Au Mali, les complications liées à l’égalité de traitement en matière de la succession entre hommes et femmes après le décès de l’un des deux conjoints sont d’ordre judiciaire, religieux et même traditionnel. Ni la loi, ni les religions, ni la tradition n’ont tranché pour de bon le virulent litige d’égalité en héritage entre l’homme et la femme. Selon les dispositifs de la loi, certaines femmes veuves peuvent prétendre aux avantages de l’héritage pendant que cette possibilité ne s’offre pas à d’autres. Il s’agit de là donc des femmes dont les mariages sont célèbrés à la mairie qui sortent plus victorieuses dans cette course folle à l’accès à l’héritage que celles dont les mariages ne sont célèbrés que dans les églises, les mosquées ou de façon traditionnelle. Il nous a été donné dans un pourcentage qu’au Mali, sur 100 femmes mariées, 20 femmes ont été présentées devant un officier d’État civil et les 80 autres femmes sont réparties entre le mariage religieux et le mariage traditionnel même si l’adoption en 2011 du code des personnes et de la famille a prévu d’ajouter une valeur juridique aux mariages non civils. Mais à quand ?
Cependant, dans la plupart des cas, ce sont les femmes veuves qui sont privées de leurs droits. La législation doit créer et soutenir des mécanismes d’application et de surveillance, comme des unités de police, afin d’aider les femmes notamment les femmes veuves à faire valoir leurs droits en matière d’héritage. Cette situation injuste, humiliante et inhumaine à l’encontre des veuves nous a touchés le cœur d’aller à la recherche de certaines victimes jetées dans leur sort. Bon nombre de mariage au Mali se fonde sur les connaissances, les liens de parenté, et toute autre opinion. Sur cette union conjugale est fondé l’espoir des uns et des autres. L’homme est pour sa femme une protection, c’est-à-dire que la femme est sous le contrôle et la surveillance de son conjoint aussi longtemps que durera leur union. L’espoir de la femme fane et se dissipe après le décès de son époux surtout si elle se trouve dans un mariage autre que le mariage civil. Il est beaucoup plus fréquent au Mali pour les femmes qui ont perdu leur conjoint d’observer 4 mois à la maison à la mémoire de leur défunt mari. Sous l’emprise de pression de la belle-famille à l’égard de ces femmes, certaines d’entre elles n’arrivent même pas à faire deux jours dans la famille sans être l’objet d’insultes de tout genre et des invectives. Si certaines femmes supportent ces maltraitances pour rester dans le cocon familial, d’autres, au contraire, n’en peuvent tenir et jettent l’éponge. On rencontre souvent ces femmes-là errer dans les rues comme une bête égarée. Pourquoi errent-elles dans les rues? Parce qu’elles ont été purement et simplement chassées de leur famille. Pour en savoir davantage, voici le témoignage de 3 femmes que nous avons rapprochées. Toutes ces femmes interviewées ont voulu que leur identité reste dans l’ombre.
À notre première approche, il s’agit d’une femme veuve âgée de plus de 50 ans. Elle s’appelle sous l’anonymat A Dicko. Mère de 5 garçons, A D vit dans la grande famille de son défunt mari dans une petite pièce avec ses enfants dont le premier garçon a presque 25 ans. Elle dit avoir perdu son mari il y a dix ans. 《 Mon mari n’était pas aussi riche, il vivait à l’abri du besoin. Nos enfants mangeaient à leur faim et étaient tous dans les écoles privées 》, nous raconte-t-elle avant d’ajouter qu’elle a fini par transférer tous ses enfants à l’école publique par faute de moyen. 《 On ne trouve même plus à manger trois fois par jour à plus forte raison payer les frais de scolarité de mes enfants. La famille de mon feu époux s’est débarrassée de moi et de mes 5 enfants tout en me traitant d’une femme 《 porteuse de malheur 》, renchérit-elle.
Quant à la seconde femme veuve, elle répond à l’identité de M Doumbia. Elle est mère de 2 garçons et de 3 filles. Madame M DOUMBIA vit à Bamako Zerni. Si l’article 801 du nouveau code des personnes et de la famille protége l’habitat de la femme après le décès de son mari, Madame M DOUMBIA se trouvant déjà sous l’épée de Damaclès doute fort de l’application et des compétences dudit article. D’après ce qu’elle nous a raconté, elle a perdu son conjoint en 2021. 《 Tout ce que mon mari nous a laissé est une maison en construction. Je vis aux crochets de mes frères, sans eux je ne savais pas comment vivre. Les frères de mon mari m’ont averti que je suis dans cette maison avant qu’il ne me jettent dehors un jour. Je suis à l’attente de ce jour si triste avant de rejoindre mes frères si j’ai eu de la chance ou emprunter les rues dans le pire des cas 》, nous a-t-elle fondu en larmes.
Enfin, nous avons pu rencontrer cette vieille dame au fin fond de Kabala. Il s’agit de F D. Elle a fait 21 ans de mariage stérile. 《 Mon mari et moi avons avons célébré notre mariage à la mairie de Kabala. J’ai fait à peu près 21 ans de vie conjugale avec mon mari qui est décédé il y a 5 ans. Je n’ai pas eu d’enfant mais mon époux était très riche. On m’a chassée de la maison de mon mari. Une femme qui a été chassée de la maison de son époux ne peut pas prétendre à l’héritage. J’ai aussi rencontré beaucoup de femmes qui sont dans la même situation que moi mais qui ne savent pas où se vouer 》, regrette Mme F D.
Au terme de notre exposé, nous concluons que nos législateurs doivent revoir les copies du nouveau code des personnes et de la famille aux fins d’y apporter des retouches aux insuffisances dans le seul dessein de traiter toutes les femmes quelle que soit leur situation sur le même pied d’égalité.
YOUBA DOUMBIA.