En Afrique subsaharienne, l’extrémisme violent se retrouve nourri en grande partie par le manque d’emploi selon l’ONU. Pour étayer cette théorie, une vaste enquête a été réalisée auprès de 1.200 personnes issues de huit pays touchés par le djihadisme et elle révèle que la religion n’est que le troisième facteur d’engagement dans les rangs des groupes armés terroristes qui sévissent au Sahel.
L’espoir de trouver du travail est désormais le principal facteur qui pousse des hommes et des femmes à rejoindre des groupes extrémistes violents en nette croissance en Afrique subsaharienne, selon un nouveau rapport publié mardi 7 février 2023 par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
Ce rapport, intitulé ”Sur les chemins de l’extrémisme en Afrique : les voies du recrutement et du désengagement”, souligne l’importance des facteurs économiques en tant que moteurs du recrutement. Le PNUD s’appuie sur des entrevues réalisées en 2021 et début 2022 dans huit pays : Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Mali, Niger, Nigeria, Somalie et Soudan. Près de 1 200 personnes interrogées sont d’anciens membres de groupes extrémistes violents, dont des recrues volontaires. La majorité d’entre elles appartenaient à certains des groupes les plus importants de la région, à savoir Boko Haram, les chabab et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, JNIM en arabe), affiliée à Al-Qaida.
Ainsi, il apparaît clairement que c’est le manque d’emploi plus que l’idéologie religieuse qui permet aux groupes djihadistes et autres extrémistes violents d’attirer de plus en plus de recrues en Afrique subsaharienne, a indiqué l’ONU. Un quart des recrues volontaires ont mentionné le manque d’opportunités d’emploi comme principale raison de leur adhésion, une augmentation de 92 % par rapport aux conclusions d’une étude similaire de 2017.
La religion constitue désormais la troisième raison d’adhésion, citée par 17% des personnes interrogées, soit une diminution de 57% par rapport aux résultats de l’étude de 2017. Près de la moitié (50%) des personnes interrogées ont mentionné un événement déclencheur spécifique les poussant à rejoindre des groupes extrémistes violents. Parmi ces personnes, 71% ont évoqué des violations des droits humains, souvent commises par les forces de sécurité de l’État, comme « leur point de basculement ».
Nouvel épicentre mondial de l’extrémisme violent
En outre, l’Administrateur du PNUD a souligné que l’Afrique subsaharienne est devenue le nouvel épicentre mondial de l’extrémisme violent enregistrant dans la foulée 48% des décès dus au terrorisme dans le monde en 2021. « Dans de nombreux pays, où les revenus et les opportunités d’emplois manquent, le désespoir pousse les gens à saisir les opportunités venant de quiconque », a relevé le patron du PNUD, Achim Steiner, en conférence de presse. Un peu moins d’un quart (22 %) ont dit vouloir rejoindre de la famille ou des amis.
Les décès dus au terrorisme ont diminué au cours des cinq dernières années dans le monde, mais les attaques menées en Afrique subsaharienne ont plus que doublé depuis 2016, indique le PNUD, qui compte 4 155 attaques de 2017 à 2021, faisant plus de 18 400 morts. En 2021, près de la moitié des décès liés au terrorisme se situaient dans cette région, dont plus d’un tiers dans seulement quatre pays : la Somalie, le Burkina Faso, le Niger et le Mali, faisant de l’Afrique subsaharienne « le nouvel épicentre mondial de l’extrémisme violent », selon M. Steiner.
Par ailleurs, il ajoute que les réponses antiterroristes axées sur la sécurité sont souvent coûteuses et peu efficaces. Et de commenter que malheureusement, les investissements dans des approches préventives de l’extrémisme violent sont terriblement insuffisants.
Stopper cette progression
Une solution s’impose : miser sur les services de bases et de réadaptation pour éradiquer le fléau. Pour contrer et prévenir l’extrémisme violent, le rapport recommandé un investissement plus important dans les services sociaux de base, y compris la protection de l’enfance, l’éducation, les moyens de subsistance de qualité; ainsi qu’un investissement dans le renforcement des capacités des jeunes hommes et femmes. Il appelle également à intensifier les possibles voies de sortie des recrues et à investir dans les services de réadaptation et de réintégration à base communautaire.
« Il est très important d’investir dans des mesures incitatives, qui favorisent le désengagement », a affirmé pour sa part la Conseillère régionale du PNUD pour la prévention de l’extrémisme violent en Afrique, Nirina Kiplagat. « L’étude montre que ceux ou celles, qui décident de se désengager de l’extrémisme violent sont moins susceptibles d’y retourner et de recruter d’autres volontaires », a-t-elle précisé.
En outre, elle a fait savoir que les communautés locales jouent un rôle central dans le soutien des voies durables de sortie de l’extrémisme violent, parallèlement aux programmes d’amnistie mis en place par les gouvernements nationaux.
Ahmadou Sékou Kanta