Pour préserver ses arrières et tenter de sortir par la grande porte, le pouvoir du Colonel Assimi Goïta joue au quitte ou double : le ça passe ou ça casse du projet de référendum constitutionnel.
Parmi les raisons évoquées pour justifier le « léger report » du référendum constitutionnel, précédemment prévu pour le 19 mars 2023, il y a la mise en place des démembrements de l’AIGE et la nécessité de vulgariser le projet de texte de la future loi fondamentale.
Or, il semble que le qualificatif « léger » attribué à ce report n’a pas sa raison d’être. Car, pour que le report soit de courte durée, il faut connaître la nouvelle date définie pour ce scrutin capital. Alors qu’il faut que l’AIGE soit totalement installé d’abord à Bamako, avant d’entrevoir ses démembrements intérieurs et extérieurs. Ce qui n’est pas encore le cas.
En effet, l’organe central de gestion des élections est une administration qui se veut permanente pour gérer désormais tous les processus électoraux au Mali. A ce titre, il lui faut du temps pour huiler sa machine, c’est-à-dire son personnel, ses équipements, ses partenaires. Tout cela nécessite des moyens et du temps.
Par exemple, les ressources humaines de l’AIGE ont besoin de séances de formations et de renforcement des capacités. Sans compter que les têtes pensantes de l’AIGE doivent effectuer de nombreuses missions d’échanges d’expériences, de quête de connaissances et en vue de procéder à l’installation des coordinations régionales et extérieures de la structure. Cela pourrait prendre au moins 6 mois, quand on sait que le Mali a désormais 19 régions, chaque région ayant au moins trois cercles et devant abriter des antennes locales de l’AIGE.
Par ailleurs, certaines sources font état de difficultés réelles de l’Etat à doter l’administration électorale de ressources financières suffisantes pour organiser les prochaines élections à brèves échéances. Surtout que l’Etat a rompu les amarres avec certains partenaires susceptibles d’apporter des aides budgétaires conséquentes pour aider à organiser les élections. Ce qui avait fait dire récemment au président de la Cour constitutionnel que l’Etat n’a pas d’argent aujourd’hui pour relever tous les défis électoraux avec un chronogramme aussi engorgé. Avec un tel tableau, le retour à l’ordre constitutionnel sera-t-il fait dans le délai prévu ? Le pouvoir devrait-il chercher à convaincre ses interlocuteurs par de nouvelles prorogations ?
Enfin, il y a la nécessité de trouver un minimum de consensus autour du changement constitutionnel souhaité. Car, plusieurs acteurs sociopolitiques, protestent contre l’initiative du président de la Transition, dont certains dénient la légitimité d’initier un tel projet. Quid de la plateforme « Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali » qui réclame l’abandon du projet référendaire au profit des élections générales ? Quid de la question d’une éventuelle candidature du chef de la Transition à la prochaine élection présidentielle qui polarise l’attention ? A cela s’ajoute les bisbilles entre le gouvernement et les ex-rebelles regroupés autour de la CMA qui menacent de troubler le front sécuritaire dans un pays en proie à d’énormes difficultés sociales ?
Tout ce tableau risque de conduire le pouvoir à aller de report en report du projet référendaire ; ce qui pourrait décrédibiliser le chef de l’Etat et, peut-être, entraîner un abandon en douce de cette réforme majeure. Comme quoi, le pouvoir est à un tournant décisif de son règne. Et, bien malin celui qui peut prévoir de quoi demain sera fait.