Programme des 100 000 logements : une nouvelle société des logements du Sénégal (SOLOS) pour éviter la complexité de la fonction habiter et la crise immobilière (Par Ibra FALL DIAGNE)

Estimated read time 9 min read

En 2023, le Sénégal avait une population urbaine de 49% de sa population estimée à 18 126 390 habitants et un taux d’urbanisation autour de 49%.

Son profil en demande et offre de logement est caractérisé par un déficit de logements estimé à 325 000 unités avec une augmentation annuelle de 12 000 unités, déficit qui était de 322 000 unités en Décembre 2002.

Il y a une décennie, ONU HABITAT avait pourtant fait une étude sur le profil du secteur du logement au Sénégal où il a été recommandé, à la page 42, pour résorber ce déficit à l’horizon 2015 et prendre en considération les nouveaux besoins découlant de l’évolution démographique, le Sénégal aura besoin d’une production minimale de 100 000 unités de logement par an.

Ce rapport d’étude prévenait que quinze ans plus tard, sur la période 2020-2025, plus de 84 000 logements supplémentaires seraient nécessaires, pour répondre aux besoins de 765 000 nouveaux habitants qu’allait accueillir Dakar.

Egalement une évaluation des indicateurs caractéristiques de la fonction habiter montre un tableau peu satisfaisant sur la situation, à date, du logement au Sénégal particulièrement dans la capitale DAKAR qui représente 0,3% du territoire et accueille les 25% de la population nationale : le nombre de logement par habitant est toujours alarmant malgré les efforts politiques en termes de rattrapage : d’où l’opportunité et la pertinence du programme de 100 000 logements sur 5 ans au plus.

De cette urgence, les deux risques à maîtriser c’est les risques de modèle économique inadapté ou surréaliste.

Une solution à cette équation différentielle du logement est à trouver dans la solution particulière relevant des sociétés formelles existantes et une solution générale devant relever du neuf.

Dans cette suite d’idée, nous recommandons de faire créer une filiale construction au sein de la SICAP SA et de la SN HLM pour une exécution de 50% de leurs portefeuilles et la poursuite de leur mission de promoteurs immobiliers avec la sous-traitance tous corps d’Etat des autres 50% de leurs portefeuilles de production de logement.

Cette stratégie vise une maitrise directe de l’objectif de production de grand volume de logement tout comme la maitrise des coûts et des délais de construction.

Ces deux variantes conjuguées sous le concept de promoteur-constructeur permettra, en solution conjoncturelle, à la SICAP et la SN HLM de minimiser les risques de dépendance tout en créant d’emplois directs décents et boostant le secteur privé par la sous-traitance avec les sociétés de construction et les prestataires privées comme les fournisseurs.

Une variante plus audacieuse et structurelle est de créer, à côté de la SICAP et de la SN HLM, une nouvelle société des logements du Sénégal avec une excellente santé en termes de patrimoine foncier et de garanties avec plus d’organisation et de crédibilité pour porter la politique de construction de logement à grand volume en raison de 50 000 logements l’année.

Ce foncier a déjà un parc au niveau national dans les répertoires de SAFRU, de la DGPU sans compter les autres niches maquées et dissimulées sans compter le patrimoine bâti cédé dans des conditions déjà indexées.

Cette société pourrait porter la dénomination « SOLOS » pour signifier SOciété des Logements du Sénégal.

Société qui pourrait s’appuyer sur les nombreuses coopératives dépassant 700 unités dont beaucoup de la fonction publique et de la diaspora pour constituer rapidement un portefeuille dynamique à flux financier intéressant.

Cette société pourrait répondre durablement à toutes les demandes en logements par un master plan relevant d’expertise en la matière et de la politique d’habitat et d’urbanisation tout en étant une vache laitière des sociétés du secteur privé des BTP en termes de chiffres d’affaires et opportunités réelles.

Justement, une telle société sera un booster à l’organisation et au développement du secteur privé qui sera son partenaire de premier plan dans l’atteinte des missions.

Cette société s’appuyant sur les outils de péréquation et de mixité sociale va construire un parc de logement diversifié allant du parc social à celui du luxe avec une bonne rationalisation du foncier dans les capitales régionales en particulier dans Dakar.

En comparaison à des pays comme le Maroc et à l’international qui ont une politique d’habitat assise sur la rationalisation du foncier, nous pouvons constater que Dakar a de ses zones où les immeubles de plus de 20 étages devait étre la seule architecture.

Nous recommandons à ce que la construction de ces 100 000 logements soit structurée pour impacter la situation économique et sociale notamment l’accès à ces logements et la création d’emplois directs et indirects tout comme la formalisation de toutes entreprises informelles impliquées en les accompagnant à côté des PME/PMI du BTP avec des fonds de garantie et de financement pour les développer et étendre davantage l’assiette fiscale du Sénégal.

