Au 16e jour de son procès, Donald Trump secoue la tête, fronce les sourcils, croise ses mains: des heures durant lundi, son ex-avocat personnel Michael Cohen détaille leur implication dans des paiements dissimulés pour étouffer des scandales sexuels en pleine campagne présidentielle de 2016.
« Nous appelons Michael Cohen », lance la procureure Susan Hoffinger pour un témoignage qui restera un moment clé des débats au tribunal pénal de New York.
Le 45e président des Etats-Unis (2017-2021), cravate à rayures bleues et blanches, s’est assis quelques minutes plus tôt derrière sa table, sur laquelle il a jeté avec nonchalance une pile de papiers. Le témoin entre, costume bleu marine, cravate rose pale.
Le silence se fait, Donald Trump et Michael Cohen ne s’adressent pas un regard.
D’abord nerveux, l’ancien avocat, 57 ans, éclaircit sa voix et trouve son tempo pour évoquer son parcours: fils d’un survivant de l’Holocauste, devenu avocat parce que sa grand-mère « le voulait », entré dans les années 2000 à la Trump Organization, la holding regroupant l’empire immobilier du milliardaire républicain, une « grande famille ».
Mais Michael Cohen n’est pas là pour raconter sa vie et la procureure l’emmène au coeur du dossier. Que savait Donald Trump, en pleine campagne présidentielle de 2016, de paiements pour étouffer de potentiels scandales sexuels?
« Assure-toi que ça ne sorte pas », lui aurait dit le candidat, à propos d’une mannequin de Playboy, Karen McDougal, qui affirmait avoir eu une relation avec le milliardaire, figure de la jet-set avant de se lancer en politique.
– « Théâtre » –
Pendant plus de cinq heures, celui qui se voyait il y a quelques années comme le « pitbull » de Donald Trump, prêt « à prendre une balle » pour son patron, raconte, sur un ton parfois monocorde, presque clinique, les étapes qui l’ont ensuite poussé à verser 130.000 dollars à la star du X Stormy Daniels, pour acheter son silence sur une relation similaire.
Là aussi, avec l’assentiment du patron, assure-t-il.
Donald Trump, dos bien enfoncé sur son fauteuil, écoute attentivement. Il cherche le plus souvent à paraître impassible, comme indifférent à ce témoin crucial, qu’il avait qualifié de « rat » quand il s’était retourné contre lui en 2018.
A plusieurs reprises, il lit ostensiblement des articles de presse. Plusieurs fois aussi, il s’agite, secoue la tête, glisse quelques mots à l’oreille de ses avocats.
De son côté, Michael Cohen, petite bouteille d’eau en plastique posée devant lui, se fait le plus sobre possible, lui qui posait la semaine dernière sur TikTok avec un tee-shirt montrant Donald Trump vêtu d’une combinaison orange, derrière des barreaux.
Les questions de la procureure sont millimétrées.
« Je n’ai jamais rien vu d’aussi répété comme au théâtre! », tempête en direct, sur le réseau X, l’un des fils de l’ancien président des Etats-Unis, Eric Trump, vice-président exécutif de la Trump Organization.
Les jurés ont l’air d’être absorbés par ce témoignage qui les emmène dans les coulisses de la campagne présidentielle de 2016. Une série de courriels montre la panique qui avait saisi l’équipe Trump quand le Washington Post avait diffusé une vidéo où l’on l’entend se vanter dans des termes crus d’avoir un comportement offensif avec les femmes, comme de « les attraper par la chatte ».
« C’est sorti partout. Qui s’occupe de contrôler les dégâts ici? », écrivait Michael Cohen au stratège de Donald Trump, Steve Bannon.
Le paiement à Stormy Daniels a eu lieu trois semaines plus tard.