Période du 1er au 31 mars 2023
Date du rapport : 11 avril 2023
La Mission d’observation des élections au Mali (MODELE Mali) a déployé ses 75 observateurs/observatrices à long terme pour suivre les étapes préparatoires du Référendum constitutionnel, dont la date, suite au report du scrutin prévu le 19 mars 2023, n’a pas été encore annoncée.
Les observateurs ont suivi, au cours du mois de mars et au niveau local, les activités ayant un impact sur le processus électoral ; à savoir la mise en place des coordinations de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE), la mise à jour des données pour les cartes nationales d’identité biométriques et les réactions autour du projet de constitution.
Le présent rapport est bati autour de la synthèse générale, des remarques spécifiques et des recommandations.
- La synthèse générale
Le contexte est marqué par les consultations entre les parties prenantes pour l’installation des membres des coordinations de l’AIGE au niveau des régions, cercles et communes ainsi que des ambassades et consulats ; le processsus de mise à jour des données pour la carte nationale d’identité biométrique et les discussions autour du projet de Constitution.
Conformément à la lettre n°0057/MATD-SG du 22 mars 2023, les partis politiques et la société civile sont en train de désigner leurs représentants devant siéger dans les coordinations locales de l’AIGE. Le tirage au sort est le mode majoritaire de désignation sur le terrain.
Les travaux de mise à jour des données pour l’obtention des cartes nationales d’identité biométriques se déroulent dans les localités observées par laMODELE Mali , excepté Kidal. Cependant, les demandeurs éprouvent des difficultés pour accéder aux services à cause du nombre réduit des lieux d’enrôlement et le manque d’agents pour prendre suffisamment en charge les demandes de plus en plus croissantes. Le matériel d’enrôlement reste également un défi pour les autorités.
Le projet de constitution est accueilli favorablement dans la plupart des régions, notamment à Kayes, Koulikoro, Sikasso, Mopti et Tombouctou, par les leaders religieux et les légitimités traditionnelles même si certains aspects font toujours débat, tel que le concept de laïcité.
Sur le plan politique et en l’absence d’un nouveau calendrier électoral, les acteurs mènent peu d’activités de sensibilisation et de mobilisation sociale en vue d’une participation massive aux élections de fin de transition. La modification de la loi électorale et le projet de Constitution ne font pas encore l’objet d’une vulgarisation à grande échelle auprès des populations.
Enfin, la situation sécuritaire continue à être précaire dans les régions du centre et du nord du pays, notamment à Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao. Dans la région de Sikasso, une délégation comprenant des chefs de services régionaux et une équipe de reportage de l’ORTM a été attaquée, le 4 mars 2023, entre Loulouni et Sikasso. Aucune perte en vie humaine n’est à déplorer mais les occupants ont été dépossédés de leurs biens. Dans la région de Ségou, le commissariat de police du 2ème arrondissement a fait l’objet d’une attaque, dans la nuit du 14 mars 2023, par des personnes non identifiées, entrainant des dégâts matériels du côté de la police et des blessés légers. Il n’y a pas eu de perte en vie humaine.
De l’avis général des populations des localités observées, les forces de défense et de sécurité devraient fournir des efforts supplémentaires en vue d’assurer la sécurisation des prochaines élections et, de manière plus globale, parvenir à la sécurisation des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national.
Enfin, la MODELE Mali a observé la tenue à Mopti, le 17 mars 2023, de la cérémonie nationale de lancement du Document de la Stratégie de Stabilisation des Régions du Centre du Mali sous la présidence du Premier ministre, Dr Choguel Kokalla MAIGA.
Les remarques spécifiques
2.1. Concernant la mise en place des coordinations de l’AIGE :
L’installation des coordinations de l’AIGE a démarré timidement dans l’ensemble des localités observées. La lenteur est très souvent due aux désaccords entre l’administration, les partis politiques et la société civile, en raison des modalités de désignation des membres. Après cette étape, la question du siège des coordinations de l’AIGE ainsi que celle de la formation des membres apparaîssent comme les prochains défis à relever.
Toutes ces étapes concernant l’installation et l’opérationnalisation des membres des coordinations de l’AIGE, au niveau local comme à l’extérieur du pays, auront un impact sur la date du scrutin référendaire.
Dans la région de Kayes, les membres des coordinations de l’AIGE ont été désignés dans les localités de Kayes, Yélimané et Bafoulabé.
Dans la région de Koulikoro, les membres des localités de Kati, Banamba, Dioïla, Kangaba et la commune de Koulikoro n’ont pas encore été désignés.
Dans la région de Nara, les membres des coordinations de l’AIGE (région, cercle, commune) ont été partiellement désignés.
Dans la région de Ségou, les membres ont été désignés dans 7 localités sur 13 observées : Niono, Molodo, Diabaly, N’Debougou, San, Tene et Oulon. Les désignations n’ont pas été faites pour les localités de Ségou, Macina, Baraouéli, Bla, Sy et Tominian, faute d’accord sur les critères.
Dans la région de Sikasso, l’administration a donné les explications nécessaires aux partis politiques et à la société civile, en leur demandant surtout de travailler à la recherche du consensus pour la désignation de leurs représentants. Dans le cercle de Sikasso, le représentant de la société civile a été choisi par consensus. Quant aux représentants des partis politiques, leur désignation a été faite par tirage au sort, faute de consensus.
Dans les régions de Mopti, Gao et Kidal, les membres des coordinations de l’AIGE ne sont pas encore désignés.