Nous prenons en exemple le modèle réussi marocain de politique d’habitat pour une articulation du programme des 100 000 logements et de celui de VSB (Villes Sans Bidonvilles).

A titre d’exemple, au Maroc, depuis le lancement du programme VSB, sur un total de 465.000 familles concernées, 347.277 ont déjà été servies, soit 74%, pour un coût global de 45,7 milliards de dirhams, dont 11,9 milliards de dirhams au titre de la subvention du ministère de l’Habitat.

À ce jour, 61 villes marocaines sont déclarées sans bidonvilles.

Pour le cas spécifique du Sénégal, pour un budget de financement hors foncier, le logement social peut étre livré clé en main entre 10 000 000 F CFA TTC et 12 500 000 F CFA TTC pour une typologie F3 selon l’optimisation des parties bâties et celles réservées à l’extension. Avec un coût de viabilisation de 3 500 000 F CFA TTC par unité de logement.

Un tel programme doit, au-delà de l’objectif principal de production de logement, réduire le taux de 97% du secteur informel qui contribue à 3% des recettes fiscales intérieures ainsi que le taux de 80% des emplois informels afin d’agrandir le secteur formel et appliquer à ces sociétés informelles à formaliser un régime de taxes et impôts symbolique à croitre par paliers soutenables.

C’est à dire un régime fiscal encourageant les sociétés informelles du secteur à se formaliser et récolter en fiscalité d’échelle des recettes fiscales intéressantes après développement de ces sociétés : ce qui vaut mieux que de maintenir beaucoup de sociétés informelles et stagner autour de 3% de recettes fiscales intérieures.

Dans ce chapitre, le FONSIS le FONGIP et l’ADPME ont un grand rôle à jouer avec des investissements de soutien pour formaliser et développer les entreprises informelles, disposer de la carte de ces entreprises et fournisseurs sur l’ensemble du territoire et récupérer leurs investissements dans les recettes fiscales futures avec l’ETAT : le financement du logement par des véhicules comme les titrisations avec la participations de la diaspora et des tiers ainsi que les contributions des assurances restent un levier prometteur.

Nos recommandations vont aussi dans le sens de commencer à appliquer le visa des états financiers des entreprises attributaires et de veiller à ce que celles-ci transmettent la liste des entreprises sous –traitantes au maître d’ouvrage délégué pour éviter la sous-traitance de troisième degré et la technique des poupées russes qui consiste à garder l’argent que dans les filiales de son groupe d’entreprises.

De cette équité, pour les 100 000 logements plus de 625 000 emplois seront créés.

Sans compter les emplois et recettes induits par le développement des industries des BTP.

Et le programme portera en tendance haussière la valeur ajoutée de la branche « construction » qui, d’après l’ANSD, s’était établie à 383,5 milliards de FCFA en 2018 (en valeur). En 2018, la construction représente 3,0% du PIB nominal et 12,3% de la valeur ajoutée du secteur secondaire (aux prix courants). L’activité de construction est restée dynamique en 2018 avec une progression de 11,5% de sa valeur ajoutée en volume, après 15,9% en 2017.Cette bonne tenue de l’activité est expliquée, en partie, par le bon comportement des ventes locales, en liaison avec les grands travaux de l’Etat et la demande intérieure privée.

C’est le moment d’élaborer avec les entreprises contractantes un répertoire des ouvriers, pour la HIMO (Haute Intensité de Main d’œuvre), à qui elles délivreront des attestations de certification de compétence spécialisée.

Au total, cette matrice de recommandations est à déterminant positif en ce sens que les réinvestissements des revenus de nos ressources minières et pétrolières du fonds inter générationnel se feront dans l’immobilier de luxe, les TIC, la gouvernance de l’espace, l’agriculture, les énergies, l’industrie, la santé, la sécurité/défense, la recherche, le marché financier et boursier, les investissements étrangers incontournables dans le cycle du développement et de diversification pour un développement durable.

Dans cette perspectives, l’application pratique de telles recommandations et sensibilisations pourront ine fine baisser, par les lois du marché, la baisse des couts de location et accélérer la contribution des secteurs primaires et tertiaires en ce sens que l’habitat/l’immobilier est un carrefour qui dynamise tous les secteurs d’une économie réelle.

Ibra FALL DIAGNE, ingénieur polytechnicien sénior en génie civil.
Expérience confirmée en direction technique et coordination technique de sociétés de construction BTP et promotion immobilière.
Email : ibrafalldiagne@gmail.com

Sur le même sujet

+ There are no comments

Add yours