– Annoncé comme événement d’une importance capitale pour la reconfiguration des relations entre les Etats-Unis et l’Afrique, le sommet qui se tient du 13 au 15 décembre à Washington ne fait pas trop rêver certains experts africains.
Le sommet États-Unis – Afrique démarre mardi à Washington à l’initiative du président Joe Biden qui le place sous le signe de la reconfiguration des relations américano-africaines.
« Je suis impatient de travailler avec les gouvernements africains, la société civile, les communautés de la diaspora à travers les États-Unis et le secteur privé pour continuer à renforcer notre vision commune de l’avenir des relations américano-africaines », avait souligné à ce registre le président américain.
Le gouvernement américain a, dans la même logique, relevé qu’au cours du forum des affaires Etats-Unis – Afrique du sommet, les chefs d’État africains et les chefs d’entreprise et de gouvernement américains et africains discuteront des moyens de faire progresser les partenariats mutuellement bénéfiques pour créer des emplois et stimuler une croissance inclusive et durable.
S’exprimant, la semaine dernière, à l’occasion d’une conférence de presse digitale en prélude au Sommet, Molly Phee, secrétaire d’Etat adjointe du bureau des affaires africaines du département d’Etat des Etats Unis, avait encore insisté sur l’aspect ‘’reconfiguration’’ des relations américano-africaines afin de relever les défis très chers aux populations.
« J’espère en tout cas que les Africains et les Américains ressortiront de ce sommet en ayant l’impression que le dialogue a pu être approfondi notamment sur des sujets qui apportent véritablement une différence quotidienne », avait-elle lancé.
C’est dire que le sommet, 2ème du genre après celui organisé en 2014 à l’ère Barack Obama, revêt une importance capitale pour les Etats-Unis.
Invitations ont ainsi été adressées à tous les chefs d’Etat et de gouvernement d’Afrique – exception faite du Soudan, du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée Conakry -pays sous sanctions de l’UA- pour le Sommet. S’y ajoute au nombre des absents, l’Erythrée qui n’a pas de relations diplomatiques avec les Etats-Unis.
Des sessions à l’instar de : Diaspora et jeunes leaders africains, Santé mondiale et sécurité alimentaire, Changement climatique et énergie, Investissement dans les infrastructures, en plus du Forum des affaires Etats-Unis Afrique, sont inscrites à l’agenda de la rencontre qui va se poursuivre jusqu’au 15 décembre.
— Que pensent les experts ?
La rencontre tant promue par les politiciens n’enflamme guère du côté de certains experts africains peu convaincus des retombées au profit de l’Afrique.
L’économiste Demba Moussa Dembélé y entrevoit une méthode américaine pour s’assurer plus de présence en Afrique.
« L’un des objectifs majeurs du Sommet sera pour les Etats-Unis de tenir un discours mielleux sur les bienfaits du commerce et des investissements dans le but d’avoir encore plus accès aux ressources du continent africain », a indiqué à l’Agence Anadolu Dembelé, président de “l’Africaine de recherche et de coopération pour l’appui au développement endogène” (Arcade).
« À Washington, il sera beaucoup question d’investissements, de « partenariat public-privé », de « liberté de commerce » et « d’aide ». Tout cela dans le but d’ouvrir grandes les portes d’entrée des économies africaines pour les livrer à l’appétit insatiable des multinationales américaines », a poursuivi l’économiste en voulant pour preuve la pléthore de représentants du secteur privé, tant du côté africain que celui des Etats-Unis, à ce sommet.
Dembélé a ainsi évoqué une volonté chez les Américains de se rattraper après que les multinationales de ce pays se sont faites distancer en Afrique par les entreprises des pays émergents et même d’Europe.
« Dans certains milieux du capitalisme en profonde crise, d’aucuns pensent que l’Afrique est devenue la nouvelle frontière de la mondialisation capitaliste et qu’elle détiendrait les clés de sortie de crise »., a-t-il analysé.
Le ton moins percutant, El Hadj Alioune Diouf, commissaire aux affaires économiques ne dit pas le contraire.
« Avec l’érosion des marges préférentielles consécutives aux négociations commerciales multilatérales ayant permis l’abaissement général des droits de douane, les USA comme l’Europe, cherchent d’autres stratégies pour favoriser le commerce avec l’Afrique », a-t-il souligné, intégrant le sommet dans cette recherche permanente d’établir des relations privilégiées avec l’Afrique, continent d’avenir.
Il ne faudrait pas pour autant occulter les points positifs qui pourraient découler pour l’Afrique de cette rencontre, a-t-il tempéré.
« Ce sommet peut ouvrir des opportunités pour l’Afrique qui n’est pas absente du commerce international. Certes, l’Afrique représente 3% des échanges internationaux, mais son taux d’ouverture au commerce international est le plus élevé dans le monde du fait de la faiblesse de son produit intérieur brut », a déclaré Diouf, ancien directeur du commerce intérieur.
« Ce sommet doit être considéré comme une opportunité d’améliorer et d’accroître nos capacités d’offre et de production de richesses donc de notre marché intérieur qui reste encore faible ! En effet, ce sommet peut favoriser l’accroissement des investissements américains », a-t-il poursuivi.
Le commissaire aux affaires économiques se convainc aussi que le sommet vient renforcer les efforts que les Africains font tous les jours dans la voie du progrès économique et de la promotion des échanges intra-africains préconisés par l’UA.
Il s’est toutefois voulu clair sur une chose : « Le meilleur partenaire du continent africain est le continent africain lui-même ».
« Le marché pertinent pour l’Afrique reste le marché intérieur africain car c’est un marché d’un milliard d’habitants avec une classe moyenne de plus de trois cents millions de personnes », a-t-il précisé, assurant que les Etats-Unis comme l’Europe ou encore la Chine ne peuvent être que des partenaires seconds dans la quête africaine d’un développement endogène et inclusif.
Dans tous les cas, un point positif et non des moindres sera que le président américain Joe Biden va officiellement s’engager lors de la rencontre à porter le plaidoyer pour une place de l’UA au sein du G 20 à en croire Judd Devermont, directeur exécutif aux Affaires africaines du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.