Un assaillant radicalisé sous surveillance, un frère en prison dans un dossier lié au jihadisme, un autre détenu « au profil vraiment inquiétant » et six autres personnes en garde à vue : que sait-on ce dimanche de l’enquête sur l’attentat d’Arras qui a coûté la vie à un enseignant et blessé trois autres personnes ?
La mise sous surveillance
Mohammed Mogouchkov, 20 ans, est né à Malgobek, dans la République russe à majorité musulmane d’Ingouchie, selon l’administration, et est arrivé en France en 2008.
Il n’avait aucun casier judiciaire mais était suivi « depuis la fin du mois de juillet », selon Gérald Darmanin, par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), grâce à des écoutes et des mesures de surveillance physique.
Cette surveillance a été mise en place « parce qu’il y a eu des liens » entre lui et son frère détenu, a expliqué samedi le ministre de l’Intérieur.
Neuf personnes toujours en garde à vue
Sur les onze personnes qui se trouvaient en garde à vue samedi, neuf l’étaient toujours dimanche, à la Sous-direction antiterroriste de la police judiciaire (Sdat) et à la DGSI.
Parmi elles, Mohammed Mogouchkov, deux frères de l’assaillant dont celui incarcéré, sa soeur née en 2005, sa mère, un de ses oncles et un détenu.
Deux garde à vue ont en revanche été levées : deux Biélorusses, « qui n’avaient rien à voir avec l’enquête », a appris l’AFP de sources policières.
Depuis son arrestation vendredi, Mohammed Mogouchkov « ne s’est pas exprimé », a précisé l’une de ces sources. Les gardes à vue peuvent durer jusqu’à 96 heures.
Les « motivations » de l’auteur « restent à définir », a estimé samedi Gérald Darmanin, alors qu’il affirmait vendredi sur TF1 qu’il y avait « sans doute » un lien avec les événements au Proche-Orient.
Un entourage au cœur de l’enquête
« Le père et le frère ont eu une influence déterminante, semble-t-il, dans le passage à l’acte », selon une source policière à l’AFP.
Le père de l’assaillant, fiché S et expulsé en 2018, « était tenant d’un islam radical », a expliqué le ministre de l’Intérieur.
Il se trouve « très probablement en Géorgie », a précisé dimanche une source policière.
Son frère aîné a été condamné à cinq ans d’emprisonnement, en 2023, pour ne pas avoir dénoncé un projet d’attentat aux abords de la présidence de la République, dont il avait connaissance. Il a ensuite été condamné pour apologie du terrorisme.
Le cas d’un autre détenu, également en garde à vue, interroge les enquêteurs. D’après Le Parisien, ce prisonnier radicalisé échangeait avec l’assaillant sur des réseaux sécurisés. Selon une source proche du dossier à l’AFP, Maxime C. a un « profil vraiment inquiétant ». Lors de ses détentions dans différentes prisons, il a été « constaté une influence auprès des codétenus ».
« Pas de failles » selon les autorités
Il n’y a « pas eu de faille des services de renseignements », a affirmé Gérald Darmanin. « Rien dans les éléments qu’on avait pu obtenir ne permettait de prédire que cet individu (…) pouvait passer à l’acte », a renchéri Élisabeth Borne dans La Tribune Dimanche.
Mohammed Mogouchkov a été contrôlé jeudi, la veille des faits, sans « qu’aucune infraction ne puisse lui être reprochée ».
Ce contrôle était destiné à vérifier « s’il n’avait pas des armes sur lui, mais aussi pour procéder à des techniques de renseignement plus intrusives et notamment accéder à son téléphone et aux messageries cryptées de son téléphone », selon Gérald Darmanin.
« Il a manqué sans doute quelques heures », pour permettre aux enquêteurs d’exploiter ces techniques, a-t-il précisé, ajoutant qu’il n’était toutefois « pas certain » que l’auteur parlait sur son téléphone avant son passage à l’acte.
Son profil « s’apparente donc à un individu radicalisé dont le potentiel est connu mais qui décide subitement de passer à l’acte, rendant difficile sa neutralisation », selon une source du renseignement.
« La seule chose dont nous avions connaissance sur cette personne, c’est lorsqu’il s’en est pris à sa maman. Il a connu une garde à vue pour violences intrafamiliales », selon le ministre de l’Intérieur.
L’assaillant ne pouvait légalement pas être expulsé, étant entré en France avant l’âge de 13 ans, a souligné Gérald Darmanin.
« Que pouvait-on faire de plus en l’occurrence ? Est-ce que ce qui est imprévisible doit être prévu ? », a lancé dimanche sur France Inter le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti.