Le référendum constitutionnel prévu pour le 19 mars 2023 vient d’être reporté à une date ultérieure. L’annonce a été faite le vendredi, 10 mars 2023, par le gouvernement à travers le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du Gouvernement, Colonel Abdoulaye Maïga. Sans fixer de nouvelles échéances, le ministre rassure le retour des civils au pouvoir en 2024 serait respecté. Des partis politiques sont unanimes que “ce report était prévisible”. D’autres dénoncent « une manœuvre pour rallonger la durée de la transition ».
C’est désormais officiel. Le referendum constitutionnel prévu pour le 19 mars n’aura plus lieu. L’information a été donnée par le gouvernement à travers un communiqué en date du 10 mars signé par le Colonel Abdoulaye Maïga, ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du Gouvernement. « Le Gouvernement de la transition informe l’opinion nationale que la date du référendum, prévu le 19 mars 2023, dans le chronogramme des réformes politiques institutionnelles et électorales de la transition, connaîtra un léger report », mentionne le communiqué officiel qui précise : « Ce report se justifie par la ferme volonté des autorités de la transition d’appliquer les recommandations des Assises nationales de la Refondation (ANR, notamment la pleine opérationnalisation de l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections (AIGE), à travers l’installation de ses démembrements dans les 19 régions administratives du Mali et le District de Bamako, dans les plus brefs délais ainsi que la vulgarisation du projet de constitution. La nouvelle date du référendum sera fixée, après concertation avec l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections et l’ensemble des acteurs du processus électoral. Le Gouvernement rassure l’opinion nationale et internationale que le retour à l’ordre constitutionnel, après avoir mené les réformes nécessaires, demeure l’une de ses priorités absolues, dans le respect de la durée de la transition ». Face à la presse, le Colonel Abdoulaye Maïga a donné l’assurance que l’engagement du retour des civils au pouvoir en 2024 serait respecté.
Un report prévisible
Le report du referendum était prévisible. A moins de deux semaines avant la date butoir, plusieurs indices portaient à comprendre que ce scrutin très primordial pour le reste du processus ne pourra pas avoir lieu à la date indiqué. En effet, parmi les indicateurs qui présageaient le report de ce scrutin figure le retard dans l’adoption de la mouture de l’avant-projet de nouvelle Constitution. Le document final qui continue d’animer les débats, n’a été remis au président de la transition que le lundi, 27 février 2023. Il n’a pas pu être vulgarisé. Un autre indicateur du report est le retard de l’installation des instances de l’autorité indépendante de gestion des élections (AIGE). Cet organe indépendant créé pour l’organisation des élections peine à s’installer dans les régions et les cercles du Mali. A ces indicateurs s’ajoutent la non convocation du collège électoral pour le référendum du 19 mars 2023. Une situation qui préoccupait d’ailleurs la Coalition pour l’Observation Citoyenne des Élections au Mali (COCEM) qui avait déjà invité le gouvernement à réviser le chronogramme. Selon cette coalition, le collège électoral pour le référendum du 19 mars 2023 devait être convoqué le 17 février 2023 comme l’indique l’article 148 de la Loi n°2022-019 du 24 juin 2022 portant Loi électorale qui dispose que « Les électeurs sont convoqués par décret pris en Conseil des ministres. Le texte soumis au référendum est annexé au décret prévu à l’alinéa ci-dessus et publié au moins un (1) mois avant le scrutin. La circonscription électorale est le territoire national, sous réserve de la participation des Maliens établis à l’Extérieur ». Face à la situation, la Coalition pour l’Observation Citoyenne des Élections au Mali (COCEM) s’était dite inquiète et avait fait des propositions à travers un communiqué de presse publié le lundi, 20 février 2023. A travers ce communiqué, la COCEM avait proposé, pour pallier cette difficulté et dans le cadre du respect strict de la durée de la Transition, de nouvelles dates au gouvernement de la transition. « Sachant qu’il n’est techniquement plus possible de tenir le référendum le 19 mars prochain, la Cocem a analysé avec intérêt les différentes options possibles. A l’issue de cette analyse, la Cocem propose les nouvelles dates ci-après dans le cadre du respect strict de la durée de la Transition : prévoir le référendum le dimanche 25 juin 2023 ; prévoir l’élection des Conseillers des Collectivités Territoriales le dimanche 29 octobre 2023 ; prévoir l’Élection couplée du Président de la République et des Députés à l’Assemblée Nationale, le dimanche 04 février 2024. Les seconds tours, le cas échéant, seront prévus le dimanche 18 février 2024 ». Et d’exhorter le Gouvernement de Transition « à diligenter l’actualisation du chronogramme des réformes et des élections en concertation avec l’ensemble des acteurs du processus électoral dans le souci de rassurer les parties prenantes au processus électoral et de faciliter le retour à l’ordre constitutionnel dans le délai ». L’autre problème à gérer avant le referendum est la problématique de la carte d’identité biométrique nationale qui doit aussi servir de carte d’électeur. A la date d’aujourd’hui, la phase de la mise à jour des données n’est pas encore terminée et la majeure partie des électeurs n’ont pas encore eu leurs cartes d’électeurs. D’ailleurs, devant la presse, le colonel Abdoulaye Maïga a signalé qu’en fin du mois de mars, le gouvernement va procéder à une vaste opération de remise de cartes d’identité nationales biométriques aux millions de d’électeurs. Selon le ministre d’Etat, la mise à la disposition aux Maliens des cartes d’identité nationale biométriques ne répond pas seulement au Mali a un besoin électoral, mais lui permet d’être en phase avec le reste du monde.
« Une manœuvre pour rallonger la durée de la transition » ?
Des partis politiques sont unanimes que “ce report était prévisible”. Cependant, leurs avis divergent sur les priorités des autorités de la transition. Certains expliquent ce report par le souci de mieux fédérer les Maliens autour de la nouvelle constitution. D’autres estiment que c’est juste une manœuvre pour allonger la durée de la transition. Selon certains hommes politiques, ce report traduit, pour une énième fois, l’intention des autorités actuelles de durer au pouvoir. C’est le cas d’Alassane Abba, secrétaire général de la Convergence pour le développement du Mali, CODEM, interrogé par Studio Tamani. Il regrette la remise de ce referendum à une date ultérieure. « C’est dommage. Mais à vrai dire, nous ne sommes pas surpris », dit-il. « Nous, en tout cas, on ne sent pas une volonté réelle du gouvernement d’aller de l’avant », poursuit Alassane Abba, avant d’ajouter qu’ils ne peuvent pas accepter « une transition qui ne finit pas ». Pour Oumar Ibrahim Touré, président de l’Alliance pour la République (APR), il n’a été dit nulle part que la transition sera prolongée. Il affirme que ce décalage a pour but d’assembler tous les Maliens autour de la nouvelle constitution. « Le processus ayant été engagé, il fallait forcément prendre du temps pour dégager le maximum de consensus sur la question ». Tel est le regard de M.Touré. « Maintenant reporté à une date ultérieure, ça peut être à l’intérieur du chronogramme », estime-t-il.