Le président Macky Sall a ouvert hier lundi le dialogue national auquel il a convié les forces vives de la nation. Une initiative boycottée non seulement par 17 des 19 candidats légalement retenus par le Conseil constitutionnel, mais aussi par une bonne partie de la société civile et les partis politiques les plus représentatifs comme Pastef, Taxawu Sénégal, Rewmi… Finalement, Macky Sall n’avait en face de lui, comme candidats retenus, que deux de ses premiers ministres : Amadou Ba, l’actuel et Mahammed Boun Abdallah Dionne, l’ancien qui a demandé que le processus électoral ne soit pas interrompu.
Pour le reste, Macky Sall s’est retrouvé, en dehors du Pds, avec des candidats à la représentativité douteuse : Cheikh Tidiane Gadio qui a eu 1% des voix en 2012, Mamadou Diop Decroix dont le parti est devenu un wagon à force de rater les élections, Alioune Sarr qui n’a jamais réussi à s’imposer à l’Afp et Me El Hadji Diouf qui a échoué à se faire élire député aux législatives et qui insultent les Sénégalais parce qu’ils ne veulent pas de lui à l’Assemblée nationale.
Voilà donc un échantillon assez représentatif de ceux qui ont répondu présent du côté des politiques. Pour le reste, ce sont des alliés de Benno, des religieux, chefs coutumiers, acteurs économiques, syndicalistes ; c’est-à-dire des franges de la société qui ne sont que des figurants dans un dialogue plus politique que national. Et encore, puisque les grandes figures du patronat ont brillé par leur absence en se faisant représenter.
Rfi, la cible principale
Pour débuter, le scénariste Macky Sall a donné la parole aux conspirationnistes, ceux-là qui accusent les grandes puissances d’être, avec leurs médias, la source de tous nos malheurs et qui guettent la moindre occasion pour déstabiliser le Sénégal. Cheikh Tidiane Gadio a été le premier à accuser la France, Rfi en particulier, sans la nommer, d’attiser le feu au Sénégal. Gadio déclare que Rfi ne cesse de s’intéresser à la crise avec un traitement tendancieux. « Il y a une radio internationale, quand elle parle de la crise, elle est comme une actionnaire (sic) majeure de la vie politique du Sénégal », fulmine Gadio. L’ancien ministre voit partout des terroristes et des lobbies du pétrole et du gaz qui veulent mettre la main sur le Sénégal.
Alioune Sarr viendra pour promettre que des Sénégalais seront debout pour faire barrage aux forces étrangères. A son tour, Me El Hadji Diouf va souligner l’existence d’une « presse manipulée et partisane, européenne et américaine ». Faisant son show comme toujours, l’avocat-politicien ajoute : « ce Mélenchon qui tire sur le Sénégal et le président Macky Sall ».
Après lui, c’était au tour de Thione Niang d’affirmer que ‘’nous sommes infiltrés’’. « Il y a des gens qui ont investi et qui sont capables de brûler le pays. Si on ne fait pas attention, ils vont brûler le pays », soutient-il. Finalement, c’était à se demander s’il s’agissait d’un dialogue pour fixer une date pour l’élection ou d’une séance de diatribes contre l’Occident, la France particulièrement.
Après les adeptes de la théorie du complot, place à ceux qui demandent le report suivis de ceux qui ne veulent pas le départ de Macky Sall à partir du 2 avril.
En réalité, il suffit d’écouter les acteurs politiques pour comprendre que l’idée principale est de valider la prolongation du mandat de Macky Sall. Quand Mamadou Diop Decroix minimise les deux à trois mois à attendre, Ousmane Ngom dit au président Macky Sall qu’il ne peut pas et ne doit pas quitter le pays le 2 avril. Il remet même en cause la suppléance du président de l’Assemblée nationale. Comme lui, d’autres vont dire au président de la république qu’il n’a pas le droit de tourner le dos au Sénégal dans ces moments de troubles. Il est donc supplié de rester. Genoux à terre, front sur ses chaussures, il est prié de rester.
Valider le report des élections
C’est à ce moment que le scénariste et acteur principal revient sur la scène pour réaffirmer sa volonté de partir. D’ailleurs, ce n’est même plus une simple volonté, il meurt d’envie de partir. « Je n’en veux plus, j’en ai assez », balance-t-il. Le roi va jeter l’éponge et partir, il ne veut même pas assister aux élections. Macky Sall va saisir le conseil constitutionnel pour désigner son successeur pendant que lui s’en va. Et clap de fin !
Non ! Attention ! Pas si vite. Le président va quitter le pouvoir si et seulement si il n’y a pas consensus. Mais si jamais les gens arrivent à s’accorder, Macky se fera violence (mais vraiment violence) en restant à la tête du pays le temps que son prédécesseur arrive. Et pour cela, le terrain a été préparé. Le scénariste a pris le soin d’inviter ses idiots utiles pour qu’ils disent ce qu’il a envie d’entendre, ce qu’il a l’intention de faire. Bref, pour qu’ils valident, qu’ils cautionnent ce qui se trame, face au monde entier.
Ainsi, pour résumer, les dialogueurs ont d’abord tenu un discours guerrier contre la France pour montrer que les décisions concernant le Sénégal sont prises à Dakar et par les Sénégalais. Ensuite, ce sont ces derniers qui, premièrement, veulent la reprise du processus électoral avec le temps que ça prendra. Deuxièmement, Macky Sall doit rester en poste durant cette période.
Dès lors, il ne serait pas surprenant de voir le président qui, du reste, a déjà indiqué la voie, fixer le scrutin dans deux à trois mois en s’appuyant sur les différentes prises de parole. Mais personne n’est dupe, le peuple sait qui représente quoi. Et puisque le Conseil constitutionnel a été encore saisi par les candidats légitimes, on ose espérer que les ‘’7 sages’’ vont une nouvelle assumer pleinement leur rôle en fixant une date pour mettre définitivement un terme à ce cirque présidentiel avant qu’il ne soit trop tard.