Dans la région de Tombouctou, les partis politiques et la société civile ont désigné leurs représentants dans 9 des 13 cercles et 36 communes sur les 52.
Sur la rive gauche du district de Bamako, les membres des coordinations de l’AIGE ne sont pas encore désignés. Sur la rive droite, les partis politiques et la société civile ont désigné leurs représentants.
2.2 Concernant les opérations de mise à jour des données biométriques :
Dans l’ensemble des localités observées, les mises à jour se font dans les locaux des commissariats de police et des brigades de gendarmerie qui sont basés au niveau des chefs-lieux de cercle. Les difficultés signalées concernent le manque d’information fiable sur les lieux d’enrôlement ; l’insuffisance de matériel et de personnel pour faire l’enrôlement et l’accès difficile pour les populations des communes éloignées des chefs-lieux de cercles. Les populations se rendent nuitamment dans les lieux d’enrôlement (entre 3h et 4h du matin), sans toutefois parvenir à se faire enrôler.
La lenteur des opérations de mise à jour des données nécessaires à l’obtention de la carte nationale d’identité biométrique et les difficultés rencontrées par les citoyennes et citoyens dans leurs démarches auront également un impact sur la date du scrutin référendaire. Pour rappel, la carte nationale d’identité biométrique est obligatoire, suivant l’article 71 (nouveau) de la loi électorale, pour voter et environ 8 millions d’électeurs sont en attente de ce document.
Dans la région de Tombouctou, suivant les données remontées par nos observateurs à la date du 31 mars 2023, environ 30 732 personnes ont pu mettre à jour leurs informations biométriques.
Dans la région de Kidal, les travaux de mise à jour des cartes biométriques n’ont pas encore demarré.
2.3. Concernant le projet de Constitution :
Le projet de Constitution continue d’alimenter les débats publics.
Le Président de la Transition a présenté, le lundi 20 mars 2023 au palais présidentiel de Koulouba, le projet de Constitution aux forces vives de la nation : société civile, partis politiques, autorités et légitimités traditionnelles, forces armées et de sécurité, leaders religieux, gouverneurs, etc. Il a invité les uns et les autres à s’approprier le projet de Constitution et à le vulgariser.
Le gouvernement, pour sa part, a pris le décret n°2023-0208/PM-RM du 28 mars 2023, instituant le Comité de pilotage pour la vulgarisation du projet de Constitution.
La MODELE Mali a noté que le Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA PASJ) s’est clairement pronconcé en faveur du projet. Cependant, le cadre de concertations des partis politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel, la Cmas, le Parena, l’Appel du 20 février 2023 et le M5RFP Mali Koura demandent l’abandon de la réforme constitutionnelle par le Président de la Transition.
Dans la région de Bougouni, les légitimités traditionnelles et les religieux approuvent la nouvelle constitution et critiquent ceux qui s’opposent à la laïcité par incompréhension. Elles estiment que la laïcité permet aux populations le mieux vivre ensemble et la cohésion sociale.
Dans la région de Kidal, le projet de Constitution divise les leaders des différentes communautés et/ou mouvements. Le Conseil Supérieur des Imgad et Alliés (CSIA), à travers un communiqué en date du 31 mars 2023, affirme son adhésion au projet. Par contre, le Cadre stratégique permanant pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), dans un communiqué en date du 28 mars 2023, marque son rejet du projet.
Les recommandations
En vue de respecter les délais de fin de transition et aboutir à des élections libres, transparentes et équitables, la MODELE Mali formule les recommandations suivantes :
- Aux Autorités de la transition :
- La sécurisation renforcée des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national ;
- L’amélioration du processus de mise à jour des données pour la carte nationale d’identité biométrique en prenant notamment les mesures suivantes :
- la multiplication des équipes d’enrôlement et de validation, renforcées par des équipes mobiles ;
- la mise à disposition de tablettes de bonne qualité et de formulaires d’enrôlement en quantité suffisante ; et
- la pérennisation du dispositif d’enrôlement et de mise à jour.
- La large vulgarisation du contenu du projet de Constitution dans toutes les langues nationales.
- A l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE) :
- La publication d’un calendrier électoral réaliste pour le retour à l’ordre constitutionnel et d’un chronogramme détaillé pour la tenue du référendum constitutionnel ;
- L’accélération du processus d’installation et d’opérationnalisation de ses coordinations dans les régions, cercles, communes, ambassades et consulats, conformément aux articles 22, 23 et 24 (nouveau) de la Loi électorale en vigueur ;
- La supervision des opérations d’enrôlement, de validation, d’impression et de remise des cartes nationales d’identité biométriques devant servir de cartes d’électeurs ;
- La mise en place dans les meilleurs délais du processus d’accréditation des observateurs tel que prévu à l’article 39 de la Loi électorale. Par ailleurs, il serait utile que le président de l’AIGE précise l’étendue des attributions des observateurs en mentionnant leur présence à toutes les étapes du processus électoral ; y compris aux différents niveaux de centralisation des résultats provisoires et définitifs.
Bamako, le 11 avril 2023
La Mission d’Observation Des Élections au Mali – MODELE Mali est le dispositif d’observation électorale mis en place par la Synergie 22, comprenant 43 organisations de la société civile malienne, composée de : l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali – OBSERVATOIRE, l’Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie (AJCAD), DONIBLOG (la communauté des Bloggeurs du Mali), Droits de l’Homme au Quotidien (DHQ) et Tuwindi.
Contact Presse
Dr Ibrahima SANGHO, Chef de mission MODELE Mali
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