Boubacar H. Diallo, le président de l’Organisation patronale des entrepreneurs de la construction du Mali (OPECOM), est depuis le 28 octobre 2022 membre du Conseil national de Transition (CNT). Dans un entretien qu’il nous a accordé, l’ingénieur de constructions civiles et chef d’entreprise est revenu sur sa désignation pour siéger au sein de l’organe législatif de la transition en tant que représentant du secteur privé. Il a aussi donné sa vision et son ambition pour le développement du secteur privé malien.
Le président de l’Organisation patronale des entrepreneurs de la construction du Mali (OPECOM), Boubacar H. Diallo, fait partie des 26 nouveaux membres du Conseil national de transition (CNT) désignés en octobre par le président de la Transition.
Ingénieur de constructions civiles et chef d’entreprise, sa désignation est intervenue quelques jours seulement après l’élection d’un bureau consensuel à la tête du Conseil national du patronat du Mali (CNPM) dirigé par M. Mossadeck Bally. M. Diallo a conduit le processus de transition avec dévouement en tant que 1er vice-président de l’administration provisoire du CNPM.
Boubacar H. Diallo a l’ambition de faire du secteur privé le fer de lance du développement du Mali. Connu pour son franc-parler, le président de l’OPECOM est un travailleur acharné. Et au regard de sa compétence et sa carrure, le président de la Transition, Assimi Goïta, a fait un choix judicieux en désignant Boubacar H. Diallo comme membre de l’organe législatif de la transition.
Au service du CNT, nul doute que le président Diallo, ce défenseur de l’intérêt général, va mettre son immense expérience et son talent pour faire bouger les lignes. Cela pour l’honneur et le bonheur du peuple malien.
Le Wagadu : Vous avez été 1er vice-président de l’Administration provisoire du Conseil national du patronat (CNPM) pendant des mois et vous avez passé le témoin à un bureau régulièrement élu. Comment se porte le secteur privé aujourd’hui soit trois mois après votre départ ?
Boubacar H Diallo : Effectivement, j’ai été premier vice-président de l’Administration provisoire du CNPM suite à la crise de deux ans que le Patronat a connue. Notre mandat était de six mois et c’est l’occasion pour moi de remercier et de rendre un hommage mérité à l’ensemble des acteurs, à notre président de l’époque Monsieur Soya Golfa, doyen des présidents des Groupements professionnels, à l’ensemble des Groupements professionnels et à l’ensemble des membres de l’Administration provisoire pour leur disponibilité et leur compréhension qui nous ont permis de tourner définitivement la page de cette période sombre qui a exposé et affecté chacun d’entre nous à un moment où notre pays traverse une situation complexe.
Le Wagadu : Comment se porte le secteur privé ?
B H. Diallo : Le secteur privé ne se porte pas très bien. Nous sommes dans un pays qui cherche à sortir des difficultés. Notre secteur privé est à l’image de notre pays, l’État étant notre partenaire privilégié.
C’est pour cette raison que nous avons l’obligation de nous rassembler pour accompagner les Autorités afin qu’ensemble, on puisse trouver les solutions les plus appropriées pour sortir de la crise. Nous n’avons pas une vision différente de celle des Autorités.
Comme vous le savez, depuis le 01er octobre 2022, le CNPM a un nouveau bureau dirigé par le président Mossadeck Bally. C’est un bureau très dynamique qui est venu pour servir pendant cinq ans et non pour se servir. Je suis très fier du travail de cette équipe depuis le 01er octobre 2022.
Le Wagadu : Vous avez été nommé au CNT (Conseil national de Transition) comme représentant du secteur privé. Que comptez-vous faire pour donner au secteur privé ses lettres de noblesse ?
B.H. Diallo : D’abord, permettez-moi de remercier les plus hautes autorités pour la confiance placée en moi à travers le secteur privé. Cela fait à peine deux mois que je suis membre de cet organe de la Transition. Ce que je retiens, c’est que la tâche va être encore plus difficile pour moi. On peut être désigné au CNT à travers un groupe, mais dès l’instant qu’on prend fonction, on ne peut plus représenter les intérêts d’un groupe spécifique.
Au CNT, il n’y a pas de groupes parlementaires, c’est la recherche du consensus. Nous représentons désormais l’intérêt général et pour cela il faut être suffisamment efficace et compétent pour démontrer que ce que l’on défend correspond effectivement à l’intérêt général.
Pour cela, je suis tenu d’être en contact permanent avec le président du CNPM afin qu’ensemble nous puissions avoir les éléments de langage pour me permettre de convaincre les autres honorables conseillers sur le bien-fondé de nos éventuelles propositions ou amendements pendant les travaux des commissions. En intégrant cette vision réaliste du CNT, je pourrai faire entendre la voix du secteur privé et lui donner ses lettres de noblesse.
Le Wagadu : L’année de 2022 a été riche en événements pour vous puisqu’avant votre nomination au CNT, vous étiez membre de l’administration provisoire du CNPM. Aujourd’hui, avec le recul, quels sont vos réussites et vos échecs ?
