Les dernières déclarations racistes du président tunisien Kaïs Saied, à l’égard des migrants subsahariens ont créé de la colère et un choc en Tunisie et ailleurs. Ses propos violents contre des migrants, venant de la part d’un président, un universitaire qui était jusque-là, respecté et apprécié, ont provoqué de vives réactions, appelant même les États africains à convoquer les ambassadeurs de Tunisie.
Alors que le président tunisien pouvait suivre le modèle du Maroc où les migrants subsahariens sont accueillis et vivent en paix, peuvent travailler et avoir leur carte de résident, jouissent de droits sociaux et économiques, et sont très bien intégrés, Kaïs Saied a choisi d’en faire des pestiférés et de leur faire porter la responsabilité de l’échec de sa propre gouvernance.
Ce n’est ni dans les habitudes des peuples maghrébins ni dans le comportement des bons musulmans de rejeter l’autre, et encore moins de faire de la discrimination de couleur de peau. Les peuples d’Afrique du nord sont connus pour être bienveillants et accueillants d’autant plus lorsqu’il s’agit de personnes fuyant la misère, les conflits, ou des conditions de vies déplorables dans leur pays d’origine, et les Tunisiens sont connus pour avoir ces qualités.
Les migrants traversent des milliers de kilomètres à pieds, dans des conditions climatiques dures, sans accès à l’eau et à la nourriture, mettent en péril leur vie, à la recherche d’un avenir meilleur pour eux et leur familles, un droit légitime pour tout être humain.
Mais Kaïs Saied, ne voit pas d’un bon œil la présence de ces migrants et résidents subsahariens bien qu’ils contribuent à l’économie tunisienne. Les migrants subsahariens cherchent à «africaniser» la Tunisie et à l’éloigner de son «arabité», a-t-il déclaré.
Ces propos haineux à caractère raciste tenus par le président tunisiens sont inaudibles, ahurissants, pour plusieurs raisons, notamment parce que la Tunisie est elle-même un pays africain qui siège au sein de l’Union africaine.
Il est difficile de comprendre comment un État africain peut être aussi « anti-africain » et aller contre les valeurs de l’Union africaine. Plusieurs internautes ont en ce sens appelé à prendre des mesures concrètes contre la Tunisie à cause de cette nouvelle dérive autoritaire du président Saied.
Solidarité inconditionnelle
« Beaucoup d’absurdités m’indignent dans la vie. En premier lieu la hiérarchisation des humains. Je suis encore secouée par ce qui se passe en Tunisie et ébranlée par le discours du président qui, comme les dirigeants français, fait un lien entre immigration et délinquance », a dénoncé la psychiatre tunisienne Fatma Bouvet de la Maisonneuve. Les Tunisiens ont été nombreux à se dresser contre les propos xénophobes de leur président, faisant part de leur honte d’être dirigés par Kaïs Saied. « Au réveil, le choc est toujours aussi violent. Comme un lendemain d’événement tragique. On ne s’en remet pas et on a du mal à réaliser que c’était réel. Un communiqué qui fait basculer un pays dans le fascisme et qu’on portera éternellement comme une tare. J’ai honte », a écrit une internaute tunisienne.
« Ce discours ne ressemble en rien à la Tunisie. Le standing international de la Tunisie et son histoire humanitaire sont beaucoup plus grands que ce discours », a réagi sur Facebook le président de l’Observatoire tunisien des droits de l’Homme, Mostafa Abdelkebir. Mnemty, une association qui lutte contre les discriminations, a elle aussi condamné le communiqué de la présidence tunisienne, le qualifiant de « discours de racisme et de haine et d’incitation à la violence contre les migrants subsahariens ».
Dans un communiqué conjoint, 18 autres ONG et associations, dont la Ligue Tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) ont exprimé leur « solidarité pleine et inconditionnelle avec les migrants subsahariens et leurs défenseurs », estimant que le discours du président Saied rappelait « l’époque des camps d’extermination nazis de la Seconde Guerre mondiale ».
« Les propos de Saïed ne portent pas uniquement atteinte à la sécurité des Subsahariens en Tunisie, mais incarnent ce pain bénit inespéré pour tous les racistes du monde occidental qui vont se ‘’référer’’ à son discours en se délectant ! On peut déjà commencer à compter les références ! », a écrit l’avocat tunisien Riadh Guerfali en citant la récupération d’Eric Zemmour en France.
Au Maroc également les propos ont choqué. « Armé d’un populisme sans peuple, Saied est voué à s’enfoncer dans un spectre d’autoritarisme, d’isolationnisme et de ségrégation raciste institutionnalisée », a écrit le professeur Mehdi El Karouani sur Twitter. « Pour le président de la Tunisie Kaïs Saied, l’immigration clandestine venue d’Afrique subsaharienne est une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie ». Une negrophobie à ciel ouvert en Afrique… », a réagit un internaute africain.
« Suite aux propos NEGROPHOBES, XÉNOPHOBES & RACISTES de la part de ce type Kaïs au sommet de la République tunisienne contre les noirs subsaharienne, nous exigeons que les ambassadeurs en Tunisie soient convoquées », a tweeté un activiste africain panafricaniste.
« En Tunisie, depuis quelques jours, un discours haineux et raciste anti-migrant, propagé depuis le sommet de l’État, résulte en une chasse à l’homme Noir. Qu’attendent nos gouvernements pour convoquer les ambassadeurs de Tunisie et leur ordonner de faire cesser cela immédiatement? », s’est demandée Nathalie Yamb.
Alors que des organisations étudiantes de ressortissants africains en Tunisie ont publié un avis demandant aux étudiant d’éviter de sortir le soir ou de fréquenter les endroits populaires, exprimant leur peur de possible agressions à caractère raciste après les déclarations de la présidence tunisienne, des ressortissants ivoiriens ont immédiatement pris les choses en main en contactant leur ambassade pour rentrer chez eux en prévision d’une montée de la haine en Tunisie.
« Aujourd’hui, nous désirons qu’une seule chose, c’est de retourner chez nous. Les ressortissants ivoiriens en Tunisie se sont rendus dans leur ambassade ce matin pour demander aux autorités d’organiser leurs retours en Côte d’Ivoire », peut-on lire sur les témoignages de ressortissants ivoiriens.