Un manque de confiance s’est installé entre le Malien, sa justice, le service des Domaines, les mairies et les préfets de certaines localités pour des raisons de décisions de justice mal rendues, de longs procès en ce qui concerne la justice sur le foncier et la délivrance de lettre d’attribution d’une parcelle à plusieurs personnes à la fois par les maires et les préfets. Plongeant du coup, la région de Koulikoro et le district de Bamako dans une situation de poudrière.
À la rentrée judiciaire du lundi 28 novembre 2022, le président de la transition, chef suprême des armées et de la magistrature, au lieu de sanctionner immédiatement comme certains d’État l’ont fait avec leur justice, a tout simplement demandé de lui fournir la liste des magistrats indélicats. Alors qu’il est question d’un Mali Kura. Beaucoup de griefs sont formulés contre la justice. Récemment, un magistrat a été agressé à domicile par son client. Aucun des deux (02) syndicats des magistrats n’a osé lever le petit doigt pour condamner les faits.
Parmi les grands propriétaires terriens, il y a les magistrats. Plusieurs litiges fonciers sont pendants devant les tribunaux pour la simple raison que certains hommes de droit sont juges et coupables. C’est pourquoi les procès sur le foncier ne sont jamais vidés. De renvoi en cassation devant les tribunaux, ensuite derrière chaque procès sur le foncier se trouverait un magistrat.
Outre cet aspect judiciaire, il faut ajouter à cela la propagation des titres fonciers et l’octroi de lettre d’attribution des parcelles par les préfets et édiles. Une seule parcelle peut avoir trois à quatre (04) lettres d’attribution. Ou souvent, c’est le chef de village, le maire, le préfet, attribuent les mêmes parcelles à différents propriétaires. Aucune peine n’a été prise contre les prédateurs fonciers. D’ailleurs, ils bénéficient de protection et de promotion dans les hautes privilégiatures de l’État. Comme pour se dédouaner des délits. Un des concepteurs de titres fonciers à Bamako, Kati, Koulikoro est conseiller technique à la Primature.
Un préfet de Kati, décrié en son temps de spéculateur foncier par les populations, a pris la poudre d’escampette. Il se la coule douce au Canada. Et ce n’est pas fini, on a l’impression que le cercle de Kati est la terre de prédilection des prédateurs fonciers. Un ancien commandant de cercle de Kati (1994-1995) a pu se faire élire député ADEMA à Kita pour échapper à la justice et ensuite nommé conseiller à la Cour constitutionnelle (2015-2020). Ce commandant de cercle, qui a échappé à la justice, sera nommé membre de la Cour constitutionnelle.
La situation du pays est donc mouvante, contradictoire, mais elle est surtout difficile à maîtriser par un gouvernement qui n’a pas toujours les moyens de sa volonté politique. Le pronostic est loin d’être le fruit des élucubrations d’un prophète de malheur. Il rejoint en plusieurs points l’analyse des experts qui ont réalisé l’étude prospective du Mali à l’horizon 2025. Ils dressent un tableau assez sombre, avec un contexte de marasme économique d’instabilité politique et d’agitation sociale marqué par la montée de l’incivisme des populations, la corruption prononcée de l’administration, l’exacerbation des revendications corporatistes, la prolifération des mouvements et des associations (FORSAT civile) autour de personnalités préoccupées par leurs propres intérêts, le laisser-aller généralisé.
La rectification devait donner enfin la possibilité de viser les besoins élémentaires de notre peuple. Mais à moins qu’apparaisse un réel changement dans les conditions dans lesquelles vivent les gens, cette rectification restera une promesse et bien des droits proclamés par la Constitution resteront de pure forme.
Fatou CISSÉ