B. H. Diallo : C’est vrai que l’année 2022 a été riche en événements et mon passage au sein de l’Administration provisoire a été pour moi une grande expérience. Si je peux parler de réussite au sein de cette Administration provisoire, c’est le fait d’être resté cohérent avec le message que j’ai délivré depuis le 08 février 2022, le jour même de la mise en place de la première administration provisoire. J’avais dit que je ne serai pas candidat, que je ne serai sur aucune liste de candidature, que je ne peux pas être juge et partie et qu’il faut sortir absolument de la crise dans le délai imparti.
Je pense que ce message a été déterminant pour la sortie de crise. Je ne peux pas parler d’échec du fait qu’il n’y a pas eu d’unanimité soit 100% des Groupements professionnels, mais 87,20% des Groupements ont participé au processus et 90,70% des inscrits ont participé à l’élection du 01er octobre 2022. Pour moi, avec du recul, ces quelques voix d’écart donnent aussi de la crédibilité à notre processus démocratique de sortie de crise.
Le Wagadu : Quels conseils avez-vous à donner au nouveau bureau pour le bon développement du patronat ?
B. H. Diallo: Déjà, ce sont des patrons qui ne sont pas venus pour se servir du patronat, c’est le plus important et ça leur fait gagner plus de crédibilité chaque jour. La deuxième des choses, c’est de rester en contact permanent avec les Groupements professionnels conformément aux textes en vigueur. Le Bureau actuel respecte déjà tout cela. Je souhaite bonne chance à cette équipe de qualité.
Le Wagadu : Le mandat de l’actuel bureau est de cinq ans, et beaucoup de gens pensent que vous seriez un bon candidat à la prochaine élection. Qu’en dites-vous ?
B. H. Diallo : C’est totalement exclu pour moi d’être candidat ou même d’être membre du prochain bureau du CNPM. Vous savez, on peut être utile à son organisation sans pour autant être membre du bureau. Je dois accompagner l’actuel bureau et les aider à transformer la crise en opportunités, c’est suffisant pour moi.
Le Wagadu : Revenons au secteur BTP. Mme la ministre des Transports a dénoncé la non-exécution des travaux par certaines entreprises locales. Elle avait menacé de leur retirer le marché. Que répondez-vous à ces accusations ?
B. H. Diallo: Vous savez, il y a déjà les instruments pour la gestion des marchés publics, entre autres, le contrat, le code des marchés publics et l’organe chargé du contrôle des marchés publics et des délégations de service public. Un marché est toujours attribué avec un délai d’exécution à travers un ordre de service signé par les parties.
L’entrepreneur a le droit de formuler ses réserves pour que celles-ci puissent être exploitées en cas de besoin au moment opportun. L’article 101 du code des marchés publics (101.1 à 101.5) définit les conditions dans lesquelles un marché peut être résilié. L’article 101.4 précise que les marchés publics peuvent faire l’objet d’une résiliation à l’initiative de l’une ou l’autre des parties.
Si les conditions ne sont pas réunies, les marchés ne pourront pas être résiliés ; mais si les conditions sont réunies, il n’y a pas de débats. Dans tous les cas, les recours sont prévus et il y a le cas de force majeure et certaines intempéries évoquées dans le marché seront toujours prises en compte pour réévaluer les délais afin de ne pas pénaliser les entreprises.
Les délais s’appliquent aussi au maître d’ouvrage en ce sens que si les factures des entreprises ne sont pas payées dans les délais requis au marché, l’entreprise a le droit de se faire payer les intérêts moratoires. Je réponds que c’est un équilibre et nous devons tous tirer les conséquences de cette situation.
Des dispositions doivent désormais être prises pour ne pas réaliser le programme entier d’entretien routier pendant l’hivernage. Il peut y avoir un programme d’urgence, mais pas un programme d’entretien qui a des conséquences sur les coûts de réalisation, les délais, les gênes occasionnées sur les usagers et la qualité même des travaux.
Le Wagadu : Il paraît que les banques maliennes refusent d’accorder des crédits aux entreprises. Qu’en est-il ?
B. H. Diallo: Je dirais plutôt que les conditions d’accès au crédit sont difficiles et les banques ont besoin d’informations fiables de la part des entrepreneurs. Les banques mesurent le risque et le répercutent aussi sur le client.
Aujourd’hui, l’argent a un coût élevé c’est vrai. Puisque les banques tirent leurs activités des crédits qu’elles accordent à leurs clients, comment peuvent-elles alors refuser d’accorder des crédits ? Les conditions d’octroi des crédits sont connues et la crédibilité de chaque client compte.
Les entreprises sérieuses qui ont des capacités de remboursement n’ont pas de problèmes avec leurs banques. Les banques et les entreprises sont toutes les deux membres du patronat. Il nous est très facile de trouver un juste compromis si des cas nous sont signalés.
Le Wagadu : Pour conclure cet entretien, quel message avez-vous à adresser à vos collègues du secteur privé ?
B. H. Diallo: Je vous remercie pour ce bref entretien. Je saisis cette occasion pour appeler tous les acteurs privés à se mobiliser afin qu’on puisse accompagner notre pays à sortir de cette période difficile à travers des mécanismes innovants pour le financement de l’économie.
Le secteur privé sera aussi l’un des grands bénéficiaires d’un pays assaini et débarrassé de la corruption et de la mauvaise gouvernance. Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour souhaiter à chacun de nos membres une très bonne année 2023.
Entretien réalisé par Abdrahamane SISSOKO