouvoir central dans cette ancienne colonie française.
Depuis, le chef de l’Etat, âgé aujourd’hui de 90 ans, intraitable, y dépêche massivement des troupes.
Le conflit a fait plus de 6.000 morts et forcé plus d’un million de personnes à se déplacer, selon International Crisis Group (ICG).
Les rebelles, qui se font appeler les « Ambazoniens » (du nom d’une « Ambazonie » dont ils ont proclamé unilatéralement l’indépendance en 2017), s’attaquent fréquemment à des civils qu’ils accusent de « collaborer » avec Yaoundé.
Les forces de sécurité sont également régulièrement accusées par les ONG internationales et l’ONU de « bavures », tueries et autres tortures sur des civils qu’elles soupçonnent de sympathiser avec les rebelles.
Début juillet, Amnesty international s’était de nouveau alarmée d' »atrocités » dont sont victimes les civils, énumérant des « exécutions extrajudiciaires », « homicides », y compris de femmes et d’enfants, « tortures » et « viols », perpétrés par les séparatistes armés comme par des membres des forces de sécurité.