Selon le Chef de la Mission d’Observation des Élections au Mali (MODELE), Dr Ibrahim Sangho, «le vote par anticipation est un élément majeur de fraude électorale». Il a fait cette importante déclaration suite à la séance d’écoute tenue au Conseil National de la Transition sur le dépôt n°2023-07/CNT, à savoir le projet de loi portant modification de la Loi n°2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale.
Ce projet de loi permet-il de renforcer la sécurité des élections et d’assurer la crédibilité des scrutins dans notre pays ? « Pas tout à fait. Le vote par anticipation risque des membres des Forces Armées et de sécurité de provoquer une fraude massive et ternir l’image d’élections libres, transparentes, équitables et crédibles », répond cet expert des questions électorales. Pour Dr Sangho, « le vote par anticipation quel qu’il soit est un élément majeur de la fraude électorale. »
« C’est un élément majeur de fraude électorale, parce qu’aucune garantie n’existe pour la transparence et la sincérité de ce vote particulier encore moins son observation. Le Mali ne dispose pas de fichier électoral pour les membres des Forces Armées et de Sécurité différent du fichier électoral des civils. C’est un seul fichier qui contient les militaires, les gendarmes, les policiers et les civils », a-t-il déclaré.
La MODELE-Mali fait un rappel très utile : « la loi électorale 2016-048 du 17 octobre 2016 avait introduit en son article 87 : « Le scrutin a lieu un dimanche. Toutefois, en cas de nécessité et hormis le cas de l’élection du Président de la République, le scrutin peut se tenir tout autre jour de la semaine. Dans tous les cas, le scrutin est ouvert le dimanche précédent pour les membres des Forces Armées et de Sécurité. Ce dispositif n’a pu être satisfait lors des élections communales de 2016 et a été simplement biffé dans la Loi 2016-048 du 17 octobre 2016 modifiée par la Loi 2018-014 du 23 avril 2018 portant loi électorale. » À en croire Dr Ibrahim Sangho, «c’est un risque de mettre à la disposition de tous le nombre réel des membres des Forces Armées et de Sécurité ».
De façon générale, la MODELE Mali n’a constaté aucune modification au niveau de l’article 4 dit nouveau et l’article 4 de la Loi n°2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale.
« L’introduction de la carte d’identité biométrique serait une avancée si tous les Maliens en âge de voter parvenaient à entrer en possession de leurs cartes avant les élections. A l’heure actuelle, les équipes de travail sur le terrain sont en nombre insuffisant face à la demande à traiter. Ce qui nécessite en conséquence de multiplier les lieux de délivrance ainsi que les équipes de travail. Par ailleurs, un mécanisme de facilitation doit être accordé aux personnes vivant avec un handicap pour l’obtention de leurs cartes.»
Selon lui, la réduction du délai de mise en place des Coordinations de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections est une bonne chose car cela permet d’avoir des élections dans un délai court. « Toutefois, des dispositions doivent être prises par l’AIGE pour l’effectivité de la mise en place sur l’ensemble du territoire », a-t-il précisé.
Deux préoccupations de Modele-Mali
La Modele-Mali, a reconnu son chef, a deux préoccupations majeures. « Notre première préoccupation est de définir les contours de la gestion des observateurs nationaux et internationaux par l’AIGE prévue à l’article 4 de la Loi et les attributions de l’observation électorale en permettant aux observateurs d’être présents à toutes les étapes du processus électoral ; y compris les différents niveaux de centralisation des résultats provisoires et définitifs.
Notre seconde préoccupation est de prendre en compte la publication en ligne des résultats des scrutins par centres et bureaux de vote, au fur et à mesure de la proclamation des résultats provisoires et non après les 5 jours contenus dans les articles 155, 169 et 177. Elle permet d’éviter les conflits et d’éventuels tripatouillages des résultats pendant la remontée et la centralisation des résultats ; contribuant ainsi à la transparence et à la crédibilité des élections. Elle permet également d’obtenir les résultats par bureaux de vote avant le début légal du contentieux ».
La Mission recommande à la commission de relire la Loi n°02-010/ du 05 mars 2002 portant Loi organique fixant le nombre, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités, les conditions de remplacement des membres de l’Assemblée Nationale en cas de vacance de siège, leurs indemnités et déterminant les conditions de la délégation de vote ; d’insérer dans la Loi les débats entre les candidats avant le premier et le deuxième tour de l’élection présidentielle ; de prendre en compte le vote des personnes vivant avec d’autres handicaps que physique ; et d’insérer dans la loi électorale le vote des personnes détenues non déchues de leurs droits civiques.