L’information est sans appel : le scrutin référendaire et les élections générales prévus pour cette année 2023 empruntent le train du report. D’où l’adoption par le Conseil des ministres du mercredi 15 février 2023 d’un projet de loi portant modification de la loi n°2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale.
Les Maliens devraient en principe se rendre aux urnes cette année 2023 pour les élections générales à savoir le 19 mars prochain pour le référendum constitutionnel, en juin pour les élections des collectivités territoriales et entre octobre et novembre pour les élections communales et législatives, conformément au chronogramme. Mais, force est de constater que le calendrier ne sera pas respecté pour différentes contraintes.
En effet, la loi n°2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale, qui confie l’organisation et la gestion de toutes les opérations électorales et référendaires à l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections «AIGE» a été modifiée via un projet de loi adopté en conseil des ministres du mercredi dernier. Cette adoption de Loi, sur le rapport du ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Reformes politiques et institutionnelles, Mme Fatoumata Sékou Dicko, révèle quelques contraintes dans la mise en œuvre du chronogramme.
Les contraintes soulevées par le Conseil des ministres sont liées, entre autres, au respect du délai de la mise en place des Coordinations de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections que la loi fixe à six (06) mois avant les élections, à la volonté des plus hautes autorités d’instituer le vote par anticipation des membres des Forces Armées et de Sécurité, en vue de leur permettre d’accomplir leur mission de sécurisation du territoire le jour du scrutin, et à l’organisation du vote des déplacés internes.
Il faut ajouter à ces difficultés la nécessité de mettre à jour le fichier électoral suite aux actions d’organisation territoriale ou administrative, l’institution de la carte nationale d’identité biométrique sécurisée comme carte d’électeur, en substitution à la carte d’électeur biométrique, et la correction d’erreurs matérielles.
Des modifications
Selon le conseil des ministres, le projet de loi adopté vise à prendre en compte les contraintes signalées en modifiant les articles 4, 24, 70, 71, 92, 93, 97, 100, 101, 120 et 149. « Les principales innovations qui découlent de ces modifications portent sur l’élargissement des lieux d’implantation des bureaux de vote aux garnisons militaires, l’institution du vote par anticipation des membres des Forces Armées et de Sécurité, le remplacement de la carte d’électeur biométrique par la carte nationale d’identité biométrique sécurisée, comme l’unique document d’identification admis dans le bureau de vote », peut-on lire entre les lignes du communiqué ayant sanctionné la réunion des ministres.
Par ailleurs, l’article relatif au referendum a été modifié, au titre des corrections d’erreurs matérielles, pour préciser que sauf cas de recours au bulletin unique, deux (02) bulletins sont mis à la disposition de l’électeur. La mention de « candidat » est supprimée dudit article. « Ces innovations visent à assurer la transparence du processus électoral et à réduire le coût des élections », justifie le communiqué.
Des inquiétudes en série
Les contraintes soulevées étaient prévisibles. L’expert électoral, Ibrahim Sangho, président de l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali avait prédit le décalage du calendrier électoral qui prévoit six élections avant la fin de la transition. « À notre avis, déjà pour le référendum, la date du 19 mars 2023 est remise en cause. Parce que suivant la loi électorale, six mois avant les élections y compris pour le référendum, les démembrements de l’AIGE (l’Autorité indépendante de gestion des élections) doivent être mis en place. Mais on se rend compte que cela n’est pas le cas. Donc probablement, le référendum sera décalé au mois de juin 2023 », déclarait-il.
Selon lui, cela sous-entend, que si le texte passe au référendum, le président de la transition doit promulguer la nouvelle Constitution dans un délai d’un mois. Et si la nouvelle Constitution est adoptée en juillet, cela signifierait qu’il faut relire de nouveau la loi électorale et la loi organique des députés. Parce qu’il y a des dispositions dans la nouvelle Constitution qui ont changé l’état actuel des choses.
Récemment, soit le 1er février 2023, les acteurs avaient fait comprendre au président de l’AIGE, Me Moustapha Cissé que le chronogramme fixé par le Gouvernement « n’est pas tenable au regard de la lenteur dans la démarche », avant de demander à l’AIGE de « faire l’état des lieux » afin de voir si le délai est tenable ou non. Mais, Me Cissé avait rassuré ses interlocuteurs politiques, malgré leurs inquiétudes, que les élections auront lieu aux dates indiquées. « Pour les élections, jusqu’à preuve du contraire, nous nous en tenons au programme qui existe. Nous nous inscrivons dans cette dynamique. Nous travaillons pour tenir les élections dans les délais fixés par les autorités de transition », avait-il rassuré. Ce projet de loi semble confirmer les inquiétudes des acteurs politiques sur le respect du chronogramme.
Quelques jours auparavant, Amadou Traoré du parti Mouvement patriotique sauvons le Mali, affichait son pessimisme quant à la tenue du référendum prévu pour mis mars prochain : « Le 19 mars prochain, je ne suis pas très optimiste par rapport à cette date. Parce qu’il y a des préalables, il y a beaucoup d’enjeux liés notamment à la sécurité, aux aspects techniques et logistiques et aux ressources humaines. Je ne crois pas qu’on puisse gérer tout cela d’ici à cette date. Je sais quand même que toutes ces élections se tiendront, mais je reste dubitatif sur le respect des dates compte tenu de la situation du pays ».
Décidément, il ne fait plus de doute que les dates seront prorogées. Ce qui aura, ipso facto, une incidence sur l’élection présidentielle de février 2024. Va-t-on vers une prorogation de la transition ? Le temps nous en dira de plus.
Arouna Traoré