Le parquet a requis un an de prison avec sursis contre Christophe Galtier, qui s’est pourtant défendu pied à pied vendredi lors de son procès pour harcèlement et discrimination, essentiellement contre des joueurs musulmans, lorsqu’il était entraîneur de l’OGC Nice.
L’audience se poursuivait dans la soirée avec les plaidoiries de la défense.
Visage fermé, hâlé et légèrement amaigri, l’entraîneur de 57 ans a fait le déplacement du Qatar, où il dirige désormais l’équipe d’Al-Duhail, pour se présenter devant le tribunal correctionnel de Nice. Mais aucun des autres acteurs du dossier n’était présent.
Toute la journée, l’ancien coach du Paris SG, passé par Nice lors de la saison 2021-22, est resté debout à la barre, écoutant sans broncher des heures de lecture fastidieuse des éléments saillants des procès-verbaux retraçant une trentaine d’auditions.
A l’issue des débats, le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli, a évoqué « un fond de racisme ordinaire sur lequel M. Galtier n’est pas tout à fait lucide ». Il a aussi dénoncé l' »obsession » de l’entraîneur sur le ramadan, le mois de jeûne musulman, « instrumentalisé » pour « chercher à diminuer le nombre de noirs et de musulmans dans l’équipe ».
En plus des 12 mois de prison avec sursis, le magistrat a demandé contre l’ancien joueur marseillais l’amende maximale de 45.000 euros et trois ans d’inéligibilité.
L’affaire avait commencé avec la révélation en avril par des journalistes d’un courriel accusateur de mai 2022 de Julien Fournier, alors directeur général du club, à l’attention de l’actionnaire Ineos.
Dans ce courriel, dont de longs passages ont été lus à l’audience, Fournier rapportait en particulier un échange d’août 2021 où Galtier lui aurait dit, après avoir été pris à partie par des Niçois la veille au restaurant, que l’équipe comptait « trop de noirs et de musulmans ».
A la barre, l’entraîneur a raconté avoir été effectivement interpellé au restaurant, avec « des propos racistes » et avoir fait part de sa surprise le lendemain à plusieurs membres de longue date du staff niçois, dont Fournier.
– « King Kong » –
De même, ce courriel de Fournier évoquait des échanges à l’occasion du ramadan, quand Galtier se serait plaint de manière répétée d’avoir « trop de joueurs musulmans ».
Cité par la défense, le Dr Hakim Chalabi, spécialiste du sport de très haut niveau et directeur médical du PSG, a expliqué que le ramadan provoquait une baisse de 30% des performances physiologiques et des risques de blessures
Alors certes, l’enquête a montré que les joueurs observant le jeûne n’avaient pas été écartés du terrain par Galtier. Mais pour le procureur, « c’est un faux sujet. Entraver, c’est dire au joueur: +si tu ne manges pas, tu ne joues pas+. Quand on est dans ce chantage, on est dans l’entrave », même si le joueur n’a pas obtempéré.
Dans les PV d’auditions, de nombreux responsables du club niçois et d’Ineos ont plutôt insisté sur les relations exécrables entre Fournier et Galtier, en particulier après le mercato d’hiver, que l’entraîneur espérait plus ambitieux.
Plusieurs joueurs interrogés pendant l’enquête ont eux évoqué un climat discriminatoire et raciste, tout en assurant n’avoir jamais été directement témoins ou victimes.
Quelques proches de Fournier ont en revanche rapporté des propos litigieux de Galtier, comme le fait qu’il aurait traité Jean-Clair Todibo de « salafiste » qui allait « venir tirer sur tout le monde ». « C’est terrible de sortir de tels mensonges! », s’est emporté l’ex-entraîneur niçois à la barre.
Pour d’autres propos, l’entraîneur a estimé qu’ils avaient été déformés ou mal compris. Ainsi, s’il s’est bien indigné dans un SMS à Fournier de voir Todibo un matin à 10h22 « en tenue traditionnelle », c’est qu’il était fâché de voir le joueur arriver en retard et pas en tenue d’entraînement.
Et s’il a bien qualifié devant ses joueurs deux défenseurs noirs adverses de « King Kong », c’était pour évoquer « la force et la puissance », sans « notion de race », a expliqué Galtier, assurant qu’il avait utilisé le même mot peu après pour parler du défenseur nantais Nicolas Pallois, un joueur blanc.
« Dans le contexte de l’hypersensibilité, des bananes, des cris de singes (des supporters), comment peut-on imaginer que ces propos ne vont pas faire mal ? », a répliqué le procureur.
La défense de Galtier a elle dénoncé une enquête à charge, regrettant que seuls les joueurs désignés par Fournier aient été entendus. Au sein du club, plusieurs autres joueurs ont en effet apporté leur soutien à leur ancien coach, tout comme des joueurs musulmans ayant évolué sous ses ordres à Lille.
Christophe Galtier, ancien défenseur formé à Marseille, s’est fait une belle réputation d’entraîneur à poigne à Saint-Etienne (2009-2017) et à Lille, champion de France en 2021. La suite a été plus mitigée, autant à Nice qu’au PSG.