Marc Joly prolonge ses travaux sur la perversion narcissique, d’abord développés dans le cadre du couple, en s’intéressant à la domination politique.
Le 9 juin 2024, Emmanuel Macron décide de dissoudre l’Assemblée nationale à la suite des résultats historiques du Rassemblement national aux élections européennes. «Dans ce contexte, le champ sémantique de la folie irrigue le débat politique comme jamais», associé, dans la bouche du président de la République, au terme de «clarification». Pour le sociologue Marc Joly, auteur de La Pensée perverse au pouvoir, la «superposition» des deux est symptomatique, alors que tout est fait pour que la clarification annoncée soit impossible. Macron «a inventé la clarté confuse, la clarté dans le brouillard de la peur et de l’incompréhension».
Au bout du compte, le président de la République en vient à s’allier avec la droite, ce qu’il aurait pu faire avant et sans dissolution, le tout au mépris de la logique des institutions, qui aurait voulu qu’il appelle le Nouveau Front populaire (NFP), arrivé en courte tête, pour essayer de former un nouveau gouvernement. Pour Joly, une «folie narcissique» est bien à l’œuvre et s’inscrit dans des processus sociaux. Autrement dit, nul besoin d’opposer psychologie et sociologie, individu et société, bien au contraire, pour saisir que «le macronisme est un délire individuel qui s’étaye sur des dynamiques sociales-historiques».
Du couple au pouvoir: transposition d’une analyse sociologique
L’ambition de Marc Joly, auteur dernièrement d’une somme sur la perversion narcissique, est de comprendre Emmanuel Macron à l’aune de la sociologie, notamment celle de Norbert Elias, et de la psychologie, en particulier celle de Paul-Claude Racamier. Au cœur de sa thèse, on retrouve l’idée qu’«il n’y a de prospérité de la pensée perverse qu’à la faveur d’une crise de la violence symbolique». Il transpose son interprétation sociologique développée dans le contexte du couple. La perversion narcissique est, selon lui, une pathologie sociale. Celle-ci naît d’un désajustement entre une violence symbolique (la domination masculine), qui n’est plus légitime au sein de la société, et des individus qui perdurent dans de tels comportements, générant une violence morale à l’égard de leurs conjoints.
Marc Joly a en effet été frappé par les similitudes entre les joutes verbales, pendant la réforme des retraites, entre le président de la République et Laurent Berger, alors leader de la CFDT, et les comportements de compagnons manipulateurs envers leurs femmes. Pour Joly, Berger semble au fait de la personnalité de Macron et répond en conséquence, tout en restant maître de lui-même, pratiquant même la contre-manipulation. Le sociologue contraste également les personnalités des deux hommes, entre sincérité et empathie du premier et malhonnêteté autocentrée du second.