À un mois du troisième anniversaire du coup d’État de Mamadi Doumbouya, un avant-projet de nouvelle loi fondamentale vient d’être présenté. Il dévoile les personnalités qui pourraient être disqualifiées, ou non, dans la prochaine course à la présidence.
Alors que la société civile guinéenne susurre que l’actuelle junte ne planifie le retour à l’ordre constitutionnel qu’à un train de sénateur, voici présenté un avant-projet de Constitution dont l’adoption pourrait dépendre d’un référendum organisé avant la fin de l’année. Près de trois ans après la prise du pouvoir par le général Mamadi Doumbouya et la promesse d’une période transitoire de… deux ans, un texte a enfin été présenté, fin juillet, au Conseil national de transition. Il y est question de Parlement bicaméral, de candidatures indépendantes à la présidentielle et de système de parrainage.
Décortiqués par les observateurs de tout poil, les 205 articles de l’avant-projet comportent notamment trois dispositions remarquées, et une absente. L’image du régime déchu ayant commencé à se dégrader à la volonté affichée de son président de briguer un troisième mandat, aujourd’hui déconseillé par toutes les organisations de la société civile, la prochaine Constitution ne pouvait éluder la limitation des baux présidentiels à deux quinquennats. C’est chose faite.
Le deuxième point largement évoqué par la presse est celui de l’âge du prochain chef de l’État. Au moment du scrutin, un candidat devrait avoir au minimum 35 ans et au maximum 80 ans. Chacun scrutant les ciblages individuels, dans les textes fondamentaux rédigés par les régimes d’exception, la presse ne manque pas de rappeler qu’Alpha Condé, réputé revanchard, a 86 ans et que le président de l’Union des forces républicaines (UFR), Sidya Touré, sera octogénaire en 2025.
Conscient que la présidentielle risque de ne pas être organisée rapidement, le chargé de communication du parti n’a pas manqué d’évoquer une loi qui consisterait « à disqualifier un Guinéen de ses droits civils et politiques »…
Le troisième article de l’avant-projet de Constitution que relaie abondamment l’opinion est celui qui proscrit la double nationalité pour les éventuels prétendants à la magistrature suprême.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, en ces temps de créolisation des nations, le cocktail entre nationalité exclusive et légitimité patriote n’en finit pas de faire gloser, depuis l’« ivoirité » et la « congolité », jusqu’à la récente promotion burkinabè du principe de déchéance de la nationalité, et même en Europe, la volonté du Rassemblement national français de barrer la route de certaines fonctions stratégiques aux binationaux. Une réforme du Code civil guinéen étant revenue, en 2021, sur la règle de l’interdiction du cumul de nationalités, des observateurs se demandent si Mamadi Doumbouya, époux d’une Française, ne sera pas concerné par la disposition de l’avant-projet de Constitution.Car si le texte comprend des articles notables, chacun remarque, en filigrane, qu’il ne contient pas une disposition qui tendait à devenir une tradition dans les récents régimes transitoires. S’il elle était adoptée, la Constitution n’interdirait pas aux militaires tenants de la transition de participer au processus électoral.