Que sont devenues l’hospitalité, la cohésion sociale, le cousinage à plaisanterie, qui ont toujours marqué la société malienne ? La culture de la violence n’a-t-elle pas cloué ces valeurs au pilori ?
En effet, le Mali est devenue, depuis plusieurs années, une nation où la violence semble broyer tout sur son passage et cela, au quotidien. Un climat aggravé par la crise sécuritaire, qui en a tiré sa source depuis avant 2012.
C’est dans ce sens que le Mali est l’un des pays du continent les plus frappés par l’épidémie des coups d’Etat. Le pays en a cinq au compteur, preuve d’un activisme débordant et penché vers le pouvoir chez ses militaires… Il s’agit du coup d’Etat de 1968, opéré par le lieutenant-colonel Moussa Traoré (considéré comme un du dictateur), du coup d’Etat révolutionnaire et populaire du 26 mars 1991 du lieutenant-Colonel Amadou Toumani Touré, du putsch du 22 mars 2012 du capitaine Amadou Haya Sanogo, du coup d’Etat du 18 août 2020, suivi de celui de mai 2021, tous les deux opérés par le colonel Assimi Goïta, qui semble s’inscrire dans une logique de remise en cause des acquis démocratiques.
En outre, une manifestation de cette tendance à la violence est que l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) a été récemment dissoute, principalement pour le fait que cette association s’illustre dans des actes de violences, presque au quotidien. Combien de fouilles et perquisitions policières ont permis de découvrir d’impressionnants arsenaux de guerre dans des résidences universitaires, ou aux domiciles de leaders estudiantins ? Comment des étudiants et élèves peuvent s’inscrire autant dans l’exercice de la violence ? Cette situation n’est-elle pas le reflet de la société malienne aujourd’hui trop marquée par la culture de la violence ? Combien de fois aperçoit-on dans la circulation des cas de bagarres avec usage d’armes blanches ? Combien de cas d’injures et autres violences verbales voit-on proférées dans la circulation et sur les réseaux sociaux ? Comment les Maliens sont-ils parvenus à perdre leur pacifisme et leur tolérance légendaire ?
Pourquoi la violence s’est-elle aussi gravement incrustée dans les mœurs du peuple malien, pourtant longtemps réputé pacifiste ? Certains historiens et sociologues expliquent ce phénomène par le passé d’empire et de conquérants du pays ? Sans omettre de mettre l’accent sur les résistances qui ont lourdement marqué le processus de décolonisation du Mali, c’est-à-dire avant les indépendances du pays, le 22 septembre 1960.
En effet, avant l’étape du Soudan français et de la fédération avec le Sénégal, le Mali a été marqué par la résistance avec les héros comme Samory Touré, Babemba, Firhoun, Sonni Ali Ber, etc ? Tous ces leaders ont été de grands combattants qui ont vendu chèrement leurs peaux. Ils ont défendu bec et ongle des pans entiers du territoire contre la domination étrangère. Ce qui a eu le mérite de cultiver une détermination patriotique empreinte de violence face à l’adversité. La conséquence immédiate de ces épreuves est la prédisposition des populations à l’auto-défense, donc à l’armement. Puisque chaque concession devrait prouver sa dignité et sa bravoure en disposant d’armes à feu, pour faire face à tout ennemi, quel qu’il soit.
Progressivement, cette culture de la violence s’est intensifiée durant la lutte pour les indépendances avec des combats farouches livrés au colonisateur français. Cela s’est enraciné et a donné naissance à une culture de la violence, dans les luttes politiques.
Le paroxysme de cette tendance à la violence fera que le Mali indépendant va connaître cinq coups d’Etats de 1960 à nos jours. Sans oublier les mouvements insurrectionnels déjoués et les rébellions dans les parties septentrionales du pays.
En outre, avec la survenance de la crise sécuritaire, l’on a assisté à une course vers l’armement, avec la prolifération des armes dans le pays. Et la faillite de l’Etat, ou l’absence de l’administration dans certaines contrées a renforcé le sentiment d’abandon par la puissance publique. Ce qui a poussé les populations à déployer des efforts dans des réflexes d’autodéfense et aussi de repli identitaires. C’est ainsi que des milices ont pu avoir pignon sur rue. Cela a créé une guéguerre et une prédisposition à la violence armée et aveugle. Surtout qu’avec le faible niveau d’alphabétisation du pays, la violence apparaît très vite comme une facile expression de l’instinct de survie.
Il urge que les dirigeants de la Transition agissent rapidement, à travers une législation ferme, pour mettre fin à cette tendance à la violence, qui conduit le pays vers un état de jungle. Le processus de dialogue inter-Maliens en cours doit œuvrer à poser les jalons d’une véritable pacification du pays, en vue d’une réconciliation effective.
Boubou SIDIBE/maliweb.net