Les avions de chasse français, qui par le passé sont souvent intervenus en appui au pouvoir tchadien, ont commencé à décoller mardi de N’Djamena, enclenchant un retrait historique de l’armée française du pays après la résiliation de l’accord de défense liant les deux pays.
Le départ des Mirage est la conséquence de l’annonce par le Tchad, le jour anniversaire de son indépendance le 28 novembre, de mettre fin aux accords de sécurité et de défense qui le liaient à la France.
« Prenant acte de cette décision (…) les armées françaises retirent ce jour la capacité chasse présente à N’Djamena », a déclaré mardi l’état-major des armées françaises dans un communiqué.
Deux Mirage 2000D accompagnés d’un avion ravitailleur ont décollé peu avant 12H30 GMT de la base aérienne de Kossei, a affirmé à l’AFP une source française proche du dossier. Le troisième et dernier appareil devait encore décoller, a-t-elle précisé.
« Les modalités du désengagement des autres capacités militaires françaises présentes au Tchad font l’objet de coordination avec les autorités tchadiennes », a indiqué l’état-major.
Des avions de combat français ont été stationnés au Tchad quasiment sans discontinuer depuis l’indépendance en 1960, servant à la formation et l’entraînement des militaires tchadiens.
Ils constituaient également un appui aérien qui s’est avéré primordial à plusieurs reprises pour stopper des avancées rebelles cherchant à s’emparer du pouvoir.
Le Tchad était un maillon clé de la présence militaire française en Afrique, constituant le dernier point d’ancrage de Paris au Sahel après les retraits forcés de ses troupes au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
L’état-major de l’armée tchadienne a confirmé dans un communiqué qu' »un début de retrait vient d’être effectué ce jour (…) par le départ d’une partie des avions de chasse » français.
« La présence de ce détachement ne se justifie plus » après la dénonciation de l’accord de défense par N’Djamena, a commenté une autre source française.
Aucun des deux pays n’a communiqué de calendrier précis de retrait du reste des moyens militaires.
– Interventions répétées –
Paris déployait jusque-là près de 1.000 personnels militaires sur trois emprises au Tchad – dont une majorité sur le camp Kossei.
Ce dispositif était toutefois amené à se réduire dans le cadre d’une reconfiguration de la présence militaire française au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Tchad pour laquelle l’envoyé personnel d’Emmanuel Macron en Afrique, Jean-Marie Bockel, avait été chargé de consulter les différents pays.
Par le passé, l’aviation française est intervenue en soutien de l’armée tchadienne, engagée au Tibesti à la fin des années 1960, contre des rebelles pro-libyens à la fin de la décennie suivante et dans les années 1980 (opérations Tacaud, Manta et Epervier).
Les Mirage étaient encore intervenus en 2006 et 2019. Cette fois-ci, le président Idriss Deby – père de l’actuel chef de l’Etat – avait demandé l’appui aérien des Français pour l’aider à stopper une colonne d’une cinquantaine de pick-up de rebelles de l’Union des forces de la résistance (UFR) qui descendait vers la capitale depuis la Libye.
Paris se servait aussi du détachement aérien au Tchad comme point d’appui dans la région: les Mirage sont intervenus en Centrafrique lors de l’opération Sangaris au milieu des années 2010 et surtout en appui des opérations Serval puis Barkhane au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
– « A couteaux tirés » –
Selon une des sources françaises proches du dossier, une première réunion bilatérale s’est tenue vendredi pour coordonner le retrait français.
« Ce n’est pas eux qui ont demandé à ce qu’on parte aussi rapidement, c’est nous qui voulons garder le contrôle sur le retrait », a-t-elle précisé.
La décision de N’Djamena de dénoncer l’accord de défense historique entre les deux pays a pris Paris de court, alors que l’influence d’autres puissances – notamment russe – se fait de plus en plus sentir dans la région sahélienne.
« Il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière et de redéfinir ses partenariats stratégiques selon ses priorités nationales », avait justifié le ministre des Affaires étrangères tchadien Abderaman Koulamallah fin novembre.
De son côté, le président Mahamat Deby Itno avait indiqué que cette rupture ne constituait « en aucun cas un rejet de la coopération internationale ni une remise en question de nos relations diplomatiques avec la France ».
Si les Tchadiens ont résilié l’accord de défense, « ils sont en train de se rendre compte de tout ce qu’ils sont en train de perdre », a estimé une des sources proches du dossier, évoquant des relations « à couteaux tirés » entre partisans du retrait et d’autres qui y étaient défavorables pour des raisons de sécurité nationale.