Avant 2012, le Mali était une destination touristique très cotée à cause de son immense richesse historique et culturelle. Mais depuis la crise sécuritaire de 2012, on a assisté à la destruction de plusieurs biens historiques et culturels, le secteur du tourisme déstabilisé. Comment faire pour restaurer et protéger nos sites historiques ? C’est la principale question qui se pose aujourd’hui.
Le parc des sofas, un trésor historique et culturel délabré, est menacé de disparition aujourd’hui. En cause, l’assèchement de la rivière Woyo-wayanko, l’occupation anarchique par un parc à bétail et d’autres activités informelles qui s’y passent, des tas d’ordures un peu partout, des automobilistes qui se sont créés un chemin qui traverse le beau milieu du site, pour ne citer que cela.
Sur la statue du vaillant guerrier Kémé Bourama, on constate également des fissures et des parties endommagées. Le parc a perdu son lustre d’avant et plus de la moitié du site a été morcelé pour des habitations.
Sékou Kéita, un vieillard d’une soixantaine d’années, habitant de la ville de Dogodouman, renseigne : “Le parc des Sofas constitue un témoin tangible et un des symboles les plus représentatifs de la résistance africaine à la pénétration coloniale française”.
Classé sur la liste du patrimoine national, le parc des sofas est un site historique situé à Dogodouman. Ce site qui renferme le souvenir de nos vaillants soldats de l’époque tombés sur le champ de bataille, a besoin d’une attention particulière pour ne pas tomber dans les oubliettes.
Réalisé en 2001 à l’initiative de la présidence de la République, le site a été réalisé pour commémorer la bataille historique entre les troupes de l’Almamy Samory Touré, dirigées par son frère Kémé Bourama, et les troupes françaises. La célèbre bataille a eu lieu en 1883.
Le parc de Woyo-wayanko est en partie clôturé. A l’intérieur du parc se trouve la rivière Woyo-wayanko qui, aujourd’hui est pratiquement asséchée une bonne partie de l’année ; d’un cimetière constitué de trois gros tumulus de pierre considérés comme les sépultures des sofas de Samory et de deux tombes individuelles ; une statue géante d’un cavalier hissé en haut d’une montagne. Cette statue faisant face au champ de bataille, pointant du doigt le Woyo-wayanko, symbolise le chef guerrier Kémé Bourama.
Sékou Kéita fera le constat que la population même ne valorise pas assez nos histoires et les sites qui renferment les faits qui ont marqué notre pays. “Il faut que ces récits qui ont marqué notre pays soient enseignés à nos enfants et les sites qui renferment ces récits doivent être préservés. Cela servira de repère pour nos enfants”, affirme-t-il.
Sauver ce qui doit l’être
Pour ne pas perdre notre identité, poursuit notre interlocuteur, il est important de renforcer la protection de nos sites historiques, des lieux de mémoire, qui définissent l’identité d’une ville.
Selon le directeur général adjoint de Mali tourisme, Moctar Ba, “avant la crise que nous traversons depuis 2012, le Mali recevait environ 300 000 visiteurs tous types confondus par an y compris les visiteurs essentiellement internationaux”.
Il fait aussi le constat que le Malien de façon générale n’a pas une culture du voyage touristique, ajoutant que cela doit changer. A ses dites, pour préserver nos biens culturels, “il faut aller vers le tourisme domestique, que le Malien prouve l’envie d’aller vers nos sites historiques pour se cultiver et valoriser notre patrimoine culturel qui est très riche et diversifié”. Pour que cela soit une réalité, M. Ba affirme qu’il faut un suivi et une bonne gestion des sites.
Dans le même ordre d’idée, Lassana Cissé, ancien directeur du patrimoine culturel, expert en patrimoine et développement local et président du comité Icomos-Mali, assure que le Mali est un pays de patrimoine dont la gestion pose problème.
“Le premier grand problème lié à la protection de nos patrimoines est le manque d’engagement politique. Il y a une attention théorique qui n’est jamais mise en valeur dans la pratique. Toutes les grandes actions réalisées jusque-là viennent de l’extérieur. C’est notre patrimoine et nous avons le devoir impérieux de le préserver et de le valoriser”, affirme-t-il.
Il explique aussi que les monuments de Bamako de façon générale sont salis et piétinés, déplorant le manque de suivi. Selon lui, il faut une politique de gestion du budget alloué à la prise en charge des monuments.
Tout le monde est concerné, mais l’Etat doit jouer un rôle fédérateur, un rôle de mobilisation, attirer l’attention des uns et des autres sur les enjeux du patrimoine dans un pays comme le Mali.
L’Etat doit jouer sa partition en accompagnant les communautés à entretenir les édifices monumentaux qui sont des marques de l’identité architecturale du pays.
Aujourd’hui, le Mali compte comme patrimoine culturel national, une trentaine de sites et monuments. Selon M. Cissé, pour la protection de nos patrimoines, l’urgence serait aujourd’hui d’envisager un programme d’urgence de conservation des sites et des monuments classés. L’Etat doit diagnostiquer l’état de conservation de ces sites et agir, prendre des mesures conservatoires.
“Nos patrimoines culturels immatériels ne sont pas enregistrés également. Il faut renforcer le système éducatif. Le patrimoine culturel doit être conservé et transmis aux générations futurs”, ajoute M. Cissé.