Depuis 2020, on assiste à une série de coups d’Etat militaires dans de nombreux pays francophones d’Afrique qui déposent des « régimes démocratiques ». Deux au Mali et au Burkina-Faso, en moins d’un an. Un en Guinéeé-Konakry puis un autre au Niger. Idem au Gabon. Ainsi, après avoir fait le constat que les masses populaires adhèrent massivement à ces putschs, de nombreux chercheurs, intellectuels et politiques du continent noir, sont en train de multiplier la tenue de colloques, symposiums, séminaires ou débats politiques pour essayer de comprendre quelles en sont les véritables causes. Et proposer des alternatives démocratiques africaines au modèle occidental.
De nombreux chercheurs panafricains sont désormais à l’œuvre pour proposer aux pays d’Afrique, un modèle de gouvernance authentique. Pourquoi le système démocratique (en vigueur depuis trois décennies) n’arrive pas à empêcher les changements ani-constitutionnels en Afrique francophone. Est-ce que ce système est vraiment compatible avec les valeurs africaines ? Dans l’affirmative, quels aménagements constitutionnels faut-il apporter pour qu’il puisse se pérenniser ? Sinon, quels autres systèmes pour les pays d’Afrique subsaharienne et francophone ? Ce sont, entre autres, autant de questionnements non exhaustifs qu’ils se sont donnés comme équations à résoudre.
Ainsi, puisque les débats et les réflexions sur le système démocratique ne sont pas l’apanage des seules élites politiques, des chercheurs et intellectuels panafricains sont, aussi et fort heureusement, en train de jouer leur partition pour une meilleure compréhension du sujet (le système démocratique) afin de pouvoir y apporter des solutions idoines pour sa bonne marche. Où bien pourquoi ne pas proposer un autre modèle de Gouvernance que celui que l’on a reçu de l’ancien pays colonisateur ? Mais qu’est-ce donc le système démocratique ?
D’après Wikipédia, la démocratie représentative ou « démocratie indirecte » est une forme d’organisation où des élus prennent des décisions concernant un plus grand nombre de personnes qu’eux-mêmes. Cette démocratie représentative s’oppose à la « démocratie directe ». Où c’est l’ensemble des citoyens qui ont la possibilité de décider des lois sans passer par des élus. Dans la pratique, ces deux formes de démocratie peuvent cohabiter en paix, comme c’est le cas en Suisse. Des pays qui usent de l’une des deux formes de démocratie ou de l’une seule, sont considérés par le narratif occidental comme ceux qui sont gouvernés par le système démocratique.
Il est donc universellement admis en Occident que les pays qui usent de ces deux formes de démocraties (directe ou indirecte), sont régis par un système démocratique. Lequel est considéré par les pays occidentaux comme le meilleur des systèmes de gouvernance. Tant c‘est un système politique dans lequel la souveraineté est attribuée aux citoyens qui l’exercent de façon indirecte ou directe. En d’autres termes, ce sont les citoyens qui adoptent eux-mêmes directement (par référendum) ou indirectement (à travers le vote des élus) les lois et décisions importantes mais aussi qui choisissent les agents d’exécution, généralement révocables.
Théoriquement, l’ensemble des pays francophones d’Afrique sont censés être gouvernés par le système démocratique. Mais pourquoi donc ce mode de gouvernance, encensé par l’ensemble des pays occidentaux, semble connaître ses limites lorsqu’il s’agit de l’Afrique francophone ? Est-ce parce que c’est un concept occidental qui est imposé de l’extérieur à l’Afrique par les anciens colonisateurs ?
D’après le Chercheur Pierre Jacquemot, « le système démocratique est un modèle imposé par l’Occident à la fin de la période coloniale. Lors de la décolonisation, le pays colonisateur a imposé aux anciens territoires français, l’instauration d’un système de pouvoir électif avec un multipartisme ». Ce qui n’est pas faux, car la plupart des pères de l’indépendance africaine ont été élus par la voie des urnes. Mais très vite, les dirigeants de la quasi-totalité de ces Etats nouvellement indépendants ont amendé leur Constitution (qui ressemblait à la lettre à celle de la Ve République Française), en abrogeant le multipartisme au profit du Parti unique. Alors que le Continent noir avait pourtant inventé depuis des siècles ses propres traditions et modèles démocratiques qui ne recourent pas forcément aux élections.
C’est le cas de l’empire du Mali, au XIIIe siècle, avec la Charte du « Kouroukan Fuga », une véritable Constitution non écrite, approuvé par l’ensemble des Rois et Chefs coutumiers de l’empire dirigé par Soundiata Keïta. Cette Charte du Mandé n’est-elle pas l’ancêtre de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ? Pourquoi ne pas procéder à la synthèse du système démocratique importé de l’Europe et celui qui a toujours existé dans nos pays, notamment depuis le temps des empires ?
Ce point de vue est désormais partagé par de nombreux chercheurs africains. Qui estiment que le Continent noir doit désormais expérimenter un autre modèle de gouvernance (le sien) qui tient compte de nos valeurs traditionnelles. D’autant que, chaque cinq ans, des élections budgétivores ont lieu alors que les résultats sont toujours controversés et sources de crises sociopolitiques. Lesquelles finissent par occasionner, comme au Mali, à la prise du pouvoir par les militaires. Cependant, d’autres Chercheurs estiment que l’on pourrait expérimenter en Afrique l’addition du système de démocratie directe avec celui de la démocratie indirecte. Cela, en tenant compte de nos valeurs traditionnelles, comme dans certains pays d’Asie. Le débat est plus que jamais ouvert !
Gaoussou Madani Traoré