Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a annoncé des préparatifs de négociations entre les chefs des départements militaires des pays membres «sur la question des dépenses de défense sur fond de désaccords survenus au sein de l’Alliance».
Au début de décembre dernier, il a fait savoir que «nous devons prendre conscience que l’Otan reste le socle de la sécurité européenne et transatlantique», «et que tout effort européen accru significatif en matière de défense doit s’accompagner d’une augmentation des dépenses de défense».
Fissure au sein de l’Otan sur la question des dépenses. «Il y a un risque d’un nouveau différend au sein de l’Otan sur le niveau des dépenses de défense des Etats membres», a notifié la ARD au début du mois de janvier de cette année. Selon le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, certains alliés veulent resserrer considérablement l’objectif actuel de 2%. Il prévoit que, d’ici 2024, tous les pays de l’Otan se rapprocheront de la référence consistant à consacrer au moins 2% de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense. «Certains alliés sont déterminés à faire de l’objectif actuel de 2% un minimum», a déclaré Jens Stoltenberg.
L’ARD a rajouté que, selon Jens Stoltenberg, «l’objectif est donc de parvenir à un accord au plus tard lors du prochain sommet régulier. Il sera organisé dans la capitale lituanienne Vilnius les 11 et 12 juillet». Ce dernier a clairement indiqué qu’il considérait qu’une nouvelle augmentation des dépenses de défense était indispensable car avec le conflit en Ukraine cela rend les investissements dans la défense encore plus importants. «Il est sûr qu’il y aura un accord au sommet en Lituanie», a-t-il martelé.
Un certain nombre de membres de l’Otan «insistent» pour que le niveau minimum des contributions des Etats membres au budget de l’Alliance soit augmenté. En 2014, les dirigeants de l’Otan lors d’un sommet au Pays de Galles ont convenu de fixer un objectif de dépenses militaires de 2% du PIB pour chaque pays membre. En même temps, cette valeur est déclarée comme une «cible», c’est-à-dire qu’elle n’est formellement pas obligatoire. Les contributions d’un certain nombre d’Etats membres de l’Alliance sont nettement inférieures au niveau de 2% du produit national brut.
C’est notamment le cas au Canada et en Belgique. «En 2014, trois Alliés consacraient à la défense au moins 2% de leur PIB. Au premier semestre de 2022, ils étaient neuf», informe le site de l’Otan, indiquant qu’ «en 2022, les pays européens de l’Alliance et le Canada ont encore accru leurs dépenses de défense, qui ont progressé de 1,2% en valeur réelle par rapport à 2021». En juin 2021, seuls dix membres du bloc – les Etats-Unis, les Etats baltes, le Royaume-Uni, la Croatie, la Grèce, la Pologne, la Roumanie et la France – ont déclaré une «volonté» non seulement de maintenir, mais même de dépasser le niveau de dépenses militaires de 2% du PIB. Et, l’Allemagne, par exemple, prévoyait d’augmenter les dépenses militaires de 1,2% du PIB, comme prévu dans le budget 2018, à 1,5%.
Les Etats-Unis ont fourni les dépenses militaires les plus importantes, à 811 milliards de dollars ou 3,5% du PIB en 2021. Le Royaume-Uni, qui s’est classé deuxième dans cet indicateur, avait pour 2021 des dépenses militaires d’environ 2,3% du PIB.
Les discussions sur la nécessité d’augmenter encore les dépenses militaires ont commencé parmi les membres de l’Otan au printemps dernier. Les représentants des pays d’Europe de l’Est ont été les premiers à en parler. Fin mars, The Economist a écrit que le conflit en Ukraine entraînerait une augmentation des dépenses militaires des membres de l’Otan au niveau convenu en 2014 de 2%. Dans le même temps, l’Allemagne a annoncé qu’elle allouerait 100 milliards d’euros en 2022 «pour les besoins de la défense». La mise en œuvre pratique de ces plans s’est déroulée sans heurt tout au long de l’année.
Au début de l’hiver, les dirigeants des trois Etats baltes, après s’être entretenus à Riga, ont annoncé des plans «dans les années à venir» pour augmenter les dépenses militaires de «3% du PIB». Désormais, les membres de l’Otan représentant l’Europe de l’Est, ainsi que le Royaume-Uni, insistent pour que les dépenses militaires à 2% du PIB deviennent un minimum obligatoire pour tous les autres membres.
Dans le même temps, les principaux Etats d’Europe occidentale font preuve d’une plus grande retenue en matière d’augmentation inconsidérée des dépenses militaires que leurs homologues d’Europe centrale et orientale. Premièrement, il est entendu que la production d’armes en elle-même, bien qu’elle entraîne une augmentation du PIB, n’améliore pas tout à fait le bien-être des citoyens. La croissance des dépenses militaires nécessite une augmentation inévitable des impôts, ainsi qu’une réduction des dépenses publiques consacrées au développement social. De plus, l’augmentation des dépenses militaires est contraire aux objectifs de la politique de décarbonation de la vie économique dont la mise en œuvre active a été menée ces dernières années par les dirigeants de l’UE.
Si la France a rejoint en 2020 les pays membres de l’Otan qui consacrent au moins 2% de leur PIB à la défense, un collectif de 36 signataires et organisations en Belgique a écrit au Premier ministre, Alexander De Croo, pour lui demander de ne pas augmenter le budget de la défense à 2% du PIB. «Vous voulez être loyal envers l’Otan, qu’en est-il de la loyauté envers votre peuple?», questionnent-ils.
La RND a signalé au début de ce mois de janvier que «l’Allemagne avait toujours manqué l’objectif de la dépense des 2% à l’Otan ces dernières années». Lors du discours sur le changement de la politique de financement de la Bundeswehr en février dernier, le chancelier fédéral Olaf Scholz (SPD) a annoncé: «Désormais, nous investirons chaque année plus de 2% du produit intérieur brut dans notre défense». Le politicien de la défense, Florian Hahn a critiqué le fait qu’aucune action n’a suivi.
Aujourd’hui, pratiquement tous les membres européens de l’Otan sont au bord de la récession, l’inflation moyenne de la zone euro est à deux chiffres et l’inflation est la plus élevée parmi les membres orientaux les plus militants de l’Otan. La crise énergétique en Europe ne s’est atténuée que pendant un certain temps, en raison d’un hiver exceptionnellement chaud, et l’Agence internationale de l’énergie prévoit de nouveaux problèmes à l’approche de l’hiver 2024.
Dans ce contexte inquiétant, les sondages montrent que l’enthousiasme des Européens ordinaires à soutenir une solution militaire à la crise ukrainienne s’estompe. Les politiciens européens choisiront-ils de rester attachés au bloc qui ne fait que pousser le continent vers davantage de confrontation et de stagnation économique? La France s’enfonce, la première, dans une crise profonde notamment avec la question des retraites. Et, les pays baltes, ne sont pas non plus épargnés par la crise profonde de l’UE. Les engagements des politiciens ne sont que sur le papier et la réalité de la crise actuelle devrait réduire leurs ambitions, dont celles de l’Otan.
Philippe Rosenthal