Respecté dans la puissante tribu zouloue, Mangosuthu Buthelezi, chef historique du parti Inkatha à l’origine des violences les plus marquantes en Afrique du Sud avant les premières élections multiraciales en 1994, est mort samedi à l’âge de 95 ans.
« C’est avec une profonde tristesse que j’annonce le décès du prince Mangosuthu Buthelezi, Premier ministre traditionnel du roi et de la nation zoulous, fondateur et président émérite du parti Inkatha », a déclaré le président sud-africain Cyril Ramaphosa dans un communiqué.
« Il est décédé aux premières heures du jour, deux semaines seulement après son 95e anniversaire », a précisé le chef de l’Etat, saluant un « formidable dirigeant qui a joué un rôle important dans l’histoire de notre pays pendant sept décennies ».
« Il est entré paisiblement, à l’aube, dans l’éternité », a confirmé la famille dans un communiqué, « sa disparition touchera profondément un grand nombre de personnes ». Hospitalisé pendant près d’un mois, Mangosuthu Buthelezi était rentré chez lui en pays zoulou (KwaZulu-Natal, sud-est) la semaine dernière. Les détails sur les funérailles doivent encore être annoncés.
Né en août 1928 au sein de la famille royale zouloue, Mangosuthu Gatsha Buthelezi a longtemps été l’incarnation de l’esprit fier et guerrier de la plus grande ethnie du pays. Membre du parti historique au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), il a ensuite créé le parti nationaliste Inkatha Freedom (IFP) en 1975, initialement envisagé comme une organisation culturelle zouloue.
La rivalité entre les deux partis sera sanglante: le parti Inkatha, qu’il dirige d’une main de fer pendant plus de quarante ans, mène des guerres territoriales avec les militants de l’ANC dans les townships à majorité noire des années 1980 et 1990. Les violences font des milliers de morts.
Héritage controversé
Orateur charismatique en dépit d’un fort bégaiement, le chef zoulou questionne les stratégies anti-apartheid de l’ANC et considère que Nelson Mandela alors en prison affaiblit les positions noires.
Buthelezi est accusé d’avoir de cette façon joué le jeu du pouvoir blanc en incitant, juste avant les élections historiques de 1994, les violences contre l’ANC qui auraient pu faire dérailler le mouvement de libération contre l’apartheid.
Mangosuthu Buthelezi a toujours farouchement nié avoir collaboré ou été un allié du régime blanc. Et malgré les controverses, il a mené une carrière politique à la longévité remarquable, traversant l’apartheid et l’avènement de la démocratie.
Premier ministre du « bantoustan » du KZN – ces entités territoriales pseudo « indépendantes » assignées aux noirs sous l’apartheid, il a été élu député en 1994 et occupé le poste de ministre de l’Intérieur dans le gouvernement d’unité nationale de Mandela.
« Nous sommes dévastés par cette perte indescriptible pour l’IFP, la nation zouloue, notre pays », a déploré le parti Inkatha dans un communiqué.
Le premier parti d’opposition (DA, Alliance démocratique) a souligné la perte d »un grand dirigeant » tandis que le parti radical de gauche (EFF, Combattants de la liberté économique) a souligné sur X (ex-Twitter) que l’héritage de Buthelezi « sera encore sujet à débat sur le terrain politique sud-africain dans les années à venir ».
Silhouette élancée, Buthelezi se couvrait de peaux de léopard pour mener des défilés de militants Inkhata, portant boucliers et lances, dans ses bastions de Johannesburg ou Durban.
Son parti a perdu beaucoup d’influence au fil du temps, entre querelles autour de sa direction et besoin de sang neuf. En 2019, à 90 ans, Buthelezi avait annoncé ne pas se représenter à sa propre succession.
Au début des années 2020, le nonagénaire a été le porte-parole du roi coutumier zoulou. Il a joué un rôle central dans l’installation de l’actuel roi. Misuzulu kaZwelithini a été couronné l’an dernier après une féroce bataille au sein de la famille royale pour la succession au trône.
AFP