Des milliers de Zoulous en deuil ont commencé à affluer samedi matin vers Ulundi, dans le sud-est de l’Afrique du Sud, pour les funérailles nationales d’une figure redoutée mais parmi les plus influentes de la puissante ethnie: Mangosuthu Buthelezi, fondateur du parti nationaliste Inkatha.
Né en août 1928 au sein de la famille royale zouloue, Mangosuthu Gatsha Buthelezi est mort le week-end dernier chez lui, dans le KwaZulu-Natal, à l’âge de 95 ans. A l’origine d’une guerre fratricide avec l’ANC de Nelson Mandela pendant la période trouble précédant la chute de l’apartheid, il incarnait pour certains le fier esprit zoulou, pour d’autres, il ressemblait dangereusement à un chef de guerre.
Vêtus de peaux de bêtes, d’imposantes rangées de guerriers « amabutho », traditionnellement voués à la protection de la famille royale, ont brandi samedi lances et boucliers aux abords du stade d’Ulundi, où la cérémonie d’hommage a lieu. La veille, ces hommes ont mené le cortège accompagnant la dépouille du chef zoulou de la morgue vers la demeure familiale.
Bonga Makhoba, 31 ans, a parcouru 150 km et passé la nuit dans sa voiture pour être présent: « Il nous traitait tous, en tant que Zoulous, comme membres d’une seule famille. C’est pour ça que je suis là », a-t-il expliqué à l’AFP. « Il a mon respect et il peut reposer en paix ».
Le président Cyril Ramaphosa, sur place en milieu de matinée, prononcera l’éloge funèbre. Les drapeaux ont été mis en berne cette semaine dans tout le pays.
Depuis déjà plusieurs jours, des files se sont succédé autour de la maison du défunt pour des prières publiques. Certains étaient enveloppés dans des drapeaux de l’Inkatha Freedom Party (IFP), d’autres ont brandi des fanions à l’effigie du défunt.
La famille a appelé les quelque 11 millions de membres de l’ethnie – la plus nombreuse du pays – à venir se recueillir.
– Figure méprisée ou héros –
Au départ membre du parti historique au pouvoir, le Congrès national africain (ANC), Mangosuthu Buthelezi crée le parti Inkatha en 1975. Initialement envisagé comme une organisation culturelle zouloue, le mouvement qu’il dirige d’une main de fer pendant plus de quarante ans ne tarde toutefois pas à entrer dans une rivalité sanglante avec l’ANC.
L’IFP mène au cours des années 1980-1990 des guerres territoriales avec les militants du parti de Mandela dans les townships à majorité noire: les violences, décrites comme les plus marquantes dans le pays avant les premières élections multiraciales en 1994, font des milliers de morts.
Orateur charismatique en dépit d’un fort bégaiement, le chef zoulou questionne les stratégies anti-apartheid de l’ANC et considère que Nelson Mandela, alors en prison, affaiblit les positions noires.
Buthelezi est accusé d’avoir mis en danger le mouvement de libération contre le régime raciste de l’apartheid et d’avoir joué le jeu du pouvoir blanc, ce qu’il a toujours nié. Malgré les controverses, il a mené une longue carrière politique, traversant l’apartheid et l’avènement de la démocratie.
Premier ministre du « bantoustan » zoulou – une des entités territoriales pseudo « indépendantes » assignées aux noirs sous l’apartheid -, il est élu député en 1994 et nommé ministre de l’Intérieur dans le gouvernement d’unité nationale de Mandela.
Pour certains, son héritage restera un sujet de débat dans le futur.
Sa tombe devrait porter l’épitaphe « collaborateur en chef de l’apartheid », a ainsi estimé le rédacteur en chef du journal sud-africain City Press, Mondli Makhanya.
Le Sowetan, fondé par l’ANC pendant la lutte contre le régime blanc, a évoqué un homme qui « restera une figure méprisée » pour certains et « un héros » pour d’autres.
La fondation qui porte le nom du chef zoulou a déploré « une méchanceté innommable » et la perpétuation de « vieux mensonges »