Ce n’est pas une invention de la junte dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré. Le corps des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) a été créé par l’ancien président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré.
Ces supplétifs civils de l’Armée burkinabé sont formés, équipés et payés par l’État pour combattre les groupes djihadistes aux côtés des forces de défense et de sécurité. Il est vrai que depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré s’appuie beaucoup sur ces VDP pour mener les différentes expéditions contre les groupes terroristes.
33 millions d’euros versés à l’État pour les VDP
Dans une enquête publiée récemment, le magazine « Jeune Afrique » évoque les sources de financement de ces supplétifs de l’armée. Il révèle par exemple que Castel, le géant français de la boisson est le premier bras financier de ces VDP. Il contribuerait à hauteur de 70%, soit plus de 33 millions d’euros. Selon les explications du magazine panafricain, les fonds ne sont pas remis directement aux autorités burkinabé.
Ils proviennent plutôt d’un mécanisme mis en place par le pouvoir de la Transition. En effet, des arrêtés ministériels ont été pris pour prélever une contribution obligatoire sur la vente d’alcool, de tabac, ou encore de parfums. Le montant des contributions est de 100 F CFA, par exemple pour chaque boisson alcoolisée produite localement et de 50 F CFA pour chaque boisson non alcoolisée produite localement.
Toutes ces taxes entrent dans le cadre des contributions au Fonds de Soutien patriotique (FSP). Selon Jeune Afrique, les derniers chiffres publiés par le Conseil d’orientation du FSP révèlent qu’au 31 août 2023, 35 milliards de F CFA ont été collectés. Plus de 70 % de cette manne provient des prélèvements sur les produits de la Brakina-Sodibo, soit 22 milliards F CFA (environ 33 millions d’euros). Brakina-Sodibo est la première brasserie du pays et la filiale locale du géant français des boissons Castel.
« Le consommateur final est le consommateur réel »
Contacté par le magazine panafricain, le groupe Castel, rappelle que le « consommateur final est le contributeur réel », comme l’indique un arrêté du ministère burkinabé de l’Économie et des Finances.
En clair, l’entreprise ne « finance pas le Fonds (de soutien patriotique) mais impose une taxe obligatoire sur ses produits finaux ».
Elle ajoute que « les montants du FSP ne rentrent pas » dans son « chiffre d’affaires ». « Ils sont collectés par toutes les entreprises concernées et concernant Brakina, apparaissent de façon distincte sur chacune des factures.
De ce fait, ils sont traçables et sont reversés au franc près chaque quinzaine sous forme de chèque pour lequel une quittance est fournie. Il n’y a donc eu aucun financement du Fonds de soutien patriotique directement ou bien indirectement », assure le géant français de la boisson.
« Jeune Afrique » indique tout de même que ces contributions du groupe Castel au financement des VDP pourraient créer des ennuis judiciaires à l’entreprise en France. En effet, les ONG comme Human Right Watch et l’ONU accusent les VDP et les forces armées burkinabé de crimes de guerre contre les populations civiles.
Des ennuis judiciaires en vue pour Castel ?
Ils évoquent notamment, le massacre de Karma en avril 2023 et une autre attaque à Nouma, une province de Kossi à l’Ouest du pays, en 2022. Selon une source judiciaire contactée par Jeune Afrique, la justice française réprouve la contribution au « financement des milices responsables de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre ».
Les entreprises françaises peuvent être « considérées comme complices à partir du moment où elles en ont connaissance, et ce, même si elles agissent pour sauver leur activité dans une zone de conflit ». Rappelons que Castel n’est pas la seule société française qui contribue au Fonds de soutien patriotique. Orange et Canal + sont également concernés.