Au Burkina-Faso, des arrestations et réquisitions controversées visant des défenseurs des droits de l’Homme et lanceurs d’alertes ont été relevées ces derniers mois. Celles-ci rendent légitimes les interrogations sur l’état de « santé » des libertés d’information et d’expression dans le pays.
Fin novembre, l’activiste burkinabè Wendpouire Charles Sawadogo est arrêté pour avoir relayé un bilan de l’assaut de Djibo. Depuis lors, il est réquisitionné pour le front. Les chiffres dont il est question proviennent d’un rapport du Haut-Commissariat de l’ONU. Pour rappel, le 26 novembre 2023 de nombreux combattants du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM, affilié à Al-Qaïda) attaquent le détachement militaire de Djibo. Aucun bilan officiel n’est encore rendu à ce jour.
Cette réquisition prend place dans un environnement de propagande particulièrement intense depuis l’offensive. Si le pouvoir en place reconnaît « une attaque d’envergure sans précédent », l’absence de communication sur l’évènement inquiète dans le pays. Agacées par la publication du bilan, les autorités invitent d’ailleurs Zeinab Hamza, représentante de l’ONU au Burkina-Faso, à « accorder le moins d’espace possible aux terroristes ».
L’interpellation récente de Wendpouire Charles Sawadogo, n’est pas sans rappeler les réquisitions ciblées dont se plaignent journalistes et activistes dans le pays. Pourtant, associations et collectifs du milieu continuent de rappeler l’importance de la circulation de l’information pour une nation forte. En avril, la directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International, insiste : « La lutte contre les groupes armés et l’insécurité ne sauraient être un prétexte pour restreindre les libertés de la presse et les droits des citoyens d’accès à l’information […] »
La justice, du côté des journalistes
Le 7 décembre, le Tribunal de Ouagadougou tranche en faveur du dangereux métier de porte-parole de la vérité. Il juge illégales les réquisitions de plusieurs personnalités, dont des leaders d’opinion, politiques, syndicalistes et journalistes. Selon l’avocat de la défense, cette victoire juridique est révélatrice d’une instrumentalisation de la crise sécuritaire et d’atteintes à la liberté d’expression et d’opinion. Interrogé par LeFaso.net sur le sujet, l’ancien directeur de publication de L’Évènement argumente : « Regardons en Ukraine, on dit qu’on a besoin par exemple de 10 000 combattants. On fait un appel, [ou] on cible une tranche d’âge pour rechercher les gens. On ne s’assoit pas pour décider que c’est X et Y qu’on réquisitionne […]. » Malgré ce véritable pas en avant, les mobilisations abusives persistent.
Début décembre, deux militants connus pour leurs publications critiques des autorités auraient été désignés Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) et envoyés au front. À la fin du mois, c’est au tour d’Ablassé Ouédraogo, ex-ministre des Affaires étrangères, d’être enlevé à son domicile. Il s’était fait remarqué en dénonçant « le musellement de la presse » et un certain « recul de la démocratie » dans une lettre ouvertement critique. Âgé de 70 ans, le diplomate était déjà prié de rejoindre les VDP depuis début novembre.
Suite à cela, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) appelle à la libération des critiques du pouvoir en place.
Constantine