Dans le sous-quartier de Boribana, les petites maisons aux toits de tôle sont désormais coincées entre la lagune Ebrié et l’imposant Quatrième pont qui doit ouvrir à la circulation dans les prochains jours. Parmi les 28 000 habitants, beaucoup y sont nés, y ont grandi et ont passé leur scolarité. L’annonce des services du ministre-gouverneur Cissé Bacongo de détruire le quartier dans les prochaines 72 heures, a créé un vif émoi.
« Personne ne décide de naître pauvre »
« Humainement parlant, ce n’est pas possible. Même un animal, quand on veut le déplacer, entretenir son enclos, il faut trouver un point de chute d’abord. Nous sommes des humains, nous avons des droits, nous sommes des Ivoiriens, nous sommes nés ici, personne ne décide de naître pauvre. On n’a pas d’endroit où aller, on va aller où ? C’est la question qui est là. Nous allons rester ici. S’ils veulent nous enterrer ici, ils nous enterreront ici. Ce qui est sûr, c’est que nous, nous allons rester ici », s’indigne Ignécin Adama, père de famille de 51 ans.
« Nous avons essayé d’expliquer cela à la police. Nous avons essayé de rentrer en contact avec les autorités du district d’Abidjan. Personne ne nous a écoutés et on n’a pu joindre personne », alerte de son côté Keïta Moribo, représentant du quartier.
« C’est la CAN ! »
Six hectares sur les vint-et-un qui forment le quartier Boribana ont déjà été détruits en raison du chantier du Quatrième pont. Les habitants avaient certes conscience que le quartier allait devoir encore changer de visage dans le cadre du Projet de valorisation des quartiers précaires, lancé par le gouvernement, mais, selon eux, l’expertise des bâtiments et le recensement de la population étaient toujours en cours pour permettre une juste indemnisation des 507 propriétaires de cours. Ils accusent les autorités de vouloir détruire les quartiers précaires, avant la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN).
« C’est à cause de la CAN. La CAN, elle est faite pour les populations, pour les Ivoiriens ou bien elle est faite pour qui ? On organise la CAN pour égayer les populations et non endeuiller les populations, attrister les populations. Nous demandons au gouvernement de revoir la position. »
Les habitants répètent qu’ils ne sont pas contre le développement du pays mais réclament des solutions de relogement. Ils affirment qu’ils ne quitteront pas le quartier, quitte à dormir sur le boulevard de la paix ou sur le Quatrième pont.