Emploi en Afrique subsaharienne : Un secteur névralgique qui va déterminer la stabilité de nos pays dans les années à venir

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Près de 12 millions de jeunes africains entrent sur le marché du travail dans la région chaque année. C’est pourquoi, selon la Banque mondiale, il n’a jamais été si urgent pour les décideurs politiques de transformer leur économie et de créer les conditions d’une croissance grâce à de meilleurs emplois. Il est en tout cas clair que la stabilité de nos Etats va beaucoup dépendre de leur capacité à satisfaire la forte demande d’emplois dans les années à venir.

D’ici 2050, plus d’une personne sur cinq en âge de travailler vivra en Afrique, dépassant l’Inde et la Chine ! C’est ce qu’a révélé le dernier rapport «Africa’s Pulse» (N°28, octobre 2023) axé sur le thème «créer de la croissance pour tous grâce à de meilleurs emplois». Il met en exergue «les défis et les stratégies pour créer des emplois productifs» pouvant booster la croissance économique. La création d’emplois demeure donc un grand défi pour des Etats pauvres, comme le Mali, où plus de 10 millions de jeunes entrent sur le marché du travail chaque année. Ce qui rend urgent le besoin d’une croissance inclusive.  Malheureusement, comme l’a souligné M. André Dabalen (économiste en chef/Afrique à la Banque mondiale), «la croissance ne s’est pas traduite par des opportunités d’emploi suffisantes».

La croissance de l’activité économique en Afrique subsaharienne, selon la Banque mondiale, devrait ralentir pour atteindre 2,5 % en 2023, contre 3,6 % en 2022. Elle devrait s’accélérer pour atteindre 3,7 % en 2024 et 4,1 % en 2025. Toutefois, en termes de revenu par habitant, la région devrait connaître une légère contraction au cours de la période 2015- 2025. La région est confrontée à de nombreux défis, notamment une «décennie perdue» de croissance exponentielle, un revenu par habitant toujours faible, des pressions budgétaires croissantes exacerbées par un endettement élevé et un besoin urgent de création d’emplois…

Pour le rapport «Africa’s Pulse», la résolution de «ces problèmes aux multiples facettes nécessite des réformes globales pour promouvoir la prospérité économique, réduire la pauvreté et créer des opportunités d’emploi durable dans la région. Cela nécessitera un écosystème qui facilite la création, la stabilité et la croissance des entreprises, ainsi que le développement de compétences correspondant à la demande des entreprises». Au-delà des enjeux économiques, la création d’emploi a des incidences sociopolitiques dans une région de plus en plus déstabilisée par le terrorisme, l’extrémisme violent… Et ce ne serait qu’une lapalissade que de dire que le chômage constitue le terreau fertile de ces fléaux. Il est plus facile d’endoctriner un jeune désoeuvré à qui on offre un revenu et une arme, même si c’est pour faire le sale boulot.

Selon de nombreuses études publiées ces dernières années, le chômage des jeunes nourrit la criminalité et le terrorisme dans plusieurs pays africains, notamment au Sahel. Ainsi, depuis plusieurs décennies, les questions de sécurité et d’emploi des jeunes se trouvent corrélées sur le continent africain. Cela va des manipulations politiques à l’enrôlement dans des groupes rebelles en passant par le recrutement par des groupes terroristes prônant le jihad.

Ainsi, selon une étude de l’ONG américaine «American Entreprise Institute», publiée en 2019 et intitulée «Lutter contre l’exploitation des jeunes par les terroristes» (menée par l’universitaire Jessica Trisko Darden), l’Afrique est le continent qui concentre le plus de recrutements locaux.  «L’histoire de l’insécurité en Afrique associe le chômage élevé des jeunes aux nombreuses situations d’instabilité sur le continent», avait également précisé une étude de l’Institute for Security Studies (Institut d’études de sécurité/ISS). «L’incapacité à relever les défis de la pauvreté, du chômage et de l’échec entrepreneurial est l’un des principaux facteurs d’insécurité» dans nos pays, avait-il indiqué. «Les jeunes valides, mais non qualifiés, sans emploi et aliénés, sont prêts à prendre les armes en échange de petites sommes d’argent ainsi que de la promesse d’une reconnaissance, d’un butin et de femmes… Ils sont plus susceptibles d’être attirés par l’influence de factions en guerre ou de bandes criminelles pour obtenir cette ‘émancipation», avait aussi conclu une étude publiée en 2017 par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

C’est pourquoi le Sahel (notamment le Mali, le Niger et le Burkina Faso) est ainsi devenue l’une des régions du continent où les terroristes prospèrent désormais. Et pour stabiliser cette région, il faut des politiques de développement fiables générant des emplois pérennes pour les adolescents et les jeunes. Il est en tout cas clair aujourd’hui qu’offrir aux jeunes de la région des moyens sains d’épanouissement serait aussi un pas décisif dans la lutte contre le terrorisme !

Moussa Bolly

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