ombreux étaient les maliens à écouter religieusement la ministre de l’énergie et de l’eau, Bintou Camara lors de sa désormais controversée interview sur la chaine nationale. Sa sortie médiatique sur la crise qui frappe de plein fouet le secteur énergétique avait tout l’air d’un réquisitoire acerbe contre les agents de l’EDM et leurs collaborateurs externes dans la gestion du courant. Comme une réponse du berger à la bergère les syndicats ont apporté un démenti cinglant aux allégations de Mme la ministre tout en la chargeant. Aucune solution n’a été envisagée, ni par Mme la ministre encore moins les syndicats toutes les deux parties se sont livrées à une diatribe vexatoire au grand dam des consommateurs. Finalement qui de la ministre ou des syndicats a-t-il raison ? Où se situe la responsabilité des uns et des autres ? Que faut-il faire pour sortir ce secteur énergétique de l’auberge ?
Alors qu’on s’attendait à des propositions concrètes de sortie de crise énergétique à l’annonce, via les réseaux sociaux, de la désormais « grande interview révélatrice de Mme la ministre de l’énergie et de l’eau Bintou Camara », c’est plutôt une diatribe à laquelle s’est adonnée la ministre contre les agents de l’EDM et les fournisseurs de carburant. Pour Bintou Camara il y a véritablement un réseau mafieux qui semble faire une OPA sur la gestion de l’énergie et que ce réseau se caractérise par le vol et le détournement de carburant, ce qui n’est pas faux, par la fraude et la corruption. Au cours de son interview, elle a même affirmé que 59 citernes ont été détournés en 4 jours et que quelques individus auraient été arrêtés et les enquêtes en cours pour démasquer tous les coupables. Mme la ministre a également affirmé que plus de six milliards ont été déboursés par le Président de la transition pour acquérir 27 groupes électrogènes devant amoindrir les délestages et que 13 des 27 arrivés ont pris feu à leur essai. Elle précise que ces 13 groupes n’ont pas répondu aux normes prescrites et qu’ils seraient même acquis au Nigéria au lieu de la Turquie comme convenu, et cela dans des conditions frauduleuses. A écouter Mme la ministre la première question qui taraude tout esprit est celle de savoir pourquoi il n y a jusque-là pas eu d’arrestations tant dans l’affaire des groupes électrogènes que dans celle des carburants détournés. Pour rappel les menus fretins que sont les chauffeurs des citernes qui ont été interpellés ont tous retrouvé la liberté et les citernes restitués à leurs propriétaires. Ce sur quoi la ministre ne s’est pas beaucoup appesantie c’est le problème d’argent. Elle a juste effleuré la question en disant que l’EDM a une dette cumulée de plus de 600 milliards. Elle aurait dû ajouter qu’avec l’embargo financier que le pays subit de plein fouet ne lui permet pas de faire face à toutes les charges comme celle de l’EDM, faute d’argent. La ministre de l’énergie et de l’eau, par cette sortie, semble en rajouter à la confusion. Elle n’a apporté aucune solution au délestage et même sa promesse d’amélioration des longues coupures le lendemain s’est avérée fausse. Elle a, au contraire suscité une vive réaction de la part des syndicats de l’EDM et de transporteurs.
En Assemblée générale d’information suivie d’une conférence de presse, le vendredi 27 octobre 2023, les syndicats se disent outrés par les propos de la ministre qui semblent faire des agents de l’EDM des vulgaires voleurs et du coup elle les expose à la vindicte populaire. Pour les responsables des syndicats la ministre Camara n’a apporté aucune preuve des allégations qu’elle a faites et qu’à leur avis aucun agent de l’EDM n’est arrêté pour fraude ou corruption. S’agissant de la visite inopinée de Mme la ministre, aux dires des responsables des travailleurs de l’EDM, elle a été inappropriée et très mal conduite, car sans les techniciens elle ne comprendra nullement les choses, du reste elle semble même se ridiculiser. Si Les responsables des syndicats reconnaissent des difficultés et qui du reste ne datent pas de la période transitoire, ils reconnaissent également la mauvaise gestion et la corruption, car pour eux l’EDM est devenue un bureau de placement pour tous les régimes qui se sont succédés au pouvoir au Mali y compris le régime transitoire et Mme la ministre aurait bénéficié des largesses du système. Il n’en demeure pas moins qu’ils rejettent les accusations portées contre eux et Ils demandent que les enquêtes se poursuivent et que les responsabilités soient situées pour sortir le secteur énergétique de l’impasse.
A la question de savoir qui des syndicats ou de Mme la ministre avait raison, la réponse ne pourrait qu’être mitigée, car les syndicats ont reconnu des dysfonctionnements graves, l’existence de la corruption tant dans l’octroi des marchés que dans leurs exécutions, mais rejettent la responsabilité aux autorités qui sont à la base de tous ces maux. Quant à Mme la ministre, elle a été mal inspirée ou alors elle a agi par populisme pour sauver tant soit peu le régime qui fait l’objet de beaucoup de critiques. Sa sortie loin d’être la solution a plutôt jeté le pavé dans la mare du Président de la transition, qui est de surcroit le Président de la commission de régulation. Comme pour dire que tout se passe au nez et à la barbe du Président Assimi Goita. Les consommateurs s’attendaient beaucoup plus à des solutions plutôt que d’explication et de charges. La cause étant connue, les solutions devraient y être apportées.
En somme, la crise énergétique n’est que la face visible de l’iceberg de la crise générale au Mali touchant tous les secteurs socio-économique, voire sécuritaire. Donc il urge de trouver des solutions pour éviter à notre pays d’autres situations désagréables.
YYoussouf Sissoko