Les autorités à la tête du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont récemment élaboré un pacte de défense mutuelle, audacieusement intitulé Alliance des États du Sahel (AES), signé le 16 août 2023. Cette décision a laissé couler beaucoup d’encre et de salive dans la mesure où certains craignent qu’elle n’engendre plus de problèmes censés être résolus.
Coïncidence ou réelle volonté de mutualiser les efforts, l’Alliance des États du Sahel (AES) semble être une refonte du G5 Sahel, une alliance similaire formée en 2014. Cette initiative antérieure, soutenue par des partenaires internationaux, dont l’Union européenne, avait des objectifs quelque peu différents, principalement axés sur les enjeux régionaux des politiques de coopération et de développement. À l’opposé, l’AES aussitôt après sa création est en proie au scepticisme et à la critique.
La charte, qui oblige les pays membres à s’entraider, y compris une assistance militaire en cas de menace, reflète dans une certaine mesure les principes de l’OTAN. Mais la comparaison semble s’arrêter là. Contrairement à l’OTAN, qui dispose d’une force militaire considérable, l’AES risque d’avoir des difficultés pour faire respecter sa charte, compte tenu des capacités militaires déjà surchargées des pays qui la composent. L’absence notable d’un soutien international substantiel, un élément crucial du précédent G5 Sahel, laisse entrevoir l’isolement auquel ces pays sont confrontés au milieu des inquiétudes croissantes liées à la résurgence de la rébellion, du terrorisme et des interventions militaires.
Les développements récents mettent encore davantage en lumière l’instabilité croissante dans la région, avec des groupes armés intensifiant leurs attaques et mettant encore plus à rude épreuve les ressources limitées de ces pays. Par exemple, la ville de Léré, dans la région de Tombouctou a fait face, le dimanche 17 septembre, à une attaque meurtrière perpétrée par des éléments de l’ancienne rébellion qui semblent avoir repris du service. Quelques jours plus tôt, soit le 12 septembre, ils avaient perpétré la même attaque contre la localité de Bourem, dans la région de Gao, causant d’énormes dégâts. Cette situation témoigne de l’incapacité croissante des autorités à juguler les insurrections.
De son côté, le Burkina Faso a également connu une recrudescence de la violence depuis son coup d’État militaire perpétré il y a un an. Les attaques meurtrières ayant connu une augmentation stupéfiante de 40 % par rapport à l’année dernière. C’est le même cas pour le Niger où on déplore de plus en plus des attaques meurtrières récemment malgré les progrès constatés sous le régime renversé le 26 juillet dernier.
L’AES, une quête désespérée de légitimité et de soutien
C’est la raison pour laquelle d’aucuns craignent que cette nouvelle alliance ne concentre plus ses efforts sur la sécurisation du pouvoir plutôt qu’à rechercher des solutions durables aux troubles croissants que connaît la zone des trois frontières où sévissent toutes sortes de criminels, notamment les terroristes. Aux yeux de certains détracteurs, l’AES apparaît comme une quête désespérée de légitimité et de soutien au milieu d’un tourbillon de sanctions internationales et d’une insécurité croissante.
Pour renverser cette tendance, les dirigeants du Mali, du Burkina Faso et du Niger doivent donner des garanties en travaillant pour un avenir stable pour leurs nations. Ceci ne peut passer que par des actions fortes visant à promouvoir la paix et la stabilité régionales. La Communauté internationale, avant de mettre la main à la poche, va sûrement regarder cette situation avec méfiance et réserve en attendant de voir si cette alliance servira le bien commun ou renforcera simplement l’emprise de ces régimes issus de coups d’Etat.
Cheick B CISSE