La grave crise que traverse aujourd’hui l’école malienne a dépassé toutes les limites imaginables. Elle a battu tous les records de négligence, de manque de vision et d’irresponsabilité. La qualité et le sérieux qui caractérisaient cette institution il y a 30 ans se sont mués en indolence, en pilotage à vue, en insouciance et en incertitude.
Entre syndicats d’enseignants et autorités gouvernementales s’est creusé l’immense fossé de la méfiance et de la discorde. Les élèves et leurs parents continuent à broyer le noir dans la précarité la plus totale.
Les salles de classe au public sont dans un état de délabrement très avancé. Elles sont recouvertes de vieilles tôles, usées, rapetassées et soudées en mille endroits. Dans certaines localités, les élèves sont assis à même le sol faute de table-bancs avec une pléthore indescriptible. En période hivernale, l’eau de pluie envahit les classes via les toits fracturés, par les fenêtres dépourvues de fermeture, ou fissurées. Les cours des écoles deviennent des marigots géants. Pour les traverser, à défaut d’être dans une pirogue, vous rentrez dans l’eau jusqu’aux genoux ou vous y jetez des briques en ciment ou des cailloux sur lesquels vous vous débrouillez pour atteindre l’autre rive.
L’électricité est un luxe dans la quasi-totalité des bâtiments d’apprentissage au Mali. Avant, les écoles privées catholiques étaient dotées de courant électrique parce que leurs élèves y travaillaient le soir de 18H à 20H sous la surveillance d’un professeur.
Il est inutile de parler de l’usage des ventilateurs en période de chaleur puisqu’ils n’existent pas.
Dans les écoles mixtes, les toilettes des garçons et des filles se confondent. Elles sont mal entretenues, dégueulasses, totalement délabrées. Le plus souvent elles dégagent une odeur nauséabonde qui se répand dans toute la cour et au-delà.
Les murs de clôture s’ils existent, sont troués, fissurés et tiennent lieu de palace aux élèves récalcitrants qui s’y retrouvent pour causer même pendant les heures de cours.
Les cours de récréation et les devantures des écoles sont prises d’assaut par les vendeuses de friandises, de brochettes, de sandwichs et autres petits plats et fruits. Elles vendent leurs aliments sans l’observation stricte des mesures élémentaires d’hygiène appropriées au nez et à la barbe des autorités scolaires. Apprenants et enseignants se délectent de ces mets avec appétit.
On a parlé des effectifs pléthoriques. Oui dans les classes à l’école publique plus de cent élèves peuvent se retrouver dans une salle. Pour y faire quoi ? Ils sont 05 ou 06 sur un table-banc confectionné pour deux.
S’il y a un léger mieux dans les établissements privés qui poussent un peu partout comme des champignons, la descente aux enfers continue pour le public.
Au privé, les bâtiments sont beaux, spacieux et bien entretenus. Cependant la qualité de l’enseignement qui y est dispensé, n’est pas la chose la mieux partagée. La cupidité, le favoritisme s’y sont enracinés.
Pour de l’argent et pour faire valoir et préserver la notoriété de leurs écoles, les promoteurs « fabriquent » les résultats. Ils sont prêts à tout pour que leurs élèves ne redoublent pas les classes et qu’ils passent aux différents examens par tous les moyens.
Au public, c’est le laisser-aller chez les enseignants et leurs apprenants. L’absentéisme, les retards chroniques, l’indolence, la course effrénée vers l’argent facile se sont érigés en règles de conduite.
En général dans les deux types d’écoles, au fondamental, au secondaire et à l’université, les relations intimes coupables entre filles et professeurs sont devenues monnaie courante. Les notes sexuellement et monétairement transmissibles ont valablement remplacé le goût de l’effort personnel.
Maîtres et disciples sont devenus copains au point de partager le même grin.
Le Ministre de l’Education Nationale et celui de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique sont fortement interpellés. Les maliens sollicitent qu’il leur plaise d’abandonner leur bureau de temps en temps pour aller visiter leurs écoles à Bamako et à l’intérieur. Ils seront surpris. Comment comprendre le silence et la négligence des parents d’élèves, des enseignants et des plus hautes autorités dans un pays où des milliards sont détournés à longueur de journée en toute impunité pendant que des enfants maliens étudient dans des conditions exécrables ?
La plupart de nos écoles sont devenues des taudis, des quartiers généraux de la violence, de la délinquance et de l’injustice.
Allons-nous continuer à assister à l’agonie de nos établissements scolaires et universitaires sans rien faire ? Quel avenir pour nos enfants et pour le Mali ? Le temps est venu de prendre le taureau par les cornes pour redonner à l’école malienne son prestige d’antan.
Le Baron