Quoique définitivement tranché par les tribunaux maliens au bout d’une longue saga judiciaire, le bras de fer qu’entretiennent les deux principales sociétés de téléphonie et le Réseau des consommateurs de téléphonie n’a pour autant pas atteint son épilogue. En cause, une tournure nouvelle de l’exécution tant attendue du verdict voire un revirement spectaculaire dans le dénouement du litige. En lieu et place d’une saisie des comptes redoutée tant par les deux sociétés que par l’Etat malien, les protagonistes ne seront départagés finalement que sur le terrain de l’arbitrage. Tout prouve, en définitive, que ni les concurrents devenus des alliés de raison par leur communauté d’intérêt et d’infortune, ni l’Etat malien ne sont disposés à supporter les conséquences d’une application de la sentence dans la plénitude de sa rigueur. En effet, celle-ci implique un arrêt des deux réseaux de téléphonie – pour défaut de règlement d’une condamnation pécuniaire de plus de 170 milliards – et reviendrait, selon tous les observateurs avertis, à se tirer une balle dans le pied au regard de la place que les prestations de Moov et Orange occupent dans le quotidien des Maliens, le fonctionnement des administrations ainsi que dans l’économie malienne. Par-delà la forte dépendance des usagers ainsi que de l’administration de leurs services, l’écho des deux sociétés peut se juger notamment aux proportions d’emplois entretenus ainsi qu’à une contribution financière mesurable à leurs déclarations mensuelles aux impôts pour 10 milliards de nos francs.
Comme on le voit, il y a vraiment de quoi reconsidérer une exécution aux pieds de la lettre de la décision de justice par rapport à laquelle Orange et Moov semblent déjà rassurés. Plus de saisie de leurs comptes respectifs mais l’ouverture d’une négociation entre les deux entreprises et le Réseau des consommateurs avec l’intermédiation très peu désintéressée de la partie étatique. Il nous revient de bonne source, en effet, que l’une des deux exploitants téléphoniques a consenti au règlement de plusieurs années de ristournes par anticipation en contrepartie du sursis à exécution de l’arrêt de la Cour suprême, quoique cette décision de justice soit taxée de s’être fondée sur une expertise récusable.
Quoi qu’il en soit, la concession ainsi faite par l’Etat met en évidence le caractère mécanique d’un verdict plus inspiré de complaisance que de la sagesse qui commande une prise en compte de l’étendue de l’affaire et de la juste mesure de ses contours.
Quid par ailleurs de la posture de la principale partie plaignante, en l’occurrence le Réseau malien des consommateurs de téléphonie mobile ? Tout porte à croire qu’elle se range par résignation ou suivisme derrière l’option des autorités en place et qu’elle sacrifie la noble cause ayant prévalu à son action judiciaire sur l’autel de la soumission à un pouvoir qui n’a pas moins bénéficié, sous forme de perception des ristournes, des fruits de la surfacturation infligée aux usagers de la téléphonie et services connexes. Toutes choses qui expliquent, selon toute vraisemblance, l’indifférence de l’AMRTP à désagréments subis par les usages ainsi que l’impunité que cette structure de régulation accorde aux deux exploitants téléphoniques. Et dire qu’un règlement à l’amiable intervient sans recul des deux sociétés sur l’objet principal du litige : la facturation du répondeur.
A KEÏTA