Jean Luc Mélenchon, en visite jusqu’à samedi au Sénégal à l’invitation du parti panafricaniste et souverainiste Pastef vainqueur de la récente présidentielle, a rappelé les évènements de Thiaroye (Sénégal) en décembre 1944, dans une déclaration après une visite de la maison de l’ancien président Léopold Sédar Senghor à Dakar.
Des troupes coloniales et des gendarmes français avaient tiré sur des tirailleurs sénégalais rapatriés qui réclamaient leurs arriérés de solde. Des dizaines de tirailleurs avaient été tués.
« Si j’évoque à cet instant cet épisode du néocolonialisme, c’est que la France, qui pensait s’en être d’abord tirée, y retourne à cet instant, et à l’heure à laquelle je vous parle nous avons à souffrir de trois morts parmi les jeunes Kanaks et d’un gendarme français, tués à Nouméa », a dit M. Mélenchon.
« Cent soixante-dix ans d’acharnement n’ont pas suffi à abattre la volonté kanake de redevenir souveraine de son destin et nul n’y parviendra jamais », a-t-il dit.
« Il n’y a pas d'(autre) issue à une situation coloniale que la décolonisation et tout le reste est une perte de temps », a-t-il renchéri.
Deux violentes nuits d’émeutes provoquées par un projet de réforme constitutionnelle rejeté par les indépendantistes ont fait quatre morts dont un gendarme en Nouvelle-Calédonie. Le président français Emmanuel Macron a décidé d’instaurer l’état d’urgence dans l’archipel.
M. Mélenchon a évoqué Thiaroye pour illustrer son propos selon lequel « la France est capable dans sa relation au Sénégal du meilleur et du pire ».
Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko « nous trouvera, nous Insoumis, de son côté chaque fois qu’il présentera des réclamations » au sujet des torts causés comme à Thiaroye par l’ancienne puissance coloniale française, a-t-il ajouté.
M. Mélenchon, venu au Sénégal à la tête d’une délégation de La France Insoumise, a répondu à l’invitation du parti Pastef de M. Sonko auquel il a multiplié les déclarations de soutien dans le bras de fer de trois ans livré à l’ancien pouvoir.
« Amalgame »
M. Sonko a été empêché de concourir à la présidentielle de mars. Il s’est fait remplacer par son second, Bassirou Diomaye Faye, qui l’a emporté haut la main au premier tour en promettant la rupture avec l’ancien système, alors que MM. Sonko et Faye étaient encore en prison quelques jours avant l’élection.
MM. Sonko et Mélenchon et leur entourage se sont entretenus mercredi soir. Le Premier ministre sénégalais a remercié, devant la presse, La France Insoumise pour son « soutien sans faille, constant, durant tout le temps qu’a duré la persécution contre notre parti ». Les deux hommes ont souligné les « convergences » entre leurs partis.
M. Sonko a souvent attaqué l’emprise, politique ou économique, que continuait selon lui à exercer la France sous l’ancien pouvoir.
M. Mélenchon a exalté le déroulement de la présidentielle au Sénégal et les aspirations souverainistes à l’oeuvre dans de nombreux pays africains, dont les Etats sahéliens théâtres de coups d’Etat militaires ces dernières années.
« Ici on a réglé par et pour le peuple la crise que les élites avaient elles-mêmes provoquée », a-t-il dit en qualifiant le changement de pouvoir à Dakar de « révolution citoyenne ».
« Le Sénégal soulève un espoir africain car c’est dans toute l’Afrique que les peuples veulent régler eux-mêmes leurs affaires », a-t-il dit.
Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont rompu depuis 2020 l’ancienne alliance avec la France. La Guinée a elle aussi connu un putsch. Le Pastef a dit que M. Sonko devrait se rendre prochainement dans ces pays. Ces visites annoncées ont suscité dans la presse des spéculations sur des diplomaties « parallèles » que mènerait le président et son Premier ministre.
M. Sonko s’est défendu contre tout « amalgame » au moment de recevoir M. Mélenchon. « Ce n’est pas le Premier ministre du Sénégal qui accueille M. Mélenchon », mais le président du Pastef, a-t-il déclaré.