Outre les hommes politiques, la société civile, les religieux dont certains sont opposés, auront leur mot à dire dans l’adoption ou non du projet de nouvelle constitution. Ce sera un test grandeur nature pour les militaires avant l’élection présidentielle prochaine, prévue début 2024.
Le 20 mars 2023, le Président de la Transition au Mali, colonel Assimi Goïta, après avoir validé le projet de nouvelle constitution du Mali, la présenté aux forces vives de la nation. Le chef de l’Etat, en a profité pour expliquer à ses invités les tenants et les aboutissants de la nouvelle Constitution qui sera soumis bientôt au vote des Maliens.
Dans le milieu politique comme religieux, le projet de Constitution divise. Il ne rassemble pas nos compatriotes. Si dans la sphère politique, l’on est habitué à ce genre de tiraillements entre personnalités politiques, dans le milieu religieux, c’est une première en tout cas officiellement que des leaders ou regroupements religieux « s’affrontent » à visage découvert, une situation qui doit inquiéter.
La Ligue malienne des imams et savants pour la solidarité islamique (Limama), fait partie des regroupements religieux qui ont rejeté le document. Selon ce regroupement, la « ligue s’oppose à la notion de laïcité dans le texte et exige qu’elle soit remplacée par l’expression Etat multiconfessionnel ».
Si cela n’est pas fait, la Limama a appelé « tous les musulmans patriotes, à voter contre le projet de Constitution dans sa forme actuelle lors du référendum », a déclaré Bayela Amadou Ba, secrétaire administratif du bureau de la Limama. Pour l’imam Ba, « La laïcité, dont la définition est à géométrie variable, est un artifice que les gouvernants utilisent à leur guise pour verrouiller les religions », a-t-il expliqué, à notre confrère d’Africanews.
Pourtant c’est ce regroupement des imams du Mali, qu’a reçu le Chef du Gouvernement, le 31 janvier 2022, et qui avait exprimé son soutien indéfectible aux autorités de la transition. « Nous vous soutenons à 100% dans toutes vos décisions », avait affirmé leur porte-parole.
Autre regroupement proche d’un autre imam qui rejette la nouvelle Constitution, est bien la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam (CMAS). Dans plusieurs de ses récentes sorties médiatiques ou lors des rencontres, la CMAS n’est pas parti par quatre chemins pour exiger du chef de l’Etat de « sursoir à l’élaboration de la nouvelle charte fondamentale malienne ». Pour démontrer leur détermination, la CMAS a boycotté la rencontre initiée par le ministère de l’Administration territoriale, destinée à débattre de l’organisation du scrutin référendaire, c’était en début d’année.
Youssouf Daba Diawara, président de la CMAS, dans ses argumentaires note « qu’aucune disposition du droit ne donne à un président non élu la compétence pour prendre l’initiative de l’élaboration d’une nouvelle Constitution et de la faire aboutir par voie de référendum ».
Et d’ajouter que « les causes et la source de la pérennisation de mauvaises élections, de la mauvaise gouvernance, de l’impunité, du népotisme, de l’insécurité et du délitement de l’État » se trouveraient ailleurs que dans la Constitution du 25 février 1992.
Pendant ce temps, d’autres personnalités religieuses sont sortis de leur silence pour dégager leur position. Parmi eux, figurent Ousmane Cherif Haidara, connu pour son franc parlé, le patron du Mouvement Ançardine international, depuis Paris où il a reçu une copie du projet de la Constitution a déclaré « J’exprime mon soutien total au projet de constitution ». Faut-il préciser que Ousmane Cherif s’est exprimé en faveur du projet de constitution en son seul nom et non en sa qualité du président du Haut Conseil islamique (HCI). Autrement dit, le HCI ne s’est jusque-là pas prononcé sur le texte parce que certainement il y a divergence de vue sur la question au sein du bureau. Haidara a sûrement compris que pour un sujet aussi sensible, prendre le risque d’engager le HCI serait de nature à créer un climat délétère au sein de son organisation.
Autre grand soutien de la transition, le Cherif de Nioro. Ce dernier, selon certaines informations, aurait donné son quitus pour le projet de nouvelle constitution. Le leader spirituel des hamallistes aurait d’ores et déjà donné aux autorités du pays son adhésion sans faille au projet de Constitution. Pour lui, la question de laïcité ne saurait causer de problème.
Les Mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la Réconciliation au Mali (la CMA, la Plateforme des Mouvements du 14 juin 2924 d’Alger et une partie des mouvements de l’exclusivité tous regroupés au sein du CSP-PSD disent prendre acte de la validation du projet de nouvelle Constitution et disent ne pas se reconnaitre dans le projet de constitution. Pour le CSP-GSP, accuse le gouvernement de faire volte-face, car il avait pris l’engagement de veiller à la prise en charge intégrale de l’Accord dans la nouvelle Constitution.
Qui des 4 grands religieux ou organisation religieux pèsera dans la balance pour l’adoption ou le rejet du projet de nouvelle constitution ? Le match se jouera entre l’appel au « nom » de l’imam Mahmoud Dicko, grand mobilisateur, et du bureau des imams du Mali, et l’appel au « oui »le président d’Ançardine international, Ousmane Cherif Haidara et le Cherif de Nioro.