Ces dernières années, le phénomène de l’émigration irrégulière a pris des proportions inquiétantes. Les derniers chiffres font état de 12 833 migrants arrivés en Espagne en 2023, dont 9 319 Sénégalais. Ce qui démontre que l’émigration irrégulière est devenue un nœud très délicat et une épine au pied des gouvernements.
Joal, zone de départ, en dépit des contrôles et surveillances stricts installés au niveau de la côte, les candidats usent de subterfuges pour tromper la vigilance des garde-côtes.
« Les candidats se mettent dans de petites pirogues et ils vont au large pour prendre la grande pirogue. Joal est une zone de pêche. Quand des individus arrivent avec leur matériel et qu’ils vous disent qu’ils vont pêcher, vous ne pouvez pas les en empêcher, parce que c’est leur source de revenus. C’est une fois en haute mer qu’ils font le transbordement », explique le maire de Joal-Fadiouth, Aissatou Sophie Gladima.
Ainsi, pour comprendre pourquoi ce phénomène persiste et se révèle si difficile à éradiquer, la mairie de Joal-Fadiouth a organisé un panel entre différents acteurs, parmi lesquels des sociologues.
D’ailleurs, l’édile de Joal a interpelé les sociologues à se pencher sur cette question afin de trouver les véritables moyens pour l’endiguer.
En vérité, les facteurs de l’immigration irrégulière se révèlent bien plus complexes et problématiques quand on les soumet à une analyse plus approfondie.
Selon le professeur de sociologie Abdoulaye Niang, président de l’université Kocc Barma de Saint-Louis, les facteurs sont à rechercher dans un cadre plus social.
À l’en croire, la majeure partie des gens qui partent viennent de ce qu’on appelle le secteur informel. Il préconise que des mesures qui portent sur l’amélioration des conditions de ce secteur soient prises.
« Les gens qui partent, ce n’est pas parce qu’ils ne gagnent pas de l’argent, mais leurs revenus en général sont faibles et précaires. Ce sont aussi des gens très ambitieux pour eux-mêmes et ambitieux pour leur famille. Il y a un gap énorme qu’ils perçoivent entre leur volonté de se hisser à un niveau social plus élevé et ce que leur permet leur capacité financière réelle. Ils ne voient pas d’autre issue que de partir. On ne le dit pas souvent, mais ce n’est pas parce qu’ils gagnent peu qu’ils partent. C’est plutôt parce qu’ils veulent fuir les contraintes sociomorales ou sociocommunautaires qui font que de manière générale, ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent. La réussite dont on parle en Europe n’est pas aussi extraordinaire qu’on le pense. Il n’y a pas de stress moral qu’impose la société ici. Les gens qui partent fuient les contraintes sociales », déclare le Pr. Niang.